Simone Veil, icône de notre temps ? - France Catholique
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Funérailles catholiques : un temps de conversion
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Simone Veil, icône de notre temps ?

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La façon dont j’ai évoqué la personnalité de Simone Veil m’a valu une lettre quasi d’injures. Je devais m’y attendre ! Certains espéraient un réquisitoire implacable centré sur la fameuse loi à laquelle la défunte a laissé son nom. Je ne suis pas sûr d’ailleurs que l’insistance sur ce moment de sa carrière l’enchantait. J’ai eu l’impression qu’elle n’avait pas apprécié le passage que Jean d’Ormesson lui avait consacré dans son discours d’accueil à l’Académie française. C’est peut-être subjectif, de ma part. Mais j’ai noté une sorte de revirement dans l’adieu que le même d’Ormesson a adressé à l’ancienne ministre dans Le Figaro. Il n’hésite pas à y écrire que Simone Veil était, personnellement, contre l’avortement. Il doit avoir quelques raisons pour oser pareille affirmation.

Je n’ai pas lu l’autobiographie, où, sans doute, elle s’explique là-dessus. Je me suis procuré, par contre, le recueil de ses discours où figure son intervention du 26 novembre 1974 devant l’Assemblée nationale. Ce qui m’apparaît d’abord, c’est son caractère pragmatique et juridique. Simone Veil est juriste de formation, et c’est comme telle qu’elle envisage le problème de l’avortement. Ce n’est jamais en philosophe, ni même en moraliste. Cela ne signifie pas qu’elle ne manifeste pas sa sensibilité. Tout part d’un constat : la loi de 1920, qui interdit sévèrement l’avortement, n’est plus respectée et la situation est devenue insupportable. C’est l’anarchie : « Lorsque des médecins, dans leurs cabinets, enfreignent la loi et le font connaître publiquement, lorsque les parquets, avant de poursuivre sont invités à en référer dans chaque cas au ministère de la Justice, lorsque des services sociaux d’organismes publics fournissent à des femmes en détresse les renseignements susceptibles de faciliter une interruption de grossesse, lorsque, aux mêmes fins, sont organisés ouvertement et même par charter des voyages à l’étranger, alors je dis que nous sommes dans une situation de désordre et d’anarchie qui ne peut plus continuer. »

Valéry Giscard d’Estaing qui s’était engagé, lors de la campagne présidentielle, à modifier la loi, avait choisi Simone Veil pour mener à bien la réforme dans un sens pragmatique. Il s’agissait de remédier au désordre, en mettant fin aux avortements clandestins qui produisaient des drames, suite à leurs conditions sanitaires déplorables. La ministre de la Santé soulignait aussi l’hypocrisie qui consistait à interdire en France l’avortement, alors que les plus riches pouvaient, massivement, se faire avorter à l’étranger. Il ne faut pas oublier, en effet, que d’autres pays européens nous avaient précédés dans la voie de la légalisation et qu’il y avait ainsi une logique européenne qui entraînait à la libéralisation.

Mais par ailleurs, la lecture du discours fait bien comprendre qu’il ne s’agissait pas de reconnaître un droit à l’avortement, mais de reconnaître une réalité qui exigeait une réponse législative et sanitaire : « C’est pourquoi si le projet qui vous est présenté tient compte de la situation de fait existante, s’il admet la possibilité d’une interruption de grossesse, c’est pour la contrôler et, autant que possible en dissuader la femme. » Faut-il comprendre qu’aujourd’hui Simone Veil serait coupable du délit d’entrave à l’IVG ? Comment interpréter la phrase conclusive de la ministre qui consiste en un appel à la jeunesse ? « Sachons lui faire confiance pour conserver à la vie la valeur suprême qu’elle ne saurait perdre. »

En tout état de cause, loin de doter l’acte de mettre fin à une vie naissante d’un coefficient positif, tel celui de l’émancipation de la femme, Simone Veil affirmait que si elle défendait son projet de loi en toute conviction, « il est vrai que personne ne peut éprouver une satisfaction profonde à défendre un texte – le meilleur possible à mon avis – sur un tel sujet : personne n’a jamais contesté et le ministre de la Santé moins que quiconque que l’avortement soit un échec quand il n’est pas un drame ». D’évidence, nous n’en sommes plus là. La rhétorique actuelle consiste à enfoncer dans les têtes que l’avortement est un droit souverain de la femme, quasiment à ajouter à la grande Déclaration universelle des droits de l’homme.

Une telle évolution n’était-elle pas inscrite dans le tournant accompli en 1975 ? Cela me paraît incontestable, mais il n’est pas équitable d’en attribuer la responsabilité entière à Simone Veil. C’est toute une idéologie, qu’elle ne partageait pas, qui a pris le dessus et imprégné l’esprit public, notamment au moyen du système médiatique. Il m’est arrivé d’objecter à Raymond Barre et à Pierre Bérégovoy en personnes, que l’État avait tout de même une responsabilité, dès lors qu’il n’y avait jamais eu du côté régalien de contrepartie à une telle manipulation idéologique.

Je refuse, pour ma part, à faire jouer à Simone Veil le rôle du bouc émissaire, même si elle a endossé le rôle de l’icône progressiste unanimement célébrée. D’autres portent la responsabilité de la loi votée en 1975 et de ses conséquences. Par ailleurs, comment ne pas tenir compte de l’environnement massif qui a tout emporté depuis lors ? Quant à m’accuser de laxisme sur le sujet, c’est un peu fort de café ! Je n’ai jamais dévié de mes convictions, celles que je défendais dès 1974 et qui valaient de m’opposer sur le terrain aux militantes déchaînées du MLAC (Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception).