«Vous le savez : ce n’est pas par des biens corruptibles que vous avez été rachetés […] mais c’est par un sang précieux, celui d’un agneau sans défaut et sans tache, le Christ » (1 P 1, 19). La vénération du Saint Sang est sans aucun doute la plus ancienne de toutes les dévotions chrétiennes. On peut imaginer sans peine qu’elle remonte à la contemplation du mystère des mystères : les flots de sang versés par le Christ, dans sa Passion, sous les yeux de sa Mère, de Jean et quelques autres…
Nul doute, en effet, que, sachant mieux que quiconque le prix du sang de son divin Fils, Marie n’ait conservé précieusement, avec l’aide des disciples, les linges qui en étaient imbibés, avec la Sainte Tunique, le Saint Suaire et les autres objets de la Passion. Reliques d’un prix infini, signes du prix du rachat des âmes. C’est donc bien au pied de la Croix que cette dévotion prend sa source.
Ce qu’en disent les saints
Elle s’est poursuivie à travers l’histoire de l’Église, conservée et transmise comme un trésor. Certains saints l’ont vécue de manière exceptionnelle. Saint Ignace d’Antioche, au premier siècle, écrit : « Je veux pour breuvage le Sang du Christ, qui est charité incorruptible et vie éternelle. » Et saint Thomas d’Aquin, au XIIIe siècle : « Il y a une seule cause de la sanctification des hommes : le Sang du Christ. » Saint Bonaventure, son contemporain, ajoute : « La vie corporelle du Christ est dans le Sang du Christ, et ainsi notre vie spirituelle et éternelle est dans le Sang de Jésus-Christ : celui qui boit mon Sang, est-il écrit, demeure en Moi. »
Sainte Catherine de Sienne, au XIVe siècle, n’hésite pas à dire à ses correspondants : « Je vous écris dans son Précieux Sang, avec le désir de vous voir plonger dans le sang de Jésus crucifié lequel enivre, fortifie, réchauffe, illumine l’âme de vérité. » Citons également, au XVIe siècle, à Florence, sainte Marie-Madeleine de Pazzi, carmélite et mystique, qui invoque plus de cinquante fois par jour le Précieux Sang, après une révélation divine lui assurant, rapporte-t-elle : « Toutes les âmes qui ont part au Sang de Jésus sont belles. » Elle comprend alors que « si une âme pouvait connaître l’importance et le prix que lui donne la participation aux mérites de ce Sang et à l’amour de Dieu, elle se fondrait de douceur ».
Prolongement du Sacré-Cœur
C’est au XIXe siècle que cette dévotion prend un réel essor dans l’Église, dans le prolongement de celle du Sacré-Cœur, dont elle découle spirituellement. En Italie, saint Gaspard del Bufalo, fonde, en 1815, les missionnaires du Précieux-Sang, en Italie. Sa rencontre inspire à sainte Maria De Mattias la fondation de la congrégation des Adoratrices du Sang du Christ, en 1834.
Bien loin de là, à Saint-Hyacinthe, au Québec, en 1861, Aurélie Caouette, mystique, fonde les Sœurs adoratrices du Précieux-Sang filles de Marie Immaculée. Ces religieuses contemplatives, toujours présentes dans de nombreuses maisons au Canada et aux États-Unis, sont reconnaissables à leur scapulaire rouge sang. Leur vie est centrée sur la dévotion réparatrice au Précieux Sang, et la dévotion mariale. Et leur devise est « Vive le précieux Sang de Jésus ! »
Mais c’est avec le bienheureux pape Pie IX que cette dévotion prend une ampleur universelle dans l’Église. En 1850, il institue officiellement la fête du Précieux Sang, fixée au 1er juillet, en reconnaissance et en mémoire de la victoire obtenue sur la révolution de 1849, lui permettant de retourner siéger dans les États pontificaux, comme il en avait fait le vœu.
Solennité
Lors du jubilé de la Rédemption, en 1933, Pie XI souhaite lui donner une plus grande solennité et l’élève au rang des principales fêtes de l’Église. Il souhaite « que le souvenir du sacrifice sanglant du Sauveur soit plus profondément et solidement gravé dans l’esprit et le cœur des fidèles et afin que tous les hommes, les chrétiens surtout, puissent recueillir des fruits plus abondants du Sang précieux de l’Agneau immaculé, par lequel tous ont été rachetés ». Jean XXIII promulgue, quant à lui, en 1960, les litanies du Précieux Sang.
Mais en 1969, la fête du Précieux Sang est supprimée du calendrier liturgique. Le mois de juillet demeure traditionnellement celui du Saint Sang, succédant au mois du Sacré-Cœur. La messe continue d’être célébrée dans les communautés célébrant la messe tridentine. En 2006, lors d’une audience générale, Benoît XVI rappelle qu’il est urgent que « l’humanité contemporaine fasse l’expérience de la force du sang du Christ, versé sur la Croix pour notre salut ». Et ajoute, en 2010, dans la cathédrale du Très-Précieux-Sang, à Westminster, que « le sang du Christ répandu est la source de la vie de l’Église ».
Un trésor que les chrétiens n’auront jamais fini de découvrir.