Teilhard redécouvert ? - France Catholique
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Teilhard redécouvert ?

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Pierre Teilhard de Chardin (1947)

Pierre Teilhard de Chardin (1947)

On a beaucoup parlé ces derniers temps du père Pierre Teilhard de Chardin, à cause de sa présence au cœur de la bataille de Verdun, dont on commémore le centenaire. Il est vrai que l’expérience du Front de guerre fut pour le célèbre jésuite une sorte d’expérience fondatrice. Présent au sein des batailles, comme brancardier, une des catégories qui furent les plus exposées au danger, il fut en plein drame, mais il en retint une leçon de réalité surhumaine, qui inspira sa réflexion fondamentale, concentrée dans la vision dont est née une œuvre puissante. Cette œuvre ne fut publiée qu’après la mort de Teilhard, et elle connut un extraordinaire succès dans les années cinquante et soixante. Des livres comme Le phénomène humain et Le milieu divin eurent une influence profonde sur toute une génération. Jean-Luc Mélenchon n’a pas hésité à déclarer, lors d’une grande émission de télévision, que Teilhard fut son premier maître. Il s’en est ensuite expliqué auprès de nos confrères de La Vie auxquels il rendait visite : « Mon premier contact avec un vision globale du monde est venu avec Teilhard de Chardin. » Et d’ajouter qu’il était à l’index à l’époque, alors que le pape François le cite aujourd’hui dans son encyclique Loué sois-tu.

Cette assertion n’est pas tout à fait exacte. Le religieux n’a jamais fait l’objet d’une mise à l’index, selon la pratique du Saint-Office d’alors. Il fut l’objet d’un avertissement sérieux qui n’équivalait pas à une condamnation pure et simple. Pour comprendre cet avertissement, il y aurait lieu de revenir au climat de l’époque et à l’utilisation qui était faite d’une pensée complexe, parfois réduite à la dimension d’une idéologie mondaine. Jean-Luc Mélenchon lui-même nous permet de pressentir la possibilité de certaines équivoques : « Teilhard de Chardin responsabilisait l’homme dans l’histoire, cela m’a permis d’être mûr pour passer à Karl Marx. » C’est bien là le problème. Réduire Teilhard à une sorte de progressiste compris à la façon des philosophes de l’histoire horizontaliste, c’était la pente de l’esprit du temps. C’était aussi une dérive qui déformait gravement le sens de l’entreprise teilhardienne pour éclairer la destinée humaine par la révélation plénière du christianisme. Celle-ci méditée, notamment, à travers les grandes orientations pauliniennes. C’est pour restituer l’intention axiale de son ami, que le père de Lubac s’employa à analyser sa pensée religieuse. Le teilhardisme consistait trop souvent en déformation d’une œuvre à laquelle il fallait rendre sa complexité et surtout sa signification christique.

Il reste à espérer qu’un demi-siècle plus tard s’opère une redécouverte de la véritable pensée de Pierre Teilhard de Chardin, pour en saisir l’actualité d’autant plus frappante qu’elle réactualise tous les principaux dogmes du christianisme.