« Tout subsiste en Lui ». Cette affirmation que Saint Paul répète à plusieurs reprises dans ses Epîtres, représente l’horizon que nous devons contempler afin de vivre la Fête de ce jour, car, dans sa brièveté, elle en exprime admirablement tout le sens. Il s’agit en effet ici de la vérité du mystère qui pénètre le monde, qui pénètre l’Univers tout entier, jusqu’au cœur de chacun, ce cœur qui bat en nous en ce moment. Le Christ est la consistance de tout, le « point de fugue » vers lequel converge toute la trajectoire de l’histoire humaine ; le Christ est le « juge » et la « mesure » des esprits et des cœurs, ainsi que le dit l’hymne de cette Fête.
En commentant ce « tout consiste en Lui » de S. Paul, J. Huby s’exprimait ainsi : « En Lui [dans le Christ] toutes les choses ont été créées comme dans le principe même de leur existence, le centre suprême de l’unité, de l’harmonie, de la cohésion qui confère au monde sa signification, sa valeur, et par cela, sa réalité. Ou bien, pour employer une autre métaphore, comme le siège, le point de rencontre où se réunissent et se coordonnent tous les fils conducteurs, tous les générateurs de l’univers. Quiconque aurait un point de vue instantané de l’univers total, passé, présent, futur, verrait tous les êtres suspendus ontologiquement au Christ, et non définitivement intelligibles, si ce n’est grâce à Lui » (J. Huby, Saint Paul. Les Epîtres de la captivité). Et le Christ-Roi, c’est cela !
Notre conscience devrait en être complètement dominée, parce que la raison est le « point humain » créé pour reconnaître la réunification que le Christ opère. La raison humaine a été créée pour reconnaître la Raison incréée : le Christ-Roi en quoi tout consiste.
Sans cette ouverture docile au mystère, la réalité apparaît réduite, exactement ainsi que la décrit le prophète Ezéchiel : un troupeau chaotique de brebis sans pasteur qui avance dans une journée nuageuse et brumeuse. Il se meut sans direction et sans but. On pourrait y voir la condition d’une grande partie de la culture contemporaine, résignée au « non-sens », à vivre sans but et à avancer sans direction précise. Dans ces conditions, si les brebis ne se transforment pas en loups féroces, elles risquent de se résigner, allant à la débandade.
Mais le Christ est venu afin de redonner à l’homme sa raison de vivre et Il l’a fait en donnant aux ténèbres la lumière, l’amour et une dernière possibilité de réelle miséricorde à ce sentiment insurmontable d’insuffisance, qui est propre à la raison créée. Ce n’est qu’en admettant ses limites et son insuffisance que la raison humaine se transforme en véritable affection envers soi et envers la réalité, laissant la porte grande ouverte à une ultime possibilité d’amour, à une ultime étreinte qui représente la victoire sur le mal et sur la mort.
Le Christ est le Roi de l’Univers ; Il l’a dominé et le domine par Son Amour ; en mourant pour les hommes il a anéanti la mort qui représente la dernière et la plus grande objection à laquelle s’affrontent notre raison et notre affection.
En se faisant donc principe suprême d’intelligibilité de la réalité le Christ est également principe suprême de moralité. Juge de toute action, juge aussi de ceux qui sans le connaître agissent « pour » ou « contre le mystère : « Seigneur, quand t’avons-nous vu affamé ou assoiffé ou étranger ou nu ou malade ou en prison sans T’avoir assisté ? […] en vérité je vous le dis : chaque fois que vous n’avez pas fait ces choses au plus petit de mes frères, vous ne les avez pas faites à moi […]. Loin de moi, maudits, vers le feu éternel ».
Mais à nous qui L’avons connu, que nous dira-t-Il donc si nous abandonnons la raison qu’Il nous a donnée gratuitement, si nous abandonnons l’affection qu’avec Sa miséricorde Il nous a offerte ?
Prions la Bienheureuse Vierge Marie, Reine de l’Univers, afin que nos esprits rebelles se soumettent docilement et amoureusement au Roi des Rois, afin que son amour nous réunisse dans le bercail de l’Eglise. Car nous sommes sa compagnie dans l’histoire, le point où, à l’intérieur de toute raison créée et de tous les pauvres cœurs si peu enclins à l’amour humain, se manifeste la Raison incréée et l’abîme de l’Amour incréé de la Miséricorde Divine.
Les Chrétiens représentent dans l’histoire l’instant où la paix commence à régner, grâce à l’humble reconnaissance de Son Autorité suprême : sur le Cosmos, sur l’Eglise, sur le cœur de chaque homme. Une souveraineté unique et vraiment libératrice.
Da 7,13-14: www.clerus.org/bibliaclerusonline/fr/9auc5hg.htm
Ap 1,5-8: www.clerus.org/bibliaclerusonline/fr/9ahx1qa.htm
Jn 18,33b-37: www.clerus.org/bibliaclerusonline/fr/9btankr.htm