Sur les pas des martyrs de la Commune - France Catholique
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Sur les pas des martyrs de la Commune

Le dicastère pour la cause des saints a annoncé lundi 12 septembre que cinq prêtres assassinés lors de la Commune de 1871 seraient béatifiés le 23 avril 2023. Redécouvrez le reportage que France Catholique avait réalisé sur les lieux du massacre, rue Haxo à Paris, à la paroisse Notre-Dame-des-Otages.
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Au pied du mur de la rue Haxo, les religieux ont proposé d’échanger leur vie en échange de celle des autres otages.

Au pied du mur de la rue Haxo, les religieux ont proposé d’échanger leur vie en échange de celle des autres otages.

Du mur de la rue Haxo devant lequel eut lieu le lynchage, dans le XXe arrondissement, ne subsistent que quelques pierres, surmontées d’une plaque commémorant ceux qui furent « massacrés par une foule en délire ». C’est ici que, le 26 mai 1871, deux jours avant la fin de la Commune, 50 otages ont été exécutés alors que les troupes versaillaises progressaient dans Paris, réprimant les « fédérés » du mouvement insurrectionnel parisien. Parmi ces otages, huit religieux et deux ecclésiastiques, dont la mort infligée au nom de la « haine antireligieuse » les destine à la gloire des autels, au titre de martyrs.

À Notre-Dame-des-Otages

À deux pas de là, l’église Notre-Dame-des-Otages perpétue leur souvenir depuis son inauguration en 1938. « Dans le quartier, le massacre de la rue Haxo est peu connu car l’histoire de la Commune est peu enseignée », regrette le Père Stéphane Mayor, curé et enfant de Belleville.

Les commémorations des 150 ans du massacre, qui se sont tenues du 25 au 30 mai 2021, ont été l’occasion pour les Parisiens de découvrir l’histoire de ces martyrs, alors que la cause en béatification de cinq d’entre eux – les Pères Henri Planchat, Ladislas Radigue, Polycarpe Tuffier, Marcellin Rouchouze et Frézal Tardieu – arrive maintenant à son terme, après plusieurs décennies d’attente.

C’est dans l’anarchie que s’est jouée la mort des victimes du massacre de la rue Haxo. Après avoir assisté à l’exécution du banquier Jean-Baptiste Jecker, le colonel fédéré Émile Gois, accompagné de quelques hommes, se présente le 26 mai au matin à la prison de la Roquette, afin d’y réclamer « des curés » et « des gendarmes » à exécuter.

Cinquante prisonniers sont choisis : trente-six gendarmes et gardes de Paris, quatre civils accusés d’espionnage au profit de Versailles, huit religieux et deux ecclésiastiques. Lorsque le Père Planchat et ses compagnons sont extraits de la Roquette, cela fait 39 jours qu’ils y sont emprisonnés. « Quand l’archevêque de Paris, Mgr Darboy, avait été arrêté, les proches du Père Planchat lui avaient demandé de fuir, car ils se doutaient qu’il serait à son tour bientôt arrêté », explique le Père Yves Sabourin, postulateur général de la Société Saint-Vincent-de-Paul, qui défend la cause de béatification à Rome. « Nous étions alors en pleine Semaine sainte et le Père Planchat a refusé, arguant qu’il devait préparer des enfants à leur première communion. »

Fidélité au ministère

Par fidélité à leur ministère, les dix hommes d’Église ont donc été enfermés, sans se faire trop d’illusions sur l’issue de leur détention. Ainsi, lorsqu’ils sont extraits de la Roquette, tous se sont préalablement confessés les uns aux autres et ont même pu communier, grâce à des hosties consacrées qu’ils cachaient soigneusement en prévision de leur fin.

« Une fois dehors, les 50 otages se retrouvent au milieu d’une foule grossissante, souvent survoltée, criant des ‘fusillez-les !’ et des ‘à bas les calotins !’ », décrit le Père Sabourin. Après trois kilomètres de marche sous les cris de la foule, les prisonniers arrivent vers six heures du soir rue Haxo. Au pied du mur, un coup de fusil tiré en l’air signe le début de l’exécution des otages, qui vire au massacre. Criblé de balles et roué de coups, le Père Planchat, qui avait vainement demandé de donner sa vie en échange de celles des gendarmes – beaucoup étaient pères de famille –, tente de se relever en s’agrippant aux jambes d’un communard. « Laissez-moi prier », demande-t-il dans ce qu’on imagine être un murmure. Il reçoit alors une balle dans la tête, les yeux levés vers le ciel.

Modèle d’inspiration

Les 50 corps seront jetés dans une fosse d’où ils seront extraits le soir du lundi de Pentecôte, alors que la capitale est encore sonnée par la violence extrême de la Semaine sanglante achevée la veille.

Cent cinquante ans plus tard, le martyre des otages de la rue Haxo reste un modèle d’inspiration pour les catholiques. « La Commune jugeait incompatible l’espérance surnaturelle et la réforme du monde, explique le Père Mayor. Encore aujourd’hui, on cherche à bâtir un monde sans Dieu. »

Et pourtant, c’est « par amour » que le Père Planchat et ses compagnons sont allés jusqu’au bout. Ne pas haïr un monde qui semble mépriser la foi chrétienne, apprendre à aimer les contradictions que l’on rencontre dans son travail, dans sa vie chrétienne, tel est le moyen d’imiter les martyrs de la rue Haxo. « Dès qu’il y a de l’amour là où il y a de la haine, une rédemption mystérieuse s’opère », souligne le Père Mayor.

De la Commune au couvent

Car la tragédie de la rue Haxo cache une histoire magnifique et méconnue, celle de Félicie Guimet. Avant d’être connue en religion sous le nom de Sœur Marie-Éléonore, de la congrégation des Sœurs de Marie-Joseph, « capitaine Pigerre » comme elle est surnommée, est une fervente communarde animée par une haine antichrétienne. Cette femme est, pour certains historiens, celle qui a tiré le coup de feu marquant le début du massacre des otages de la rue Haxo, le 26 mai 1871.

Ainsi, celle par qui le sang fut versé sur le champ des martyrs de la rue Haxo a embrassé la foi catholique au point d’y consacrer sa vie, confirmant à nouveau la sentence de Tertullien, inscrite en lettres rouge sang à quelques mètres de là, tout autour du maître-autel de Notre-Dame-des-Otages : sanguis martyrum, semen christianorum, « le sang des martyrs est semence de chrétiens ».