Il semble donc impossible de sortir de la guerre. Impossible de sortir de la guerre du Mali. L’éditorialiste du Monde a beau préconiser une prompte solution politique qui permettrait de résoudre les causes du conflit, un autre article du même journal met en évidence l’impossibilité pour l’armée française de quitter le pays. Il est même question de renforcer notre présence militaire dans certaines zones pour les sécuriser. Nous accueillerons aujourd’hui à Paris les deux cercueils des journalistes tués près de Kidal. Reporters sans frontière nous rappelle que le nombre des correspondants de guerre tués ces derniers mois à travers le monde est en constante augmentation.
Et voilà que l’imaginaire vient à la rescousse du réel. Le prix Goncourt ne vient-il pas d’être attribué au roman de Pierre Lemaître Au revoir là-haut qui concerne les lendemains et les séquelles de ce qu’on a appelé la Grande guerre. À la veille des commémorations du centième anniversaire de 1914, c’est une introduction au travail de mémoire dont nous instruira également le Président de la République dans quelques jours. Nous ne pouvons pas échapper à la présence obsédante de la guerre, même s’il est entendu que le miracle de l’espace européen c’est d’avoir réalisé l’impossible, en réconciliant Français et Allemands et en réunifiant un continent qui fut longtemps scindé en deux par un rideau de fer de barbelés et de miradors.
Nous ne pouvons que nous féliciter de ce miracle, sans oublier toutefois que l’Europe n’est pas le monde et qu’il serait irresponsable d’imaginer que notre espace pourrait s’étendre indéfiniment, de telle sorte que les conflits seraient de plus en plus improbables et qu’un beau jour, notre monde serait régulé par le droit. Ce n’est pas seulement une question politique, c’est une question anthropologique dont René Girard a établi les données fondamentales dans un livre classique La violence et le sacré. La paix n’est pas impossible, elle est le résultat du plus grand effort de civilisation.
