Le SMIC, nous dit le CAE, est plus une trappe à chômeurs, ou au mieux à bas salaires, qu’un outil de lutte contre la pauvreté.
L’augmentation du SMIC a été supérieure de 50% à l’augmentation des prix depuis 1970, de telle façon qu’aujourd’hui environ 15% des salariés français sont rémunérés sur la base du salaire minimum alors qu’ils ne sont que 0,8% en Espagne, 1,4% au Royaume Uni,2,1% aux Pays-Bas, 3,1% en Irlande…
Courant octobre doit être publié le rapport remis le 23 juillet dernier à MM Eric Besson et Martin Hirsch par le Conseil d’Analyse Economique et Sociale,-CAE-, sur le thème « Salaire minimum et bas revenus; comment concilier justice sociale et efficacité économique ». Le CAE est une instance pluraliste composée d’économistes reconnus de sensibilités diverses et de représentants des grandes administrations économiques et sociales. Dans ce rapport, le CAE ne manie pas la langue de bois.
Un salaire minimum élevé exclu une partie des travailleurs du marché de l’emploi pour lequel ces salaires deviennent trop élevés. La fixation d’un salaire minimum nuit également à la relation contractuelle normale entre employés et employeurs. Certes, chaque augmentation excessive du SMIC permet à ceux qui gardent leur emploi en bas de l’échelle de bénéficier d’une croissance de leur revenu, mais elle fait aussi perdre leur emploi à d’autres. Les études menées à cet égard aux Etats Unis, où le salaire minimum est différent selon les Etats, sont très concluantes.
D’ailleurs, observe le CAE, « seulement 1% des personnes employées à plein temps toute l’année est pauvre. C’est la durée du travail sur l’année qui joue le plus grand rôle dans l’explication des inégalités et de la pauvreté et non le niveau du salaire horaire ». Les pays scandinaves ainsi que l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie n’ont pas de salaire minimum et pourtant ces pays sont parmi les plus égalitaires.
Au surplus, en France, et contrairement à ce qui se pratique généralement ailleurs, le SMIC s’applique à tous, indifféremment, sans distinction liée à l’ancienneté, au domaine d’activité ou à la profession et les jeunes de moins de 25 ans n’y ont pas droit, alors même que la France a l’un des plus bas taux d’emploi des jeunes de 20/24 ans au sein de l’OCDE. Par ailleurs les prestations sociales se cumulent et se multiplient au point de créer la confusion chez les salariés. Une unification des minimas sociaux et des prestations liées à l’activité serait plus efficace que cette dispersion actuelle.
Dans cette perspective, la création du Revenu Minimum d’Insertion,-RSA-, présentée au conseil des Ministres du 3 septembre, va dans le bon sens. Il permettra de cumuler dégressivement revenus du travail et de la solidarité afin d’éviter aux individus de refuser d’entrer sur le marché du travail pour ne pas perdre leur RMI. Le même projet de loi intègre également la refonte des contrats aidés. Le RSA se substituera à trois des neuf aides sociales à l’emploi existantes : le RMI, l’Allocation pour parents isolés et les primes d’intéressement à la reprise d’emploi.
Il est dommage que la simplification s’arrête en chemin, mais c’est une étape. Faudrait-il aller, comme le suggère le CAE, jusqu’à supprimer le SMIC pour mieux lutter contre le chômage ? Encore conviendrait-il que le financement du RSA ne soit pas assuré par une nouvelle taxation des revenus du capital, prévue au taux de 1,1%, qui irait à l’encontre de la politique de l’emploi en pénalisant l’investissement, en contradiction aussi avec les promesses présidentielles et la volonté affichée jusque là de maîtriser les prélèvements fiscaux, voire de les réduire.
Jean-Philippe Delsol