Les familles les plus ordinaires ne sont pas à l’abri de l’apparition d’un oncle à héritage ou d’un fils caché. La vérité des hommes est parfois plus romanesque qu’on ne l’imagine quand on les a seulement croisés sans trop faire attention. Il nous aura fallu parcourir un roman de Jacques Robert pour découvrir une face inattendue d’un vieux cousin que nous pensions bien connaître. Des « secrets de famille » sont chaque jour emportés par la mort des dernières personnes qui savaient, par le ressentiment, l’indifférence, l’égoïsme… Il y a des « psycho-généalogistes » persuadés que de tels non-dits peuvent traumatiser des lignées entières… Réitération de la faute originelle qui se transmet silencieusement comme un virus…
Mais certains secrets ont pu être sauvés, et crûment mis en lumière par quelque mémorialiste ou romancier. Irons-nous mieux d’en savoir quelque chose ? Toujours est-il qu’une catégorie d’écrivains « n’invente rien », se « contente » d’écouter et de retranscrire… Parfois de simples faits divers recueillis dans les journaux, plus souvent des histoires et des souvenirs tout près d’eux. Certains arrivent alors à un profond degré de vérité générale sur une époque (Balzac) ou sur une vie précise. C’est le génie littéraire qui fait la différence… Question de cours pour élèves de terminale : « Toute écriture est-elle une réécriture ? » Plus philosophico-théologique : « Qu’est-ce que la vérité ? » On ferait vite du hors-sujet sur ce thème de la vérité plus vraie que le vrai parce que décantée par une intelligence psychologique supérieure et rendue avec un art consommé (Proust).
Jean-Claude Didelot, après avoir été officier de marine, avoir cofondé une importante ONG humanitaire, est devenu un éditeur très important sur la place de Paris. Arrivé à l’âge où d’autres prennent leur retraite, il anime encore une petite maison d’édition chrétienne, mais prend désormais le temps d’écrire quelques livres. Et on se dit que c’est ce qu’il aurait dû faire depuis longtemps. Car il connaît le métier mieux que personne, notamment l’art du découpage et des flash-back ou plus souvent encore celui des « pierres d’attente » dont on ne découvre toute l’utilité qu’à la fin seulement. Ce livre sera un extraordinaire scénario pour un film dont chaque lecteur peut d’autant mieux imaginer à sa guise les scènes que la description physique des personnages est volontairement estompée… Il s’agit de portraits essentiellement moraux qui composent presque des archétypes.
Ce récit obéit cependant aux règles du roman d’aventure le plus classique : évocation de vastes espaces exotiques, contexte guerrier, des bons et des méchants — surtout au départ, ensuite les choses se compliquent (sauf qu’on n’y trouvera pas la classique scène d’amour qu’un cinéaste serait bien obligé de rajouter…). Une fois embarqué dans ce suspense policier, il est difficile de ne pas aller jusqu’au bout d’une seule traite. On s’y instruira au passage sur quelques épisodes peu connus de l’Histoire de France comme cette véritable déportation en France de travailleurs annamites, voire sur l’évacuation, par voie de mer, de l’or de la France envahie…
Mais c’est aussi le testament d’un vieux sage qui a surmonté bien des épreuves personnelles, et c’est donc un support de réflexion et de méditation que l’on voudrait utile pour d’autres, qui ont affronté ou affronteront les mêmes effets des éternelles passions humaines…
Par exemple, est méditée cette troisième question qui n’intéresse pas que les lycéens : « Faut-il oublier pour pardonner ? » La réponse n’est pas simple, mais tient dans ce roman de 400 pages qui évoque bien d’autres « questions de cours », qui deviennent des questions de vie pour chacun de nous lorsqu’approche l’heure de « remettre sa copie ».
La plus fondamentale : « Qu’ai-je fait de ma vie ? » qui ne va pas sans : « Qu’as-tu fait de ton frère ? » C’est celle que se pose le vieux moine Thomas, c’est celle que le narrateur du roman aura éludée toute sa vie jusqu’à laisser tomber le masque, c’est celle de René de Saint Blain (qui répondra d’un coup en donnant sa vie), c’est celle de Pham Van Hieu qui, lui, donnera sa réponse peu à peu en camp de rééducation…
C’est celle qui nous sera posée… La réponse que nous montre Jean-Claude Didelot est — on n’en sera pas surpris — dans la Bible : « Il y a plusieurs demeures… », sauf peut-être pour celui qui, « monté sur le dos du tigre », ne peut plus en descendre, sous peine d’être dévoré.
à moins que… la miséricorde ? On est bien obligé de rester mystérieux sur tout ce qui fait le charme de cette rocambolesque histoire sous peine de la déflorer. Seulement une remarque pour terminer en piquant peut-être un peu plus votre curiosité. En ce qui me concerne, de par mon propre itinéraire de vie, je devine une chose que j’ai déjà évoquée en introduction de cette « recension » : aucun des épisodes racontés dans cette prétendue fiction n’a été inventé. Et je pourrais jurer avoir moi-même croisé au moins une fois chacun des personnages. Et vous ? Que vous apprendront-ils sur nos contemporains et sur vous-même ?
Des compléments et des révélations fracassantes sur le site
http://surledosdutigre.com/
Pour aller plus loin :
- EXHORTATION APOSTOLIQUE POST-SYNODALE « AFRICAE MUNUS » DU PAPE BENOÎT XVI
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- Dénoncer les abus sectaires dans la vie consacrée et passer l’épreuve en union au Christ Epoux
- Jean-Paul Hyvernat
- OBSERVATION : SCIENCE ET MIRACLE