Simone Veil, Pierre Messmer et l'avortement - France Catholique
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Funérailles catholiques : un temps de conversion
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Simone Veil, Pierre Messmer et l’avortement

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Pardon, ce matin de réveil électoral douloureux pour les uns, agréables pour les autres, de revenir quelques jours en arrière, c’est-à-dire jeudi dernier pour évoquer cet événement tout à fait symbolique de la réception de Madame Simone Veil à l’Académie française.

La nouvelle académicienne a reconnu d’emblée que son élection sous la coupole ne tenait pas à la reconnaissance de son œuvre littéraire. C’était peut-être mieux que cela, puisque l’Académie a toujours voulu distinguer en plus des serviteurs des Lettres, quelques grandes figures emblématiques de la société française comme des maréchaux, d’anciens présidents de la République, ou encore des scientifiques. En distinguant une femme sans aucun doute exceptionnelle, l’Académie d’aujourd’hui s’est montrée fidèle à cette mission, d’autant que Madame Simone Veil succédait à un homme d’État, au surplus ancien militaire et héros de la dernière guerre, qui, lui-même, appartenait à cette catégorie des personnalités représentatives de la nation.

Madame Veil a d’ailleurs prononcé un très beau discours en hommage à son prédécesseur, ne dédaignant pas de rappeller que Charles de Foucauld avait été une figure qui avait compté dans la vocation du jeune Pierre Messmer. Je me souviens moi-même d’avoir vu l’ancien ministre des Armées du général de Gaulle et le Premier Ministre de Georges Pompidou très attentif lors de la réception du cardinal Joseph Ratzinger à l’Académie des Sciences morales et politiques. Il me semble que le héros de Bir Hakeim était un chrétien discret*, aux convictions aussi solides que l’était son caractère impavide. Il m’a toujours semblé incarner les vertus que l’on reconnaît aux Romains.

Mais pour en revenir à la réception et aux discours, il fallait évidemment s’attendre à ce que fut évoquée la fameuse loi de 1975 à laquelle Simone Veil a attaché son nom. Il est vrai qu’elle en avait pris l’entière responsabilité, mais il serait beaucoup plus juste et exact d’y associer les noms du président de la République d’alors, Valéry Giscard d’Estaing, qui voulut que cette loi fût votée dès le début de son mandat, et le nom de Jacques Chirac alors Premier ministre, dont les attitudes successives et contradictoires ne peuvent empêcher de reconnaître l’entière solidarité dans l’élaboration et l’adoption de la loi qui dépénalisa l’avortement dans notre pays.

Il y aurait énormément à dire sur cette loi très singulière dans sa rédaction puisqu’elle rappelait en son préambule le principe du respect de la vie et que, loin de justifier un droit pour le moins paradoxal à l’avortement, elle n’admettait qu’une exception compassionnelle aux lois non-écrites, afin de venir au secours de certaines détresses.

A mon avis, cette loi a d’ailleurs été détournée de son sens premier. Mais je voudrais aujourd’hui contester la façon dont Jean d’Ormesson en a évoqué le souvenir, en caricaturant ses adversaires, traités unilatéralement d’intégristes et d’antisémites. Faut-il vous rappeler, Monsieur le Comte d’Ormesson, que parmi les opposants les plus résolus à la loi Veil, il y avait un certain Pierre Messmer, qui, par deux fois, refusa son vote à un texte qu’il considérait contraire aux exigences de sa conscience ? Il eut été plus digne et plus loyal de rappeler que cette affaire de l’avortement est toujours une véritable blessure morale et que le prédécesseur de Simone Veil à l’Académie avait compté au nombre des défenseurs des lois non-écrites, se mettant, n’en déplaise à Monsieur le Comte, du côté d’Antigone contre Créon.

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* Ndlr : Dans les dernières années de sa vie, il fut très lié au Père René Laurentin avec lequel il a d’ailleurs mis en place un « Prix Littéraire Abbé Laurentin » remis par l’Académie française tous les deux ans.