Syndrome chinois - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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Syndrome chinois

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Au cours de plusieurs décades durant lesquelles j’ai vécu à Washington, D.C., j’ai rencontré mon lot de fripouilles, et de chenapans affabulateurs et vraiment menteurs. Il faudrait un Dante moderne pour déterminer dans quel cercle de l’enfer chaque sorte d’inconduite mériterait d’être. Mais il est une chose dont je suis certain, au moins de ma propre expérience, c’est que je n’ai jamais rencontré de menteurs plus impudents et manipulateurs que les officiels communistes chinois chargés des relations avec les religions.

Ce qui est tellement inquiétant c’est que les rapports de la semaine dernière ont mis en avant la demande du Vatican à deux évêques de l’Eglise clandestine, de se retirer pour permettre à deux évêques de l’Eglise patriotique asservie au régime communiste, de prendre leur place. Cette nouvelle a conduit l’héroïque cardinal émérite de Hong-Kong, Joseph Zen, âgé de 86 ans, à aller à Rome sans rendez-vous, et à se tenir devant la Casa Santa Marta, et à demander l’autorisation de présenter une lettre des catholiques clandestins – qui sont prêts à résister en dépit de risques personnels – adressée au Pape François. Des sources fiables disent que le pape a reçu la lettre et a promis de la lire. (MISE A JOUR : Le cardinal Zen a publié ce matin un compte-rendu de ces événements confirmant l’évènement et ajoutant qu’il est pessimiste sur la voie suivie par le Vatican. En outre, il dit que le gouvernement est en train de sévir sur les institutions religieuses, et que, à partir du 1er février,  « l’assistance à la Messe clandestine ne sera plus tolérée. »)

Le cardinal Zen a été énergique dans son avertissement de la non-fiabilité des accords avec les communistes. (Des rumeurs d’un accord imminent entre la Chine et le Vatican circulent depuis deux ans, sans que rien n’ai été révélé de manière précise). Asia News, une publication du Vatican, a réagi aux nouvelles de la semaine dernière avec un avertissement au sujet d’une substitution d’évêques « légitimes « par d’autres « illégitimes ». Les Chicoms (comme nous avions l’habitude de les appeler pendant la guerre froide) sont malins et rusés. Ils savent comment manipuler les valeurs occidentales, et dans le cas présent, qu’en unifiant les églises, c’est à dire la tendance religieuse, nous penserions pouvoir régler tous les problèmes en dialoguant, en construisant des passerelles, avec des arrangements diplomatiques.

En attendant, la Chine continue à casser des croix d’églises, à en fermer certaines et à en dynamiter d’autres. Le New York Times a rapporté, il y a deux semaines, que la Chine avait détruit le temple de la Lampe Dorée – la plus grosse communauté évangélique du pays avec 60 OOO fidèles. La raison: le très grand et bien visible édifice aurait été construit « secrètement » sans avoir tous les permis officiels de construire etc … Ceci n’est qu’une couverture habituelle des régimes tyranniques à travers le monde quand ils attaquent la religion. J’ai entendu des Chinois haut placés blâmer les autorités locales pour leurs « excès et leurs erreurs », mais ces exactions semblent se reproduire avec une régularité suspecte sans que personne ne semble vouloir faire le nécessaire pour les stopper.

Les communistes chinois ont étudié la chute de l’Union Soviétique en 1989 et la libération des nations derrière le Rideau de Fer, grâce à St Jean Paul II , Donald Reagan, Margaret Thatcher, et de nombreuses autres personnalités en Occident qui gardèrent la pression sur Moscou. Ils comprennent la puissance de la religion et croient clairement qu’ils peuvent empêcher la chrétienté de faire en Chine, ce qu’elle a fait en Pologne et ailleurs. Les méthodes sont familières : coopter quand on le peut et persécuter et détruire quand on le peut aussi, imaginer et contrôler l’information pour qu’il semble que vous vous cherchez simplement un loi raisonnable et de l’ordre au sein de vos frontières.

Du point de vue du régime chinois, il y a un grand besoin de faire cela. La plupart des Chinois ont un vague attachement aux anciennes traditions religieuses. Peut être 15 % d’entre eux sont bouddhistes, et sont généralement calmes, excepté au Tibet où la résistance à la Chine reste vive. Et puis il y a les chrétiens, beaucoup d’entre eux, même si ce n’est pas encore un grand pourcentage. Des chiffres fiables sont difficiles à obtenir, mais 60 millions (au minimum) est une estimation raisonnable. On peut dire sans se tromper qu’il y a plus de chrétiens à l’église le dimanche en Chine que dans toute l’Europe, pour prier dans des assemblées chrétiennes « non approuvées », en dépit des conséquences potentiellement sérieuses.

Les protestants représentent probablement environ les deux tiers de ce nombre, mais l’Église Catholique a , bien entendu, une plus forte structure institutionnelle. Les Chinois ont l’habitude de jouer sur le temps. Étant donné que la chrétienté s’accroît rapidement dans ce pays, le régime aura des difficultés s’il y a dix millions de chrétiens de plus qui croient que chaque être humain est créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, ce qui signifie qu’ils ont le sens de la dignité humaine et de la liberté.

Une des questions banales de la politique étrangère qui se pose à propos de la Chine est de savoir précisément de quelle manière elle est communiste – et, par conséquent, si elle a au fond de ses gènes la vieille impulsion marxiste d’éradiquer « l’opium du peuple » c’est à dire la religion. L’économie est gérée, mais pas ruinée, selon les principes idéologiques marxistes, comme cela a été le cas dans l’ancienne Union Soviétique, et l’Europe de l’Est. Bien entendu elle n’est pas exactement capitaliste, mais il y a de très sérieuses innovations et initiatives. La main lourde de l’État est, cependant, tout à fait évidente, et surtout dans les mesures de contrôle de la population qui, même les Chinois le savent maintenant, apporteront pendant des décennies – au moins – des problèmes lorsque la population vieillira. Mais est ce que c’est vraiment un système athée dur?

J’ai évoqué l’histoire de la persécution chinoise des croyants dans mon livre The Catholic Martyrs of the Twentieth Century. A cette époque, le Falun Gong, environ 10 millions de personnes, a été brutalement persécuté par les Chinois parce que ce mouvement fondamentalement de spiritualité traditionnelle était « une menace pour la stabilité sociale ». Et cependant on disait, alors, comme maintenant, qu’il y avait aussi un certain nombre de chrétiens dans le Parti communiste.

Quelle que soit la composition idéologique de la Chine, l’indépendance de l’Église est quelque chose pour laquelle beaucoup de chrétiens ont combattu et sont morts pendant des siècles dans les pays chrétiens d’Europe.

L’indépendance par rapport aux régimes politiques est cruciale pour permettre à l’Église d’être libre de mener à bien sa mission spirituelle, non seulement pour évangéliser, mais pour travailler et s’exprimer au sujet de la justice et de la protection des droits dans la société. quelque soit le régime sous lequel ils vivent.

Le Vatican semble s’embrouiller dans ses relations avec un régime dont nous pouvons être sûrs qu’il ne respectera pas la liberté de l’Église vu qu’il ne respecte pas la dignité et la liberté de son propre peuple. Les négociateurs du Vatican feraient bien de se souvenir des leçons de l’ère communiste en Europe, et particulièrement l’avertissement de Soljénitsyne qui avertissait que nous devons bien comprendre la nature des régimes communistes et ne pas tomber dans l’illusion que le fossé entre nous et eux peut être aboli à travers des négociations diplomatiques réussies. Ceci parce que le fossé est profondément spirituel et non politique.

29 janvier 2018

Source :

https://www.thecatholicthing.org/2018/01/29/the-china-syndrome-3/

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Robert royal est rédacteur en chef du « the catholic Thing » , et président de « the Faith & Reason Institute » à Washington, D.C. Son livre le plus récent est : “À Deeper Vision :The Intellectual Tradition in the Twentieth Century, édité par Ignatius Press. « The God That Did Not Fail : How Religion Built and Sustains the West » , maintenant disponible broché chez « Encounter Books ».