Peu après la canonisation de John Fisher et Thomas More en mai 1935 le cardinal-archevêque de Westminster Arthur Hinsley offrit à Pie XI les portraits de ces martyrs par Holbein. Ayant soigneusement examiné ces portraits, le Saint-Père déclara: « Tales ambio defensores » (je m’entoure de tels défenseurs). Il ajouta qu’il mettrait l’image de ces deux hommes sur son médaillon papal afin de rappeler aux fidèles « qu’en vérité c’est de tels champions de la foi, de la vérité et de la liberté que nous avons le plus besoin. »
Voilà pourquoi la « Quinzaine pour la Liberté » organisée par les évêques américains — deux semaines de prières et d’action pour la liberté religieuse — a débuté la veille de la fête des saints Fisher et More [22 juin 2012]. Les évêques souhaitent que les fidèles s’appuient sur les solides épaules de ces puissants défenseurs de la liberté religieuse.
Le martyre de Thomas More est familier pour la plupart des catholiques Américains grâce au livre de Robert Bolt « A Man for All Seasons » (Un homme de tous les temps). On connaît bien moins l’histoire de l’Évêque John Fisher décapité le 22 juin 1535 pour avoir contesté la suprématie du roi sur l’Église.
Né en 1469, John Fisher était un jeune homme brillant et empli de spiritualité, aspirant à une existence d’érudit catholique. Il fit ses études à Cambridge. Deux semaines après son doctorat ès religion, Fisher fut promu Vice Chancelier, le titre la plus élevé que l’Université pût décerner à un de ses enseignants. Il reçut plus tard le titre de Chancelier de Cambridge à vie.
Fisher gagna l’estime du roi Henry VII alors qu’il était chapelain de Margaret Beaumont, mère du souverain. Le roi appréciant son intégrité et la droiture de ses conseils — il le voyait comme « Alter Christus » (un autre Christ) — recommanda au Pape Jules II de le nommer Évêque de Rochester en 1504.
Fisher prit à cœur ses fonctions épiscopales et Henry VIII, qui accéda au trône en 1509, clamait auprès des dignitaires étrangers que nul ne pourrait citer « un évêque plus sage et plus saint alors que le monde chrétien était la proie de leurs pillages. »
Au début de son règne, Henry VIII était non seulement un dévot fils de l’Église, mais il se piquait de théologie. Dans « Les sept sacrements » il réfutait l’apostat Luther. Et en récompense de ses efforts, Léon X le nomma « Fidei defensor » (Défenseur de la Foi). Mais quand Rome refusa de lui accorder le divorce, Henry VIII renia son propre ouvrage. Alors débuta le plus grand drame religieux de l’histoire d’Angleterre, les premiers rôles étant tenus par John Fisher et Thomas More.
Au sujet du divorce, Fisher fut un conseiller écouté de la reine Catherine. Au tribunal des Légats appelé à juger le cas du Roi, en juin 1529 dans la grande salle d’audience de Blackfriars, Fisher déclara face à Henry que son union avec Catherine ne pourrait être dissoute ni par volonté humaine, ni par volonté divine.
Plusieurs mois plus tard, le roi, furieux, introduisit au Parlement des mesures encadrant les droits de l’Église. Fisher, membre de la Chambre des Lords, réagit en dénonçant ces restrictions :
« J’ignore si vous entendez comme moi, mais dans mes oreilles résonne la clameur pour que notre Sainte Mère l’Église, à nous léguée par la grandiose libéralité et le grand soin de nos Anciens dans une très parfaite et pacifique liberté ne soit pas de notre fait livrée à l’esclavage comme une captive… »
Par mesure de rétorsion, le roi ordonna l’arrestation de Fisher, mais la réaction de colère du public et des évêques entraîna sa libération.
Fisher s’opposa vigoureusement à la motion de 1531 désignant le roi comme chef suprême de l’Église d’Angleterre. Quand, succombant aux pressions les évêques acceptèrent ce titre, le sagace Fisher inséra dans le texte du décret de suprématie les termes « Quantum per Christi legem licet » (pour autant que la loi du Christ le permette).
Défiant le Pape, Henry épousa secrètement Anne Boleyn en janvier 1533. Thomas Cranmer, Fou du Roi, fut nommé Archevêque de Canterbury en Mars, et Fisher fut arrêté une deuxième fois, pour le réduire au silence.
Le 23 mai, Cranmer prononça l’annulation du mariage du roi et de Catherine; Anne fut couronnée Reine le 1er Juin; et John Fisher fut libéré deux semaines plus tard.
En mars 1534, le Parlement approuva l’Acte de Succession par lequel « tous les nobles du royaume, religieux ou laïcs, » étaient priés de prêter serment reconnaissant l’enfant d’Anne comme légitime héritier du trône, d’affirmer la validité du mariage, et de renoncer à tout serment « prononcé devant une autorité étrangère, prince ou potentat. » Pour le clergé, cela signifiait la répudiation de leurs serments de fidélité au Pape et l’abandon de l’indépendance de l’Église en matière spirituelle.
Fisher, comme Thomas More, refusa de prêter serment et, le 26 avril 1534 fut inculpé de trahison et emprisonné à la Tour de Londres.
En réaction, le Pape Paul III éleva « l’évêque de Rochester incarcéré par le Roi d’Angleterre » à la pourpre cardinalice. Apprenant que Fisher allait recevoir le chapeau rouge de cardinal, le roi, furieux, déclara: « Mais je ferai en sorte que si jamais il [le chapeau] arrive, [Fisher] le portera sur ses épaules, car de tête il n’aura plus pour le poser dessus.»
Fisher fut jugé, et condamné à mort par un tribunal d’exception en mai 1535 pour avoir « malicieusement » déclaré que le roi n’est pas sur terre le chef suprême de l’Église d’Angleterre. En réponse au verdict, Fisher nia avoir agi malicieusement, mais « selon la vérité et une sainte intention contre ce qui s’opposait à l’Écriture et à la foi. »
Le jour de l’exécution il dit à la foule assemblée autour de l’échafaud « Je suis venu ici mourir pour la foi de l’Église Catholique » puis s’agenouilla, récita le « Te Deum » et la prière d’humble confiance « In te Domine speravi. »
Il fut inhumé deux semaines plus tard auprès de Thomas More.
Espérons et prions pour que les évêques des États-Unis suivent l’exemple de John Fisher, fassent preuve de zèle épiscopal, et se dressent contre les forces politiques qui tentent de réduire les catholiques à l’état de servilité.
Dessin : St. John Fisher par Hans Holbein le jeune
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Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/st-john-fisher-and-religious-liberty.html