A l’instant où j’écris cet article, j’ai sur mon bureau une pierre que j’ai trouvée sur le site de Delphes (je n’ai pas détaché un fragment d’un temple antique ni d’un autre bâtiment de ce vaste ensemble, je ne suis pas un Vandale moderne. J’ai simplement ramassé par terre un souvenir de ce qui peut être considéré comme le Vatican de la Grèce antique). En visitant ce site il y a quelques années, j’ai encore mieux compris pourquoi Dieu avait choisi de prendre chair à une époque où la culture gréco-romaine dominait le monde occidental connu – et peut-être même pourquoi nos Evangiles, en dépit de leurs racines hébraïques et araméennes, ont été écrits dans le grec de la koinè.
L’Evangile de saint Jean s’ouvre par l’affirmation d’une redoutable simplicité : « Au commencement était le Verbe » (en grec : logos). Logos est le mot que Platon utilise dans son récit de la conversation de Socrate avec ses disciples au moment de boire la ciguë après avoir été condamné à mort par les Athéniens pour « impiété » – c’est-à-dire pour avoir refusé de croire dans les dieux de la cité. Socrate croit en eux, mais comme Platon et Aristote, entre autres, il avance à tâtons vers une notion plus claire du divin, même si eux tous savent qu’ils ne peuvent y parvenir uniquement grâce à la raison humaine.
L’un des personnages de Platon soutient dans le Phédon que, quand on n’est pas entièrement convaincu par les arguments de Socrate sur l’immortalité de l’âme, « on doit mettre du moins la main sur celle de nos conceptions humaines qui vaut le mieux et qu’il est le plus difficile de réfuter ; se risquer, en se laissant porter par elle, à faire la traversée de la vie sur cette manière de radeau, faute de pouvoir faire route, avec plus de sécurité et moins de risques, sur quelque instrument plus stable de transport : autrement dit une révélation divine [λόγου τοû θεοû].
C’est juste une des innombrables manières dont la culture grecque antique et la révélation chrétienne se rejoignent. Et ceux qui cherchent à les séparer se trompent en s’efforçant de dissocier des éléments que Dieu a unis. Suivant un mystérieux dessein, la rationalité et la clarté de la Grèce antique, approfondies par de nombreux grands esprits au fil des siècles, devaient fusionner et être transformées grâce à la lumière de la révélation qui traverse l’Ancien Testament. Cette lumière a pu briller encore plus clairement à partir des instruments providentiellement mis au point par cette magnifique culture. Que vous pouvez admirer dans les harmonieuses proportions du site de Delphes lui-même et dans l’aménagement du temple principal et de l’amphithéâtre s’ouvrant face au mont Parnasse.
J’ai ramassé ma pierre à peu près à l’endroit d’où a été prise la photographie. Un Italien – avec ses deux jeunes enfants – essayait de leur expliquer avec quel soin l’amphithéâtre avait été conçu pour que la voix des acteurs porte bien. Il les envoya tout en haut des gradins près de moi. « Ecoutez », dit-il. Il brandit une pièce de deux euros, la lança en l’air et la laissa retomber sur les pavés de la scène. Nous pûmes très clairement l’entendre retentir à 70 mètres de distance. Le site de Delphes tout entier donne l’impression d’avoir été construit pour créer une clarté destinée à inonder le monde.
Il n’y a guère de sites comparables dans la tradition biblique. Le Temple de Jérusalem, Sainte-Sophie, la plupart des églises occidentales sont davantage orientées vers l’intérieur, en dépit de la mission évangélisatrice du christianisme. Même la grande place de Saint-Pierre de Rome – le site chrétien le plus comparable à Delphes – ressemble, comme on l’a souvent dit, à deux grands bras (les portiques incurvés du Bernin) accueillant et embrassant le monde entier. (Michel-Ange a même peint une image de la Sibylle de Delphes dans la Chapelle Sixtine). On y constate la même attention portée aux proportions et aux lignes de vision et à la signification spirituelle des espaces sacrés.
Mais nos sites sacrés chrétiens ont quelque chose de plus intime, de plus secret, de plus réceptif et sont moins axés sur l’homme.
Si j’ai abordé le sujet des sites d’importance spirituelle particulière, c’est parce que, comme vous avez pu le remarquer, le site The Catholic Thing est un peu en train de changer et pourra vite vous sembler différent à vous aussi. Nous avons entièrement reconfiguré notre site, mais pas de façon radicale, afin de mieux tenir compte des thèmes grecs et hébraïques que j’ai esquissés ci-dessus.
Cette nouvelle configuration nous donnera de meilleurs moyens d’offrir nos articles au monde entier. La configuration originelle a bien joué son rôle à son époque, mais nous voulions nous donner des moyens techniques aussi modernes que possible (y compris la possibilité d’utiliser des vidéos, des enregistrements audio et d’autres médias) pour que les lecteurs aient l’accès le plus complet à ce qu’il leur faut pour être bien informés et motivés. (Quelques rubriques de notre autre site, Complete Catholicism, seront désormais intégrées dans cette page, pour vous éviter d’avoir à cliquer sur l’autre site qui sera supprimé).
Mais cette nouvelle présentation nous permettra aussi de mieux vous accueillir. Plusieurs fonctions de notre site seront désormais d’utilisation plus facile et il sera aussi plus aisé de partager les articles sur les réseaux sociaux dès que tous les bugs auront été éliminés. Et la section réservée aux commentaires sera aussi plus facile à lire pour vous et à gérer pour nous grâce à cette conception renouvelée du site.
Nous sommes très reconnaissants à Christopher Wendt et à son équipe d’HyperDo Media pour leurs conseils techniques et conceptuels. Mais rien n’est parfait en ce monde, et si vous vous heurtez à des dysfonctionnements au tout début de notre nouveau système, informez-nous en. Nous avons travaillé dur pour assurer que The Catholic Thing conserve tout ce que vous appréciez dans ce site – surtout l’article quotidien ouvert à tous – mais en essayant encore d’aller plus loin et d’être mieux en mesure d’offrir la source la plus fiable de commentaires et d’informations sur tout ce qui concerne le catholicisme.
Je n’ai probablement pas à vous dire tout cela à vous, nos éloquents et loyaux lecteurs, mais prenez quand même la peine de nous donner votre avis.
Photographie : Le temple d’Apollon et l’amphithéâtre de Delphes
Source : http://www.thecatholicthing.org/2014/12/01/sites-ancient-and-modern/
Robert Royal est le rédacteur en chef de The Catholic Thing et président du Faith & Reason Institute basé à Washington (D.C.). Son dernier livre, The God that Did not Fail : How Religion Built and Sustains the West, est à présent disponible en livre de poche chez Encounter Books.