Je n’ai pas eu l’infortune de regarder la cérémonie des Césars à la télévision. Je dis bien infortune, car ce que j’en ai lu le lendemain matin a bien failli gâcher mon humeur pour la journée. Quand même, en cette période où le cinéma en particulier et l’art en général sont en état de confinement total, on aurait aimé un autre spectacle qui nous aurait donné le désir de réouverture de toutes les salles de cinéma, en attendant les autres. Dépité, Gérard Jugnot pouvait déplorer : « C’est dommage parce que ce n’est pas ça qui va donner envie aux gens de retourner au cinéma. »
Mais il y a une autre dimension à analyser dans cette triste soirée, c’est l’image qu’elle entend donner de notre époque, avec des personnages qui se considèrent comme d’avant-garde, représentants de la culture contemporaine, porteurs de messages politiques et idéologiques adressés à la société toute entière. Ils n’inventent rien d’ailleurs. Les slogans et les à-peu-près conceptuels qu’ils débitent ils les doivent à une sous-culture distillée par les fabricants patentés d’une pensée qui se veut libératrice, mais qui n’est que sectaire, et souvent haineuse.
Je doute que le pays dans ses profondeurs se reconnaisse dans pareil spectacle. Il est vraisemblable que l’on assiste de plus en plus à une sorte de schisme entre un public lassé de tant de vulgarités, d’outrances et d’orientation politico-sociale partisane, et ce milieu prétendument avant-gardiste. Nous n’avons vraiment pas besoin de cela alors que nous vivons, depuis un an, dans une situation psychologiquement pénible. On voudrait nous enfoncer dans la dépression que l’on ne ferait pas mieux. Qui nous en sortira en criant « Haut les cœurs ! » ?