Souvenons-nous du cardinal Egan. - France Catholique
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Souvenons-nous du cardinal Egan.

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Note du rédacteur en chef : le cardinal Edward Egan, retraité de l’archidiocèse de New-York, était un ami de plusieurs membres de The Catholic Thing et un soutien de cette œuvre. Ses funérailles ont eu lieu le jeudi 10 mars. Il n’a pas tenu un rôle national de premier plan durant le temps passé à New York – il considérait comme sa mission principale l’administration et la conduite de l’archidiocèse qui lui avait été confié, deux tâches qu’il a mené avec énergie et compétence. Toute sa vie a été discrètement consacrée à l’Église, comme vous pourrez le voir dans cet article.

Je logeais à l’hôtel Sainte-Marthe, bâti par Saint Jean-Paul II au Vatican, quand j’ai appris le décès du cardinal Edward Egan. Comme je réfléchissais à sa remarquable prêtrise et à notre amitié de vingt-cinq ans, il m’a frappé qu’il était parfaitement à sa place lorsqu’il a été Rapporteur Général du Synode des Évêques en 2001. C’est à ce moment-là qu’il a rencontré et noué amitié avec le Rapporteur Adjoint – un prélat argentin peu connu du nom de Jorge Mario Bergoglio – le futur pape François, qui vit maintenant à la maison Sainte-Marthe.

J’ai écrit (de concert avec Brad Miner) Les fils de Saint Patrick : une histoire des archevêques de New-York et j’ai passé énormément de temps avec le cardinal Egan les huit derniers mois. Grâce à ces conversations vives et franches, j’ai beaucoup appris sur sa vie mais aussi sur sa vision du travail interne dans l’archidiocèse de New-York et au Vatican.

Né à Oak Park (Illinois) en 1932, Egan a été diplômé en tête de classe de son lycée paroissial Saint-Gilles, bien qu’ayant été cloué au lit deux ans par la polio. Il est ensuite entré au Petit Séminaire de Quigley, où il a été rédacteur du journal d’école et de l’album de la promotion. Il a été élu président en dernière année. Comme il est reçu premier au Grand Séminaire de Sainte Marie du Lac, le cardinal Samuel Stritch l’envoie continuer ses études à Rome au Collège Nord-Américain.

Il a été ordonné à Rome le 15 décembre 1957, et est retourné à Chicago où il a été nommé neuvième vicaire à la cathédrale du Saint Nom de Jésus. Quelques mois plus tard, le nouvel archevêque de Chicago, Albert Meyer, cherchant un secrétaire sachant écrire couramment l’italien pour tenir sa correspondance avec le Vatican, choisit Edward Egan, le seul prêtre à remplir les critères.

Plus tard, comme maître des cérémonies et chancelier adjoint de Meyer, Egan a appris les bases de la finance, de l’assurance, de l’immobilier, de l’administration d’un archidiocèse – des compétences qui allaient lui être fort utiles des années plus tard.

Il est retourné au Collège Nord-Américain en 1960 comme répétiteur – un prêtre qui assiste les séminaristes dans leurs études – et a obtenu une maîtrise de théologie et un doctorat en Droit Canon avant d’être rappelé à Chicago en 1965 par l’archevêque John Cody.

Egan a été secrétaire et vice-chancelier de Cody et a présidé des commissions sur l’œcuménisme, les relations inter-religieuses, la justice sociale, l’égalité raciale pour le logement et le travail. A ces postes, il a mis au pas plusieurs éléments marginaux de l’Église de Chicago ayant adopté les vues et les tactiques de Saul Alinsky.

Le cardinal m’a dit qu’un soir il avait été emmené au restaurant pour rencontrer Alinsky. Trouvant le démagogue professionnel vulgaire et outrancier – particulièrement dans sa vision de l’Église – il était parti avant que le repas soit servi.

Il a de nouveau été appelé à Rome, cette fois pour siéger au tribunal de la Sainte Rote (la plus haute cour d’appel au sein de l’Église). Il a aussi enseigné la loi à l’université grégorienne et au Studium Rotale.

A la Rote, Mgr Egan a résisté à la pratique de plus en plus courante d’accorder des reconnaissances de nullité pour des raisons nouvellement imaginées. Egan disait : « la discussion a perdu tout équilibre bien avant que je n’entre à la Curie. » Il ajoutait : « ma réaction à tout ça a été assez négative, avec même une pointe de colère. Cela bien sûr ne m’a pas rendu populaire… auprès de nombreux juristes de la Rote et de pas mal de juges qui s’efforçaient à tout prix de découvrir de nouvelles bases pour libérer des couples malheureux des liens du mariage. »

Durant ce labeur au Vatican, Egan est devenu ami avec Jean-Paul II ; ils ont travaillé de concert pour réviser soigneusement le code de Droit Canon. Ils dînaient ensemble fréquemment et le pape a permis à Egan d’utiliser la porte de derrière de la cuisine pour entrer sans se faire annoncer dans l’appartement pontifical.

Comme il contrariait des hommes d’Église puissants par ses décisions à la Rote, Egan fût envoyé en 1985 à New-York comme évêque auxiliaire. Estimant que le Vatican lui avait imposé Egan, le cardinal John O’Connor n’avait pas avec lui des relations très cordiales. Mis à part les réunions de cabinet, Egan passait fort peu de temps avec son archevêque. Néanmoins, il a travaillé diligemment comme vicaire chargé de l’éducation et a négocié un nouvel accord d’éducation qui satisfaisait les deux parties.

En octobre 1988, lors de la visite ad limina des évêques de New-York, Jean-Paul II exprima sa surprise que son vieil ami ne soit pas encore évêque. Et donc il le nomma évêque de Bridgeport, dans le Connecticut, quelques semaines plus tard. Cette nomination, me dit Egan, « mit fin à une situation assez gênante » à New-York.

Durant les douze années passées à Bridgeport, Egan réorganisa le diocèse avec succès sur la base de sa conviction que l’accent devait être mis sur les pasteurs et que les paroisses devaient être au centre des activités. « Les évêques et leurs équipes devraient être les serviteurs de la communauté des croyants » disait-il.

Quand Egan est devenu archevêque de New-York, il a appliqué la même approche dans un archevêché financièrement mal-portant. Il a travaillé dur pour éliminer un déficit structurel d’exploitation de vingt millions et pour rembourser la dette de deux cents millions dont il avait hérité. En ce qui concerne la prise en main de la crise des prêtres prédateurs, tant à Bridgeport qu’à New-York, Egan, tout comme le cardinal O’Connor, a suivi le processus approuvé par le Vatican vis-à-vis des prêtres accusés. Il les a envoyé passer une évaluation psychiatrique et a respecté les directives des psychiatres.

Selon le jugement d’Egan, les traitements élaborés par les institutions où les prêtres ont été envoyés, et qui étaient portés aux nues par le New York Times et d’autres meneurs de l’opinion publique se sont montrés en grande partie inefficaces. Il a dit plus tard : « j’ai perdu toute confiance dans les analyses et les prévisions des membres, même les plus éminemment reconnus, de la communauté psychiatrique. » Egan avait aussi été écœuré par l’incompétence bureaucratique du Vatican face aux cas reconnus de prêtres prédateurs. Il est allé à Rome deux fois – dont une avec le cardinal Anthony Bevilacqua – pour exprimer l’urgence de réformes et de la rationalisation du processus de réduction à l’état laïc des coupables.

Le père Andrew Greeley, dans un éditorial, a prétendu que Egan poussait ses prêtres sous les roues d’un bus en les qualifiant d’  « entrepreneurs indépendants ». C’est faux, comme le prouve la transcription de sa déposition (je l’ai lue).

Alors que Egan quittait Bridgeport, Mgr Laurence Bronkiewicz, qui assurait l’intérim, décida, compte-tenu de la situation financière nettement améliorée du diocèse, de régler tous les affaires en justice pour approximativement huit millions de dollars, afin de laisser une ardoise nette au successeur d’Egan.

A New-York, Egan embaucha un cabinet d’avocats pour examiner les dossiers de tous les prêtres de son archidiocèse, remontant 50 ans en arrière pour identifier tous les cas d’abus sexuel. L’enquête a duré dix-huit mois, et les procureurs de district des huit comtés qui forment l’archidiocèse ont reçu les dossiers concernant des affaires d’abus, tous ayant été clos officiellement.

Pendant que l’archidiocèse de Los Angeles payait 660 millions de dollars en 2007 pour régler 500 cas d’abus sexuel par des prêtres, celui de New-York, sous le ministère d’Egan, payait 8,2 millions pour des cas antérieurs à son arrivée. La plus grande partie des dépenses correspondant à des frais de soutien psychologique. L’argent provenait de fonds d’assurance et d’investissement. Il n’y a pas eu de vente de biens mobiliers pour effectuer ces paiements.

Le 11 septembre 2001, peu après être arrivé au World Trade Center dans une voiture de police, Egan a été témoin de l’effondrement de la deuxième tour. Le maire Guiliani et Egan ont été d’accord qu’il était plus logique que le cardinal se rende à l’hôpital Saint Vincent pour aider les blessés. A l’hôpital, on lui a fourni une blouse et un masque et il a commencé à administrer les sacrements aux blessés et mourants.

Egan a passé la majeure partie des cinq jours suivants près de Ground Zero, à l’hôpital Saint-Vincent ou à la morgue. Il a aussi célébré des messes pour la ville et le pays à la cathédrale et présidé les funérailles de nombreuses victimes. Dans une de ses homélies, il rebaptise Ground Zero Ground Hero (le coin des héros). Comme à son habitude, il a refusé de se mettre en avant, et a été injustement critiqué par certains membres du clergé pour ne pas avoir été assez visible dans la période qui a suivi le 11 septembre.

Bien que New-York soit une cité prospère, l’archidiocèse était relativement pauvre. Beaucoup de paroisses et d’écoles n’étaient pas auto-suffisantes. Egan a dû fermer 25 écoles primaires, une école secondaire et 8 paroisses, mais il a travaillé de longues heures pour assurer le financement de l’infrastructure restante. Cela veut dire démarcher des gens riches, qui sont nombreux à New-York et qui aident volontiers quand ils sont cultivés.

Grâce au succès d’Egan dans ce domaine, l’archidiocèse avait soldé ses dettes et avait de l’argent en banque quand Egan a pris sa retraite. De plus la scolarisation dans les écoles catholiques a augmenté de 15400 individus et ceux qui fréquentent les écoles du centre-ville proviennent à 65% de familles sous le seuil de pauvreté. Treize églises ont été entièrement restaurées, 6 ont été agrandies, 7 ont été construites ou sont en cours de construction, et 8 paroisses offrent de nouveaux services.

Le cardinal Egan, tout comme ses prédécesseurs, avait des amis et des ennemis au sein du clergé de l’archidiocèse. Certains le voyaient comme un dirigeant dur, sans humour, distant et vétilleux
alors que d’autres le voyaient comme un organisateur compétent, qui s’évertuait à fournir aux prêtres les ressources nécessaires à l’accomplissement de leur mission.

En ce qui concerne ses relations avec les prêtres de l’archidiocèse, alors qu’Egan reconnaissait être un gestionnaire minutieux et attendant des autres qu’ils travaillent dur et fassent attention aux détails il me disait également ceci : « il y avait un certain nombre de situations sérieuses à régler quand je suis arrivé dans l’archidiocèse, à propos desquelles il a fallu prendre des décisions qui n’ont pas été bien accueillies par tous… Certains trouvaient mon approche trop formelle et trop exigeante, et ils avaient peut-être raison. D’autres m’ont dit que je visais généralement juste dans mes relations avec les fidèles, et spécialement avec le clergé. J’espère et je prie pour que le succès ou l’échec de mon approche soit jugé à l’aune des résultats : a-t-il laissé les choses meilleures qu’il ne les a trouvées ? Bien sûr, cela ne pourra être tranché que dans les années à venir. »

Egan m’a aussi fait part de ses préoccupations concernant un important groupe de prêtres qui sont tout simplement paresseux. Il pensait qu’ils déléguaient trop aux laïcs, ne cherchaient pas à connaître les difficultés de leurs paroissiens et passaient trop de temps à dîner dehors, à jouer au golf et à faire l’andouille.

Bien qu’étant le premier archevêque de New-York à avoir pris sa retraite plutôt que de mourir à son poste, il n’a pas levé le pied. En plus de participer à des comités variés du Vatican, il assurait des confirmations, secondait le cardinal Dolan dans différents événements et poursuivait sa collecte de fonds. Depuis 2009, il avait récolté plus de 40 millions de dollars pour les écoles de la ville. Peu avant que le pape Benoît ne se retire, le cardinal Dolan et le cardinal Egan l’avaient rencontré. Le cardinal Dolan avait alors dit au pape : « le cardinal Egan est mon meilleur évêque auxiliaire. » Egan avait alors dit au pape qu’il espérait l’aider partout où il le pourrait et aussi longtemps qu’il le pourrait. Benoît avait répondu : « Bravo, Éminence ! ».

Je peux attester qu’Egan a travaillé aussi longtemps qu’il l’a pu. En février, nous avons passé un après-midi ensemble, discutant des récents événements et des résultats du Synode Extraordinaire sur la Famille. Il était consterné par les fuites, qui, expliquait-il, rompaient le protocole du Vatican. Les dissidents, disait-il « se croient au-dessus des règles. » Il m’a aussi bien fait comprendre son opposition à la proposition du cardinal Kasper autorisant les catholiques divorcés remariés à communier. Il a soutenu cette position dans un article qu’il avait remis à l’université Saint-Jean en octobre 2014, disant que « le sérieux des délibérations de l’Église sur l’invalidité d’un mariage est selon moi – et selon beaucoup d’autres – au mieux discutable. » Il espérait suivre le Synode cette année pour soutenir le cardinal Muëller et défendre l’enseignement traditionnel de l’Eglise sur le mariage.

Quand je suis revenu de Rome le samedi soir, j’ai trouvé dans ma pile de courrier une lettre du cardinal datée du 4 mars, la veille de sa mort. Dans cette correspondance, il abordait une affaire personnelle – ce que d’autre gens très occupés auraient négligé de faire – dont j’avais parlé avec lui six jours plus tôt et finissait par dire : « Fort heureusement, tout s’est bien passé à Rome. Vous avez échappé à une période de très mauvais temps. Prenez soin de vous. »

Que Dieu prenne soin d’Edward Michael Egan, un prêtre extraordinairement efficace, plein de foi, dévoué, que j’ai eu le privilège d’appeler ami.


George J. Marlin, président du conseil d’administration de l’Aide à l’Église en Détresse aux USA est un rédacteur de The Quotable Fulton Sheen et l’auteur de Le vote catholique américain.

Illustration : Mgr Egan, alors évêque, en compagnie du cardinal John O’Connor et du pape Jean-Paul II

http://www.thecatholicthing.org/2015/03/10/remembering-cardinal-egan/