Wolf Albes. Editions Atlantis.
Maître de conférences à l’université d’Augsburg, Wolf Albes s’est intéressé à l’Algérie et a été initié par Francine Dessaigne, auteur du Journal d’une mère de famille pied-noir, puis de plusieurs ouvrages historiques. Passionné par les Français d’Algérie, Wolf est devenu leur éditeur et a publié des ouvrages sur Jean Brune et Camus, sur les écrivains face à la guerre, et sur Histoires à ne pas dire de Jean-Pierre Lledo (recension du 20 avril 2011). Il poursuit sa collaboration avec ce cinéaste dans ce nouveau livre.
Jean-Pierre Lledo. Grand-père a tué deux colons. Le 8 mai commence avec le massacre des innocents. Ed. Atlantis, 2011, 232 pages, quelques photos et un DVD, 29 €.
Le cinéaste fait une enquête à Chevreul (Beni Aziz aujourd’hui) avec son ami Ahmed Zir, qui cherche à confirmer la responsabilité de son grand-père dans un assassinat de colons. L’enquête confirme que 9 Français ont été tués le 9 mai à Chevreul, mais que le grand-père d’Ahmed n’est pas coupable. Il est évident cependant que l’insurrection, préparée depuis plusieurs mois, a été une action de guerre sainte pour la cause de Dieu, une véritable épuration ethnique. Lledo souligne les non-dits de cette histoire et montre que les témoignages des Français et des Musulmans se recoupent et ne confirment pas ce que certains historiens appellent la guerre des mémoires.
Cet ouvrage s’emploie ensuite à réfuter les thèses du film Hors-la-loi, en faisant appel aux témoignages de quelques survivants et aux écrits de Maurice Villard, Roger Vétillard, Redouane Tabet et Ferhat Abbas. Le testament de ce dernier condamne les chiens enragés et les énergumènes tarés qui ont déclenché le soulèvement. Vétillard récapitule toutes les évaluations des victimes de la répression, qui vont de 1.500 à 100.000 tués ; il confirme que des milices ont été constituées dans 5 localités (Guelma, Bône, Djdjelli, Saint Arnaud et Fedj-Mzala) ; il montre qu’en 2005, Stora a produit trois estimations différentes (8.000, 15.000 et 20.000). Plus objective paraît l’estimation du général Tulard (3 à 4.000).
En conclusion de cet ouvrage, qui précise nombre de faits historiques, Wolf Albes revient sur la vision totalitaire et stalinienne des insurgés et cite Boualem Sansal, pour qui « les grands criminels font de leurs victimes des coupables qui méritent le châtiment ».
Henri Mazzarino. Les oranges amères de Blida. Ed. Atlantis, 2011, 103 pages, 17 €.
Opposé à l’indépendance de l’Algérie, ce sous-officier de l’armée de l’Air raconte son parcours au jour le jour, de 1958 à 1964. Marié et père de deux enfants, il vit à Blida, une ville florissante. Enthousiasmé par les fraternisations de mai 1958, il a applaudi le général de Gaulle, puis s’est rendu compte que ce dernier bradait l’Algérie sans consulter ceux qui voulaient rester Français. Il organise alors la résistance à Blida, fomente des attentats à l’explosif et rejoint l’OAS ; il déserte en 1961 et échappe à toutes les poursuites.
Ses relations avec ses collègues insurgés et avec les dirigeants du mouvement montrent avec précision leur état d’esprit, leurs difficultés et leur échec final. Ce sont des révoltés, et non des colonialistes, ni des extrémistes antirépublicains. Ils adhèrent totalement au jugement de Maurice Allais sur « le crime commis au nom de la France à l’égard de la communauté française et musulmane ». Réfugié en Espagne, il est accueilli par Serrano Suner, ancien ministre de Franco. Un commissaire de police français l’invite à rejoindre Paris où le Tribunal militaire régularise sa situation et lui propose même de réintégrer l’armée.
Décrivant l’OAS vue de l’intérieur, ce témoignage est intéressant pour l’historien.
Maurice Faivre, le 5 janvier 2012.