Sur les monts du Caucase - France Catholique
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Funérailles catholiques : un temps de conversion
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Sur les monts du Caucase

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Le moine Hilarion Domratchev naquit vers 1845 dans la région de Viatka en Russie ; après le séminaire il enseigna, alla au Mont Athos et y vécut vingt-cinq ans. Vers 1880, il partit au Caucase, où il fut rattaché au monastère Saint-Simon-le-Cananéen du Nouvel Athos. Il y mena son ascèse et fonda des communautés en plusieurs lieux. Il séjourna longtemps à Teberda, près du fleuve Gunatchkhir. En 1899, il fonda une communauté féminine (devenue monastère en 1904) dédiée à la Protection de la Mère de Dieu, à Temnye Bouki, entre Anapa et Novorossisk. C’est là que le moine Silouane [Kiriliouk], l’aida à rédiger Sur les monts du Caucase. Il mourut en 1916.

Traitant de la Prière de Jésus (Seigneur Jésus-Christ, aie pitié de moi pécheur !) et du Nom de Dieu, son livre eut un grand succès dans les milieux monastiques et l’intelligentsia. Comme Les récits du Pèlerin russe, c’est une belle apologie de la Prière de Jésus, un éloge superbe de la Création Divine. Le staretz Barsanuphe d’Optino, disait qu’il fallait le lire plusieurs fois pour en apprécier toute la profondeur. Le Prince Troubetzkoï déclarait: « Ce livre m’a brûlé l’âme. Je n’ai jamais lu une œuvre humaine aussi lumineuse, pure et sainte. Cet homme contemple Dieu. »

Le hiéromoine Hilarion exposa clairement son but: « Ce livre, écrit avec l’aide de Dieu, n’a qu’un but : expliquer aussi complètement que possible en quoi consiste la Prière de Jésus, elle qui, suivant l’enseignement unanime des saints Pères, est la racine et le fondement en même temps que le sommet et la perfection de la vie spirituelle. […] Nous mettons toujours cette Prière au-dessus de toutes les autres vertus, dont aucune ne l’égale lorsque la Prière atteint les degrés les plus élevés. »

Sur les monts du Caucase fut publié en 1907, 1910 et 1912, avec la bénédiction du staretz Barsanuphe d’Optino et le soutien financier d’Elisabeth Feodorovna, sœur de la Tzarine, future sainte et martyre. Aucune de ces trois éditions n’eut de problème avec la censure ecclésiastique. Ce livre n’était pas nuisible en lui-même: saint Jean de Cronstadt, et d’innombrables théologiens respectés ne disaient rien de différent sur le Nom de Dieu. Mais cette position, basée sur le livre du hiéromoine Hilarion, fut poussée à l’extrême dans L’Apologie de la foi en la Divinité des Noms de Dieu et du Nom Jésus d’Antoine Boulatovitch qui l’utilisa intellectuellement, méprisant la hiérarchie de l’Église, insultant les évêques qui refusaient ses théories, et les traitant d’hérétiques.

Boulatovitch fut hussard de la garde impériale, participa en 1896 à une mission russe de la Croix Rouge en Éthiopie. Il connut l’empereur Ménélik II, devint son conseiller militaire, l’aidant à repousser les italiens. Explorateur, il reçut une médaille de la société géographique russe avant de résigner toutes ses fonctions (après plusieurs entretiens avec saint Jean de Cronstadt) pour entrer comme moine dans la skite de Saint-André, dépendance du monastère de Saint-Pantéléimon sur l’Athos.

Il fut la tête du mouvement appelé Imiaslavié (Glorification du Nom) au Mont Athos, mouvement condamné par le Saint-Synode de Russie, qui provoqua l’expulsion violente de près d’un millier de moines russes du Mont Athos. Rien dans l’ouvrage du paisible moine Hilarion ne laissait présager une telle querelle et un tel usage de son livre.

Comme le dit justement le théologien orthodoxe Jean-Claude Larchet, « les formulations controversées du hiéromoine Hilarion sont sans aucun doute inacceptables au regard de la théologie orthodoxe, car elles témoignent d’une série de confusions (notamment entre signifiant et signifié, entre personne et nature, entre nature divine et énergies divines) et donnent vraiment à certains moments l’impression que le Nom de Dieu prend la place de Dieu. Mais elles n’occupent dans ce volumineux ouvrage de 300 pages qu’une place minime (quelques phrases), et il faut savoir les dépasser et apprécier l’exposé de l’auteur, qui reste l’un des meilleurs exposés sur la Prière de Jésus, et comporte par ailleurs de nombreux développements sur la vie spirituelle qui, tout en étant fondés sur l’enseignement de Pères abondamment cités, ont l’avantage de refléter aussi une expérience personnelle dont le saint staretz Barsanuphe d’Optina lui-même louait la profondeur. »

Le métropolite Antoine [Khrapovitsky], théologien respecté (il fut sollicité pour être patriarche d’Antioche après la révolution russe !) prit part à la controverse: il parla de ce livre comme une œuvre de khlysty (secte de flagellants !), alors qu’il ne l’avait pas lu, comme il l’avoua plus tard à sainte Elisabeth ! Le patriarche de Constantinople condamna l’ouvrage comme hérétique, mais il ne lisait pas le russe ! Cet épisode et les expulsions de moines russes qui suivirent (avec le départ des novices de la skite du Prophète Élie après la déclaration de guerre de 1914), porta un coup fatal à la présence russe sur l’Athos, ce qui n’était pas pour déplaire aux autorités grecques de l’époque.

Les moines en venant aux mains, la Russie envoya l’armée au monastère de Saint-Pantéléimon. Il y eut des morts (près d’une cinquantaine), des retours forcés ensuite. Le Concile russe local de 1917 qui se réunit pour aborder ce sujet, fut interrompu par la révolution bolchevique. La question, selon le métropolite Hilarion (Alfeyev) reste ouverte, et un futur concile russe devra trancher cette question de la vénération du Nom.

Ce livre existait en russe, et il n’y avait qu’une traduction en allemand. Mère Elisabeth, moniale du Patriarcat de Moscou à Bruxelles, ayant ouï dire qu’une traduction avait été entreprise par Dom André Louf, se mit à sa recherche. Elle voulait renouveler le geste de sa sainte patronne qui avait permis la publication de ce livre. Elle trouva le texte au Monts des Cats, et obtint la permission de faire corriger cette version pour publication, avec la bénédiction du métropolite Hila­rion [Alfeyev], qui promit d’en faire la préface.

Tout le mérite de cette traduction, revient au père André Louf. Il naquit à Louvain, devint moine du Mont des Cats en Flandre française et y mourut le 12 juillet 2010. Élu abbé de ce monastère, à 33 ans, en 1963, il résigna sa charge en 1997, partit dans les Bouches-du-Rhône, où il vécut en solitaire, s’affairant à ses écrits et traductions. Malade, il retourna au Mont des Cats peu de temps avant son trépas. Homme de prière, il a témoigné d’une manière émouvante de sa foi :

« J’étais à genoux dans les stalles de l’abbatiale quand je compris comme une évidence l’amour infini de Dieu pour moi. Ce fut une expérience bouleversante, comme si Dieu avait voulu me montrer son vrai visage (…) A partir de ce jour-là, j’ai compris que Dieu dépasse infiniment ce que l’on peut dire de Lui. »

Erudit et linguiste, pratiquant 15 langues anciennes et modernes, et auteur spirituel de nombreux ouvrages, dont l’édition complète des textes du mystique Jean de Ruysbroek traduits du vieux-flamand, son premier livre publié en 1974, Heer leer ons bidden (Seigneur apprends-nous à prier) fut édité en une dizaine de langues, dont le français en 1975 (Editions Lumen Vitae).

Il fut très impliqué dans le mouvement de rapprochement entre catholiques romains et orthodoxes et publia, traduits du russe, trois ouvrages sur Saint Isaac le Syrien (Spiritualité Orientale).

Commencer à lire Sur les Monts du Caucase, c’est faire un pas dans la prière, et c’est comme un grain du chapelet qui conduit à la lisière du Royaume.

Hiéromoine Hilarion, Sur les monts du Caucase, Dialogue de deux solitaires sur la prière de Jésus, éditions des Syrtes, 374 pages, 25 €.