Nos amis protestants se sont réunis à Strasbourg, lors du dernier week-end de la Toussaint, sous le sympathique mot d’ordre « Protestants en fête » qui évoque, par ailleurs, le Kirchentag allemand. Il s’agissait en effet de permettre au peuple protestant, dans sa grande diversité, de s’affirmer en témoignant, en échangeant, en priant. Le pari des organisateurs a été gagné, puisqu’au moins 11 000 fidèles se sont ainsi retrouvés dans la capitale alsacienne. Comme le remarque notre confrère Jean-Luc Mouton dans l’hebdomadaire Réforme, le moindre mérite de cette initiative est de s’émanciper des commémorations qui jusqu’alors ponctuaient la vie du protestantisme français. Il ne s’agissait plus seulement de commémorer Jean Calvin, mais de montrer comment on se comporte dans le présent et comment on envisage l’avenir.
Ce changement de perspective se justifie notamment par la transformation accomplie ces dernières années dans la géographie humaine du protestantisme. Les anciens bastions, particulièrement marqués par l’histoire, ne sont plus ce qu’ils étaient. Le protestantisme est désormais une réalité urbaine, et ses fidèles ressemblent au reste de la population française. Par ailleurs, la montée en puissance des évangéliques est la donnée majeure de son évolution interne. Les évangéliques, nous les retrouvons dans les grandes villes, dans les banlieues et même au-delà. Leur dynamique missionnaire est intense. Leurs 2 000 paroisses (pour 1 200 temples réformés ou luthériens) sont étonnamment vivantes et elles suscitent sans cesse de nouvelles initiatives. D’une certaine façon, ce n’est plus le même protestantisme. La Fédération Protestante de France en convient, qui a élu à sa tête, pour la première fois, un évangélique en la personne du pasteur Claude Baty. Mais le phénomène n’est pas sans poser bien des problèmes puisque les deux tiers des communautés évangéliques n’ont pas rejoint la Fédération. Certains ont intégré une autre fédération, forte de 340 lieux de culte, tandis qu’un millier d’autres sont sans lien organique avec une direction officielle. Un Conseil national des évangéliques de France (Cnef) est en train de se mettre en place, qui vise à regrouper et créer plus de 6 000 paroisses (!?) d’ici quelques années.
Cette évolution sociologique, déjà réalisée, et ce bouleversement annoncé, nous concernent, nous aussi catholiques, puisqu’une enquête de l’IFOP commandée par Réforme, fait apparaître une disparition de l’identité catholique traditionnelle d’une grande part de la population. 70% des Français se déclaraient catholiques en 1981. Ils ne sont plus que 42% aujourd’hui. La crise que nous avons vécue dans les décennies 70 fait valoir aujourd’hui ses effets et, pour les catholiques aussi, la perspective de la nouvelle évangélisation s’impose. La réalité nous tenaille sévèrement. Il nous faut, nous aussi, sortir de nos églises – sans cesser d’ailleurs de les fréquenter assidûment, pour faire entendre l’écho toujours neuf de la Bonne Nouvelle !
Pour aller plus loin :
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010
- La France et le cœur de Jésus et Marie
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- Sur le général de Castelnau et le Nord Aveyron.