Les amendements apportés par le président Obama à la réglementation du ministère de Santé sur l’extension de la couverture-maladie à la contraception, la stérilisation et des produits abortifs, n’ont pas répondu aux objections avancées par les dirigeants catholiques, évangéliques, juifs et musulmans ; ils ont même aggravé la difficulté.
Une commission de la conférence épiscopale catholique (présidée par le cardinal Timothy Dolan) a produit une réplique fort vive. Entretemps, plus de 170 évêques ont critiqué la mesure ; des catholiques et des évangéliques ensemble ont signé un appel commun en faveur du respect de la liberté religieuse.
L’administration Obama a sous-estimé l’ampleur de la réaction. Le caractère évidemment superficiel, voire présomptueux, des propositions d’amendement ne fait que révéler sa foi profonde dans la toute puissance du pouvoir réglementaire. La circulaire n’était pas une quelconque aberration qui aurait germé dans l’esprit de quelques bureaucrates bourdonnants. Elle est au contraire le tranchant d’une arme qui investit de tout pouvoir des « experts » auto-proclamés, politiquement irresponsables. La réforme de la santé n’est que l’expression la plus puissante de cette tendance.
Le programme du président en matière de santé est un copié-collé de celui de l’association pour la planification familiale auquel le gouvernement donne ainsi force de loi. Dans le vocabulaire d’Obama, le mot « santé » inclut toute une batterie de droits relatifs à la procréation, dûment reconnus aux femmes, y compris l’assurance obligatoire. La secrétaire d’Etat à la Santé, Mme Sebelius, est la figure de proue du mouvement mais elle bénéficie du soutien de la plupart des fonctionnaires de la Maison Blanche et des agences gouvernementales, y compris la Commission qui veille à la non-discrimination dans l’emploi (ndt : EEOC Equal Employment Opportunity Commission, commission pour l’égalité des chances dans l’emploi) laquelle a déjà déclaré que le fait de ne pas accorder la couverture sociale pour ces services moralement controversés constituerait une atteinte aux droits des travailleurs.
Le programme en faveur des droits relatifs à la procréation se combine avec une grande stratégie politique qui vise à restreindre le champ de l’activité religieuse sur la place publique, ainsi entendue : les opinions religieuses en faveur des programmes présidentiels sont encouragées ; celles qui s’en prennent à ses politiques constituent des ingérences. S’il doit rester quelque chose de la controverse sur la circulaire santé, c’est d’avoir alerté les évêques catholiques sur l’étendue et la gravité des efforts de l’administration pour réduire au silence l’opposition religieuse. Même si les évêques réussissaient, ce qui est peu probable, à faire revenir l’administration sur sa circulaire santé, ils ne doivent se faire aucune illusion. La bataille ne serait pas terminée. Elle ne fait que commencer.
Qu’est-ce que les évêques devraient donc faire dans les semaines et les mois qui viennent ? J’ouvre ici six pistes :
1- Ils doivent s’efforcer de rester maîtres de l’ordre du jour des débats. Le président va continuer, en toute mauvaise foi, de faire croire que le ministère de la Santé s’efforce seulement de protéger le droit à la contraception. L’opinion a bien réagi lorsqu’au contraire les évêques se sont concentrés sur la menace de contrainte administrative. Cet avantage s’estompera rapidement si les évêques ne font pas donner leur arme la plus puissante, à savoir, maintenant et toujours, le peuple des fidèles. La plupart des catholiques seront aux côtés du président si l’enjeu est la contraception ; si les évêques ne parvenaient pas à les rallier contre l’assaut lancé par Obama contre la liberté religieuse, la circulaire santé serait le moindre de leurs soucis.
2- Le peuple des fidèles ne sera pas mobilisé par des déclarations officielles ou des papiers glissés dans les bulletins paroissiaux. Il doit être exhorté à agir, ordonné de le faire, non pas seulement en tant que catholiques mais en tant qu’Américains au nom du Premier amendement pris au sérieux. Beaucoup d’évêques manquent d’expérience pour s’engager dans de tels combats ; certains même s’y refuseront. Ceux qui le voudront bien peuvent apprendre. Chaque diocèse est sûr de trouver dans les rangs des fidèles des centaines voire des milliers de laïcs politiquement expérimentés qui peuvent prodiguer d’utiles conseils. Il n’est pas nécessaire ni souhaitable que les évêques fassent le gros du boulot ; qu’ils soient là pour instruire, inspirer et guider.
3- La direction de la conférence épiscopale doit se garder d’être entraînée dans des négociations interminables sur les amendements proposés par l’administration. Les évêques doivent rejeter l’argument selon lequel ils chercheraient à obtenir une exemption en faveur de leurs œuvres sociales, tellement limitée qu’elle en deviendrait inutile. La recherche d’une exemption peut en outre se révéler contre-productive sur le long terme en admettant par là même que le gouvernement est constitutionnellement habilité à accorder ou à révoquer des privilèges religieux. La seule position sûre de négociation est d’exiger d’entrée de jeu le retrait pur et simple de la circulaire santé. C’est à cette seule condition qu’une négociation pourrait s’engager en toute bonne foi.
4- Les évêques doivent prendre leurs distances avec le préjugé de la « tunique sans couture » qui a prévalu parmi les catholiques depuis les années 70. Ce préjugé a eu pour principal effet de laisser les hommes politiques libres d’approuver les mesures pro-avortement. Tant de détenteurs de postes officiels ont été autorisés à se détourner du sort des enfants à naître que c’en est devenu un véritable scandale. Combien au juste de politiciens (ndt catholiques) tels que John Kerry (ex-candidat à la présidence contre Bush), Nancy Pelosi (chef de la minorité à la chambre des représentants), Joe Biden (vice-président) et Kathleen Sebelius (secrétaire d’Etat à la santé) les évêques vont-ils tolérer ? Il est temps d’en finir et de couper largement dans « la tunique sans couture » (ndt : l’auteur vise ici un unanimisme de façade qui ne profite qu’aux catholiques les plus progressistes et aux élus opportunistes).
5- Les évêques doivent remettre en cause leur soutien de longue date à la sécurité sociale universelle. Ils doivent comprendre que si ce qu’ils appellent de leurs vœux, par un souci de justice sociale, était réalisé par une couverture universelle obligatoire, le gouvernement serait nécessairement investi du pouvoir de décider quels sont les services qui doivent être couverts, au profit de qui et comment. Si nous ne repensons pas de fond en comble la réforme du système de santé, les évêques seront constamment confrontés à ce type de règlements empiétant sur la morale, sans guère de perspective de succès. Des propositions de réforme alternatives (il y en a beaucoup) doivent retenir l’attention morale et approfondie des évêques. Il est temps pour ces derniers de dépasser le stade des slogans de confort.
6- Les évêques ne doivent pas seulement s’en remettre à la justice. Il est essentiel de porter plainte mais le combat sera mené et éventuellement gagné dans l’arène politique. Ce n’est pas une bataille que les évêques ont choisi de mener mais quoi qu’ils en aient, ils y sont. L’administration Obama semble douter que ses opposants religieux aient le courage ou les moyens de résister. Il est temps que les évêques lui donnent tort.
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Photo : le Cardinal Timothy M. Dolan, archevêque de New York et président de la conférence épiscopale américaine.
http://www.la-croix.com/Religion/Urbi-Orbi/Monde/Le-cardinal-Dolan-signe-une-petition-contre-le-plan-sante-d-Obama-_NP_-2012-02-28-773058
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Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/six-things-the-bishops-must-do-now.html