Il y avait une amitié spéciale entre Mère Teresa et Saint Jean-Paul II, une amitié qui sera confirmée éternellement par la canonisation de la religieuse à Rome demain (l’article a été écrit samedi 3 septembre). Rappelez-vous le pape embrassant la petite femme sur le sommet du crâne, et elle tenant ses mains dans les siennes. Pour le pape polonais, ainsi que l’a souligné George Weigel, Mère Teresa était une « personnalité messagère » pour le vingtième siècle.
Mère Teresa et Saint Jean-Paul II, la femme et l’homme du siècle, qui ensemble ont fait et changé l’histoire. Ils étaient des pèlerins de la paix, des individus aimant profondément Dieu et leur prochain, soutiens des pauvres et des marginalisés, promoteurs de la liberté humaine et de la dignité humaine. En complément, ce que Saint Jean-Paul II discernait en Mère Teresa, c’est ce qu’il appelait le mystère de la femme et les grandes œuvres que Dieu réalise dans et à travers la femme.
Mère Teresa et Saint Jean-Paul II croyaient dans les mêmes principes d’apostolat : ils ouvraient tout grand aux gens les bras de l’Eglise et ils apportaient à la foi un sens de la famille et de l’appartenance. Leur amitié était si vive et si profonde que Mgr Francesco Follo, observateur permanent du Saint-Siège à l’UNESCO, qui a travaillé en étroite collaboration avec les Missionnaires de la Charité en France et en Italie, a écrit dans son livre sur Jean-Paul II que le lien qui les unissait était si profond que Mère Térésa représentait « la dimension féminine de Jean-Paul II. »
Mère Teresa et Karol Wojtyla, l’archevêque de Cracovie, se sont rencontrés pour la première fois en février 1973, lors du 40e congrès eucharistique de Melbourne, qui avait pour thème le « nouveau » commandement de Jésus : « aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. » C’était le premier contact de Wojtyla avec le Nouveau Monde.
Dans son journal intime, le futur pape a mentionné la rencontre avec Mère Teresa. De fait, elle était presque chez elle à Melbourne. Les Missionnaires de la Charité avaient ouvert leur premier foyer en Australie en 1970, pour secourir d’autres formes de pauvreté, différentes de celles présentes en Inde : l’alcoolisme, les addictions et les besoins spirituels des anciens. Elle pensait que les Australiens souffrant d’alcoolisme ne devaient pas seulement être nourris et hébergés mais également aimés et réinsérés dans la société.
En 1976, ils se sont de nouveau rencontrés à Philadelphie, à un autre congrès eucharistique sur le thème « Jésus, Pain de Vie ». Aussi étrange que cela puisse paraître, ni l’un ni l’autre n’étaient très connus alors dans le monde catholique. Mais leurs discours ont eu de l’écho. Mère Teresa s’occupait de la faim physique et de l’amour dans les petites choses, le cardinal Wojtyla se concentrait sur une forme différente de faim – la faim de liberté. Le cardinal, qui connaissait les régimes totalitaires par sa propre expérience, parlait au nom de ceux à qui la liberté était refusée et qui souffraient derrière le Rideau de Fer. La faim de pain, la faim de liberté – et le combat contre la souffrance humaine – ont forgé une amitié de toute une vie et une cause commune.
Les rencontres avec Mère Teresa à Melbourne et Philadelphie, son travail missionnaire en Inde, doivent avoir eu un impact profond sur le pape. En 1986, lors de sa visite de dix jours en Inde, il a prié à Nirmal Hriday – le foyer du cœur pur, tenu par les Sœurs de la Charité à Calcutta. Le foyer, fondé en 1950 par Mère Térésa, procurait soins et assistance aux malades, nécessiteux et mourants. Le pape, conduit par Mère Teresa, s’est arrêté auprès de chacun des quatre-vingt-six patients, nourrissant à la cuillère les malades et les mourants. A la fin de la visite, il a dit : « Nirmal Hriday est un endroit d’espoir, une maison bâtie sur le courage et la foi, un foyer où règne l’amour. »
Ironiquement, c’est sur le domaine qui était autrefois celui d’un temple hindou de la déesse Kali que le futur pontife a rencontré le mystère de la souffrance humaine et le mystère de l’amour humain. De fait, la souffrance humaine et l’amour humain sont universels ; ils transcendent les nations, les religions, le niveau économique. La visite historique de Saint Jean-Paul II en Inde et sa rencontre avec Mère Teresa ont été commémorées par deux statues en taille réelle du pape Jean-Paul II et de Mère Teresa au sanctuaire national dédié à Saint Thomas, l’apôtre de l’Inde.
Le pape a été si touché par la pauvreté et la souffrance humaine dont il a été témoin en Inde que durant l’année mariale, en 1988, le foyer de Mère Teresa « Don de Marie » fut inauguré près de l’imposante colonnade de la basilique Saint-Pierre. Mère Teresa lui avait donné ce nom en espérant « qu’il soit toujours possible d’y expérimenter l’amour de la Sainte-Vierge. » Le foyer distribue de la nourriture et des vêtements à des centaines de pauvres de Rome, et il procure un abri et une assistance médicale aux femmes en détresse.
Saint Jean-Paul II a visité l’Albanie en 1993. C’était la première fois qu’un pontife romain mettait le pied dans ce pays. Dans son discours au peuple albanais, une nation à majorité musulmane, le pape polonais, qui connaissait le communisme d’expérience personnelle, a insisté sur leur liberté nouvellement acquise, après des décennies de persécution sévère et de martyre. Parmi les Albanais qui l’accueillaient, il y avait Mère Teresa.
Elle avait visité l’Albanie en 1989, alors qu’elle était encore sous régime communiste, pour raisons personnelles – prier sur les tombes de sa mère Drane et de sa sœur Age Bojaxhiu, enterrées à Tirana, la capitale de l’Albanie. Le gouvernement communiste, malgré des interventions diplomatiques au plus haut niveau, avait refusé à Mère Teresa la possibilité de rendre visite à sa famille à Tirana durant presque vingt ans. Si sa visite de 1989 en Albanie laissait deviner les premiers signes d’ouverture et la chute du dernier bastion du communisme en Europe de l’Est, la visite de Jean-Paul II en 1993 célébrait la liberté dans « le premier État athée du monde ».
Son discours adressé aux Albanais exprimait sa gratitude envers Mère Teresa et sa mission universelle pour nourrir la faim dans le monde : « même à l’époque où l’Albanie était complètement coupée du monde, c’était cette humble religieuse, cette humble servante des plus pauvres parmi les pauvres qui a porté la bannière de votre pays partout dans le monde. A travers Mère Teresa, l’Albanie était toujours estimée… Aujourd’hui, je vous remercie, chers Albanais, au nom de l’Eglise Universelle, pour cette fille de votre pays et de votre peuple. »
Mère Teresa et Jean-Paul II étaient des personnalités universelles, servant l’Eglise Universelle avec une mission universelle. Ce qui a scellé leur amitié de toute une vie, c’était la compassion pour la souffrance du monde et un profond respect pour la dignité et la liberté humaines, modelés par le catholicisme. Comme tous les saints, ils sont pour nous des rappels frappants de la relation profonde qui existe entre l’amour de Dieu et l’amour de l’homme.
https://fr.zenit.org/articles/quand-la-foule-applaudit-le-sourire-de-mere-teresa/
https://fr.zenit.org/articles/canonisation-lamour-gratuit-et-libre-de-sainte-teresa-de-calcutta/
Ines Angeli Murzaku, une nouvelle contributrice de The Catholic Thing, est professeur de religion à l’université de Seton Hall. Ses recherches ont été publiées dans de nombreux articles et livres. Elle a collaboré avec de nombreux organes de presse parmi lesquels Radio Tirana (Albanie) durant la guerre froide ; Radio Vatican et EWTN (Rome) durant les bouleversements des années 90 en Europe de l’Est ; Voice of America et Relevant Radio (USA).
Source : https://www.thecatholicthing.org/2016/09/03/the-footsteps-of-saints-mother-teresa-and-john-paul-ii/