Tant-pis, ce n'est pas grave. - France Catholique
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La justice de Dieu
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Tant-pis, ce n’est pas grave.

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Le conseil d’administration de la faculté Providence, où j’enseigne, a lancé la suggestion de nous orienter vers une assurance-santé individuelle. L’idée commençait à germer avant que le système d’assurance-santé fédéral contraigne tous les hommes à apporter leur soutien financier pour la fourniture de pilules contraceptives et autres poisons.

Il en est résulté des échanges musclés dans nos boîtes à courriels. Les théologiens de l’Établissement sont tous gens de fort calibre, et se joignirent à eux pour la bonne cause nombre de collègues en philosophie, en Anglais, en histoire, ainsi que des collègues d’autres disciplines. La discussion s’orienta rapidement sur la contraception, et savoir qui devrait la financer. D’où les conclusions que j’en ai tirées.

Des individus parfaitement capables de penser, ou de se dépétrer sans mal d’une solide controverse, ne peuvent ou ne veulent, réfléchir là-dessus. Ils ne prennent pas la peine d’argumenter; ils sursautent, poussent des hurlements, et lancent des noms d’oiseau.

J’ai bien précisé que la contraception n’a rien à voir avec des soins, elle ne soigne rien. Elle ne guérit aucun mal; elle ne rétablit pas la fonction d’un organe ou d’un membre atteint; elle ne protège contre aucune infection; elle ne soulage aucune douleur. Le problème, pour les partisans de la contraception, n’est pas le mauvais fonctionnement d’un organe, mais son bon fonctionnement, et ils voudraient bien le mettre en panne.

La « solution » consiste à neutraliser une fonction naturelle, comme si vous preniez un médicament anti-gloutonnerie qui permettrait d’avaler dix-mille calories par jour sans grossir d’un seul kilo. Et, tant que j’y étais, j’ai ajouté que la pilule ne peut qu’être un anti-médicament puisqu’elle insère dans l’organisme féminin un carcinogène de première catégorie, un œstrogène.
Ce qui accroît de 25% la probabilité de contracter un cancer du sein, selon les plus modestes estimations, et, puisque plus de 13% des femmes américaines seront touchées, il s’agit, en valeur absolue, d’un nombre énorme. Si la moitié d’entre elles prennent régulièrement la pilule, il y aura deux millions et demi de cas de cancer du sein supplémentaires.

L’information scientifique est de qualité, et facile à trouver. Que m’a-t-on répondu? Rien de valable. Le porteur du message est ignare, ignorons-le. Une foule de femmes professeurs s’est élevée avec indignation, déclarant qu’elles se sentaient « contraintes » de se plier aux règles d’une Église à laquelle elles n’appartenaient pas. Et je me suis demandé si elles avaient simplement perdu la faculté de comprendre la signification de mots aussi courants.

Elles, elles seules, tentent d’extorquer aux gens comme moi le prix de leurs pilules. Elles hurlent contre mes objections. Si je disais: « Non, je ne paierai pas votre abonnement à « Cosmopolitan », — ou, je ne lâcherai pas deux €uro pour vous offrir un « Big Mac », je ne les soumettrais à aucune contrainte — par exemple à lire des revues destinées à des gens d’un bon niveau, ou consommer une nourriture convenable. Elles peuvent bien lire leur torchon et manger la bouffe de leur choix tant qu’elles y sont.

Quelqu’un a soulevé l’objection de la prescription d’œstrogènes à titre médical. Naturellement, l’Église n’a aucune objection envers une telle prescription. J’ai cité le cas de la digitaline, l’Église ne s’oppose pas à ce médicament en cas de problème cardiaque, mais elle refuse évidemment qu’on l’emploie pour déclencher une attaque du cœur. Mon commentaire n’a même pas fait rire.

Le plus frappant a été toutefois la totale absence de considération pour le bien commun. Ceci, de la part de gens qui se considèrent comme animés d’un esprit « libéral » [NDT: le mot américain « liberal » a une signification marquée « à gauche »], généralement sans autre référence que leur vote habituel et leur aisance à suivre le courant de l’air du temps. Il ne s’agit pas de gens qui côtoient des travailleurs, qui savent ce qu’est descendre dans un puits de mine, qui visitent des prisons, ou qui ont plus que des pensées pour la misère de pauvres familles des classes laborieuses.

Ces mêmes personnes pourraient soutenir qu’il est moralement légitime de posséder une arme à feu, mais qu’il faudrait l’interdire de toute façon, et tant-pis pour le Deuxième Amendement [NDT: autorisant la possession d’une arme à feu], qui n’est qu’une vieille lune, ce serait un progrès pour le bien de tous. Je ne crois pas qu’une telle interdiction puisse servir le bien public, mais j’en accepterai volontiers l’augure. Il faut traiter la question sur les plans de la morale et de la prudence, considérant la valeur morale d’une telle possession, et analysant chaque cas particulier.

Mais une chose est certaine: tout ce qui, comme la pilule, transforme tant la nature des relations entre sexes, rompant le lien existant entre l’épanouissement sexuel et l’éventualité de la procréation, doit avoir des implications profondes sur le bien commun. On ne fait pas pousser un œstrogène au fond du jardin comme un pied de coca. C’est un produit manufacturé par une grande société pharmaceutique. À moins de rester témoin inerte devant l’irruption de chaque « progrès fantastique », nouvel appareil, nouvel aliment, nouveau poison, il faut s’interroger, « est-ce une bonne chose, ou un recul pour le bien public?»

Question que beaucoup de mes collègues refusent de poser, ou même d’envisager. « Et zut pour le bien commun, pourvu que j’aie ma part de …. » — je vous laisse remplir le pointillé. Ils ne se rendent pas compte à quel point ils se comportent comme ceux qu’ils méprisent le plus, les propriétaires d’armes à feu, par exemple.

Pourtant, à comparer, les possesseurs de pistolets sont mieux fondés à défendre leur cause. Ils peuvent s’appuyer sur un texte explicite de la Constitution ; ils ne prétendent pas défendre une nouveauté susceptible de bouleverser la civilisation. On ne peut faire porter aux amateurs de revolvers la responsabilité de la naissance de deux Américains sur cinq hors mariage, ni de la rupture de plus d’une union (mariés ou en « union libre ») sur deux.

Dans le domaine sexuel, je crains que certains collègues se comportent en Benthamites [NDT: adeptes de Bentham, 1748-1832, pour qui ce qui est agréable ne peut qu’être bon, et, désagréable, mauvais. Hédonistes], sans arrière-pensée pratique; « laissez-faire » (en français dans le texte), ou toute autre formule en français pour dire, « tant-pis pour les autres, tant-pis pour les enfants.»

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/see-no-evil.html