Sur Michel Onfray - France Catholique
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Sur Michel Onfray

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Michel Onfray fait beaucoup parler de lui en ce moment, et je trouve qu’il assume son rôle critique avec un vrai courage et une réelle indépendance. Ce n’est pas pour autant que je me rallierai à son panache philosophique. S’il m’arrive d’apprécier telle ou telle de ses positions et si je partage son admiration pour Albert Camus, je reste imperméable à son athéisme et à son mode de pensée épicurien. Dans le numéro d’hier de Libération, il réitère sa posture anti-religieuse qu’il tient à distinguer de toute phobie à l’égard des juifs, des chrétiens et des musulmans. Je n’oublie pas qu’il a signé le manifeste de Jacques Julliard pour la défense des chrétiens du Moyen-Orient. Pourtant, j’aurais quelques remarques à faire à propos de sa critique de la religion du seul point de vue de la raison. Tout d’abord, je suis perplexe face à la proposition qu’il fait à la gauche non libérale, celle de Mélenchon, dont il est proche, de s’inscrire fermement dans la même perspective intellectuelle que la sienne. Certes, cela peut se concevoir, cela s’est vu dans le passé et il existe une évidente complicité de certains politiques avec des conceptions anti-chrétiennes. De là à inscrire une dimension directement anti-religieuse dans le combat des partis, il y a risque de mélange des genres et je redoute des glissements dangereux.

Mais Michel Onfray pose un autre problème lorsqu’il aborde le cadre de sa critique. Au nom de quelle raison entend-t-il analyser les textes religieux ? Je ne suis pas sûr qu’il ne s’empierge pas dans ses références. En effet, lorsqu’il prend à témoin l’exégèse d’un Richard Simon au XVIIe siècle, il oublie que ce dernier était d’une parfaite orthodoxie catholique et qu’il ne partageait nullement son point de vue rationaliste. Il faudrait pourvoir discuter franchement là-dessus. Je me permettrai simplement de lui rappeler ce qu’écrivait sur le sujet quelqu’un qu’il vénère et qui fut son maître, Lucien Jerphagnon1 : « Tout au long du dix-neuvième et au début du vingtième, l’idéologie rationaliste va dégénérer en sectarisme, avec ce que Merleau-Ponty a appelé “le petit rationalisme”, en opposition au grand, celui de Descartes et des cartésiens. » Tout dépend, en effet, de ce qu’on appelle raison et de ce qu’Urs von Balthasar appelait « les dimensions de la raison ».

Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 11 mars 2015.

  1. Lucien Jerphagnon, L’homme qui riait avec les dieux, Biblio Essais.