Dans son traité In pastores, Augustin écrit : « Vous n’avez pas su donner de la force au faible, » dit le Seigneur. Il parle des mauvais bergers, des faux bergers qui cherchent leur intérêt propre et non celui du Christ »
Toute cette agitation à propos des prêtres et des évêques déviants n’est pas complètement nouvelle. Le Christ, dans un passage fameux, déclare que les scribes et les pharisiens se sont installés dans la chaire de Moïse. Suivez ce qu’ils disent, non ce qu’ils font. Les faibles ont besoin de la force des forts. Mais les forts peuvent se placer au-dessus des autres.
La corruption des bergers atteint davantage qu’eux-mêmes. Leur corruption consiste essentiellement dans le fait qu’ils établissent leurs propres règles et qu’ils ne suivent pas l’exemple que le Christ leur a laissé pour les charges qu’ils exercent.
On reproche souvent à Dieu de permettre le mal dans le monde. Cette tolérance, proclame-t-on, prouve qu’Il n’est pas Dieu, ou même qu’Il cause le mal en ne le prévenant pas. Augustin s’est rendu célèbre par son affirmation que Dieu pouvait permettre le mal dans un monde bon si, et seulement si, en le permettant, un plus grand bien pouvait s’ensuivre. Le mal peut donc être l’occasion d’un bien inattendu qui l’accompagnerait.
Nous ne saurions pas ce qu’est la miséricorde, par exemple, si nous n’avions rien à pardonner, si nous ne pouvions témoigner de la miséricorde. Nous ne devons pas cependant faire le mal pour que le bien puisse se produire. Mais si nous faisons le mal, le Seigneur peut retirer de nos actes quelque chose de bon, de ce bien qui reste en nous malgré nos péchés.
« Il y a des hommes qui veulent mener une vie bonne et ont déjà décidé de le faire », continue Augustin, « mais ne sont pas capables de supporter des souffrances, même quand ils sont prêts à bien agir. Maintenant c’est une partie de la force du chrétien non seulement de faire de bonnes œuvres, mais aussi de supporter le mal. »
Il y a déjà chez Platon quelque chose de cette conception du mal. Ses principes fondamentaux sont :
1) « il n’est jamais juste de mal agir. »
2) « La mort n’est pas le pire des maux. »
3) « Aucun mal ne peut atteindre un homme de bien. »
4) « Il est meilleur de souffrir le mal que de le faire. »
Initialement ces principes semblent contre-productifs. Pourquoi ne pas rendre le mal pour le mal ? Pourquoi l ’homme qui fait le mal et le bien, n’est-il pas meilleur que celui qui se limite au bien ? Faire ce qui est mal signifie nous placer nous-mêmes d’abord. Nous ne sommes pas faits pour donner nos vies pour nos amis. Nous n’avons pas à la donner du tout si nous pouvons l’éviter. Nous avons à faire confiance à la fois à notre glaive et à notre primauté.
L’homme prend la place de Dieu. Il va écarter la souffrance par ses propres moyens. Les voies de Dieu par l’endurance et la souffrance sont rejetées. Nous sommes laissés avec ce que nous pouvons faire de nous-mêmes dans ce monde. Engagés dans une noble cause, comme c’est souvent le cas, nous rendons les choses pires en suivant nos propres règles.
Charlie Brown et Lucy rentrent à la maison après l’école. Il lui demande : « Est-ce que le petit garçon qui était en face de toi pleurait encore aujourd’hui ? » Lucy se tourne vers Charlie et explique : « Il pleure tous les jours ! Toujours les mêmes frayeurs de l’enfance… La peur d’être en retard à l’école, la peur du maître, et la peur du directeur. »
Dans la troisième case elle continue : « Peur de ne pas savoir dans quelle pièce aller après la récréation, peur d’oublier son déjeuner, peur des enfants plus grands, peur d’être appelé à réciter… » Finalement, Lucy, sans désemparer, continue : » Peur de manquer le bus de l’école. Peur de ne pas savoir quand sortir du bus…Peur… »
A tout cela, Charlie, manifestement effrayé, dit simplement : « Bon sang ! » (You’re the Greatest, Charlie Brown, 1964)
Comme le petit garçon en larmes que voit Lucy à l’école a eu à l’apprendre, nous avons à endurer beaucoup de maux pour survivre dans ce monde. Certains d’entre eux nous embarrassent passablement. Nous nous demandons à quoi pourrait ressembler le monde si aucun mal ou simplement aucun inconvénient ne s’y trouvait.
Le Seigneur nous a donné un monde imparfait pour voir ce que nous pourrions y faire. Notre bilan est notre histoire. Nous sommes supposés rendre plus vivable un monde qui est déjà bon. Mais nous pouvons, et souvent c’est ce que nous faisons, en faire un enfer sur la terre. Nous avons à supporter les péchés des autres. Ils ont à supporter les nôtres.
Certains haïssent Dieu pour nous avoir mis dans la situation d’avoir à choisir le bien et à supporter ce qui est mal. D’autres réalisent que ce monde déchu est le seul dans lequel nous pouvions exister. Charlie avait raison – même notre « sang » peut être « bon » si nous le supportons.
Mardi 9 octobre 2018
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Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/10/09/on-the-enduring-of-evil/
James V. Schall, S.J., qui a exercé comme professeur à la Georgetown University pendant trente-cinq ans est un des écrivains catholiques américains les plus prolifiques. Parmi ses nombreux livres on trouve : The Mind That Is Catholic, The Modern Age, Political Philosophy and Revelation: A Catholic Reading, Reasonable Pleasures, Docilitas: On Teaching and Being Taught, Catholicism and Intelligence, et le tout dernier :On Islam: A Chronological Record, 2002-2018.