Sexe en tout genre - France Catholique
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Funérailles catholiques : un temps de conversion
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Sexe en tout genre

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Les programmes de première ES et L introduisent les études sur le genre en cours de biologie. Le gouvernement prépare une loi en faveur de l’homoparentalité. Dans les deux cas il s’agit d’affirmer que l’identité sexuelle de l’individu serait une construction sociale, à la limite arbitraire. Le mâle c’est mal ? Les féministes contestent une domination masculine sur les femmes. Les homosexuels rejettent le schéma dominant hétérosexuel. Les études sur le genre sont nées dans ce double milieu, féministe et homosexuel, ce que personne ne conteste, même si ces études ont la prétention aujourd’hui à une autonomie universitaire. Peut-on en débattre sans être enfermé dans des caricatures, par une simplification binaire, pour ou contre, remplaçant un minimum de réflexion ?

Commençons par les possibles points d’accord avec les tenants d’une dissociation entre le sexe biologique et le sexe culturel. Oui, il faut condamner la domination des hommes sur les femmes. Le livre de la Genèse ne dit pas autre chose lorsqu’il inscrit cette domination comme le fruit du péché originel. Lutter contre cette domination masculine c’est lutter contre une faute sociale. Oui, l’orientation sexuelle n’est pas que biologique, elle est aussi sociale et culturelle. La différence sexuelle, comme purement naturelle est une erreur. Oui, les homosexuels ont pu souffrir, hier comme aujourd’hui, de discrimination, de rejet à leur égard. Condamner cette violence et accueillir l’autre tel qu’il est une nécessité. Maintenant, lorsque tout cela est dit, il est nécessaire d’approfondir pour situer les possibles divergences. Pour simplifier il s’agit de savoir si la liberté est en situation, si l’égalité est sans la différence, si une paternité est vitale, si l’esprit est sans le corps, si la culture est sans la nature.

On prétend que l’orientation sexuelle pourrait être affaire de choix. Pourtant, beaucoup d’homosexuels se sentent tels sans savoir pourquoi. Leur liberté serait alors d’accepter une situation qu’ils n’ont pas choisie. Face à cette tension entre le choisi et le non choisi, les études sur le genre invoque un conditionnement social. Certes l’influence sociale existe, mais pourquoi ne pas intégrer aussi un conditionnement inconscient, voire physique dont on parle peu ?

D’une part, la personne homosexuelle serait à la recherche inconsciente du parent du même sexe. « Il n’est pas rare que l’absence d’un père fort favorise l’inversion. » (Sigmund Freud, Trois essais sur la théorie sexuelle, Folio, p. 52.)L’enfant n’aurait pas pu s’identifier à l’ascendant du même sexe, parce qu’il était absent, ou trop présent, ou sa relation à lui était difficile, ou son image dévalorisée par une relation conflictuelle des parents. La présence d’une mère fusionnelle, envahissante, fragile peut être déstabilisant. Mais par cette position, Freud est souvent discrédité dans les milieux féministes et homosexuels. Il ne serait qu’un suppôt du phallocratisme. D’autre part, un second conditionnement non social est souvent caché, les pesticides. S’il y a bien eu de l’homosexualité à la marge de toute société de tous les temps, une plus grande présence dans nos sociétés occidentales ne serait pas que le fruit d’un environnement post-moderne et post-chrétien. Les pesticides auraient le droit d’augmenter les cancers, mais le fait d’être des perturbateurs endocriniens ne serait pas politiquement correct. Sous l’influence de certains produits on a observé chez les animaux « des femelles qui se mettaient en couple et des mâles qui ne défendaient plus leur territoire. » (Marie-Monique Robin, Notre poison quotidien, Arte éditions, 2011, p. 334). Le processus conduisant à la féminisation ou à la masculinisation d’un individu pourrait être perturbé (Violaine de Montclos, « Le spermatozoïde, espèce menacé », in Le Point, 2063, 29 mars 2012).

Au-delà de ces conditions probables de notre liberté, la question est de savoir ce que nous entendons par liberté. Pour certains, il y aurait le phantasme d’une liberté toute puissante, où tout est possible, le mythe d’une liberté qui s’autofonde, qui arbitrairement décide des valeurs. Si je veux quand je veux. Mais la liberté absolue n’est-elle pas une tyrannie du désir et la loi une défense des plus faibles, particulièrement les enfants ? La liberté serait aussi consentir à l’origine que je n’ai pas choisi. Selon la philosophe Hannah Arendt, le monde moderne vit d’un ressentiment d’être né. Personne ne choisit ses parents. La liberté n’est pas l’illusion infantile d’une toute puissance prétendument infinie, mais recevoir, s’approprier et donner… ce qu’un cours sur la liberté pourrait expliciter.

Si les positions sociologiques du genre veulent discréditer Freud, c’est pour son interprétation psychologique de l’homosexualité. « La valeur accordée au choix narcissique et le maintien de la signification érotique de la zone anale paraissent constituer les caractères psychiques les plus essentiels. » (Sigmund Freud, Trois essais sur la théorie sexuelle, Folio, p. 52). Le mot hétérosexualité est un pléonasme, puisque hétéro signifie autre et sexe signifie différence, séparation. Ce terme est inventé comme pendant du mot homosexualité qui lui est un oxymore puisque il unit deux notions contradictoires, l’identique et le séparé. Pour Freud, l’homosexualité serait un désir narcissique, un réconfort en cherchant un même que soi. Et en ce sens il y aurait comme une indifférence à une certaine différence, une négation d’une altérité essentielle, altérité générationnelle et altérité sexuelle, qui à la différence des autres altérités touchent l’humanité dans son ensemble.

Que les personnes homosexuelles doivent être respectées pour ce qu’elles sont est une chose, que ce respect puisse passer par une égalité dans la parentalité par exemple en est une autre. Tout le monde est en faveur de l’égalité. Elle est un principe de la devise républicaine. Cependant selon la justice « distributive », l’égalité est proportionnelle. L’équité n’est pas l’égalité stricte. Les impôts sont en proportion des revenus. Pour être juste, la fiscalité discrimine les contribuables par leurs rémunérations. Les peines sont proportionnelles aux fautes. La justice discrimine les criminels. Si l’impôt était le même pour tous, si le temps de prison était le même quel que soit l’infraction, ce serait injuste. La discrimination, la distinction est nécessaire à la justice. Si toutes les différences sont à égalité, toutes les différences se valent. Si tout se vaut, rien ne vaut. Va-t-on dire que l’anthropophagie est une nutrition comme une autre ? Si on ne peut plus faire aucune distinction, pourquoi ne pas autoriser la polygamie, le mariage entre frère et sœur ? L’égalité stricte pour des réalités hétérogènes est injuste. L’hétérosexualité est différente de l’homosexualité. Dire cela n’est pas injuste. Le refus de l’homoparentalité n’est injuste que si l’on considère que l’homosexualité n’est pas différente de l’hétérosexualité.

Or la complémentarité des sexes est un fondement essentiel du lien social, ce que ne voient pas les études sur le genre. « Du point de vue de l’enfant, être né d’une relation, d’une union dans la dualité, d’une rencontre est constitutif de sa propre identité, de sa conscience de soi comme tiers, comme lui-même différent, comme autre, c’est-à-dire comme sujet. » (Xavier Lacroix, La confusion des genres, Bayard, 205, p. 33). La différence des sexes est une première altérité. La différence des générations est une seconde altérité. Le temps introduit une différence. Etre plus jeune que ses parents est-ce discriminatoire ? Or cette double hétérogénéité structure l’individu dans son rapport à l’altérité, la supprimer est entrer dans l’indifférenciation, l’homogène, l’identique, le repli sur soi.

« Il est important que l’enfant se perçoive et s’éprouve comme né de deux corps différents. S’il se concevait comme issu du seul corps de sa mère, il aurait du mal à ne pas se concevoir comme le prolongement de celle-ci. Dès lors, au contraire, qu’il s’éprouve comme le fruit de l’union de deux corps, il se perçoit nécessairement comme différent, unique, nouveau. La clinique montre clairement les dégâts, chez telle enfant psychotique, du fait d’être dans l’impossibilité de s’imaginer issue du corps de son père. Elle se vit comme conçue à partir de rien. Il faut bien voir ce que peut signifier, de la part de la mère, le silence sur le rôle du père dans la conception. Ce silence peut être interprété comme la forme la plus quotidienne de l’inceste, c’est-à-dire comme une manière de sauvegarder la dyade mère-enfant. » (Xavier Lacroix, Passeurs de vie. Essai sur la paternité, Bayard, 2004, pp. 67-68.) Dans la mesure où les enfants, garçon ou fille s’attachent d’abord à la mère qui les a portés neuf mois, l’interdit de l’inceste passe par la présence séparatrice du père.

Ce serait discriminatoire de priver un enfant de son père ou de sa mère. « Un enfant élevé par une mère seule a six fois plus de risques de grandir dans la grande pauvreté, deux fois plus d’abandonner l’école, quatre fois plus de risques de tenter de se suicider, tandis que 80 % des adolescents hospitalisés en secteur psychiatrique et 70 % des jeunes en centre de redressement, ont été privés de la présence paternelle. » (Xavier Lacroix, L’avenir, c’est l’autre, p. 29. Selon Evelyne Sullerot (Le Grand remue-ménage, 1997) 50 % des adolescents toxicomanes appartiennent à des familles dissociées. Et pour M. Archambault, dans une enquête de L’Institut National d’Etudes Démographiques publiée le 2 mai 2002, le divorce des parents pénalise la scolarité des enfants.) Être orphelin n’est pas facile à vivre. Assumer la dissociation entre paternité sociale et paternité biologique ne va pas de soi. Au minimum l’orphelin veut connaître son origine biologique. C’est tellement vrai que de nombreux pays européens sont en train de lever le secret sur l’origine des enfants nés sous X. Et les enfants fruits d’une fécondation in vitro hétérologue commencent à demander la suppression de l’anonymat des dons de spermatozoïde et d’ovule. Mais défendre l’homoparentalité, c’est comme généraliser l’orphelinat. Distinguer la paternité sociale et la paternité biologique ce n’est pas les séparer. En plus de supprimer la différence des sexes (un père et une mère qui sont un homme et une femme) on fait comme si la différence des générations n’était rien (l’enfant vient et dépend historiquement de ses parents biologiques).
En un sens, le genre dissocie le corps et l’esprit. Il défend un dualisme. Comme chez Platon, cet idéalisme sépare l’esprit du corps. Une idée n’aurait pas de sexe, de chair. Le refus du corps passe par le refus de la pénétration génitale de l’homme et le rêve d’un utérus artificiel. Jusqu’à présent, tout homme est né du ventre d’une femme. Toute personne humaine est la rencontre d’un ovule féminin et d’un spermatozoïde masculin. Tout être humain est le fruit de la pénétration d’une gamète mâle dans une gamète femelle.

C’est un fait que dans la grande majorité des cas on reconnaît si une personne est une femme ou un homme. Sauf de rares exceptions, la plupart des gens se reconnaissent dès leur naissance comme homme ou femme. La première chose que l’on demande pour une naissance est de savoir si c’est une fille ou un garçon. L’enfant ne naît pas de manière neutre. Toutes les femmes sont nées d’un corps identique au sien. Tous les hommes sont nés d’un corps différent du sien. L’homoparentalité tente de nier l’engendrement dans sa dimension corporelle. « L’homme n’est ni ange ni bête, et le malheur veut que qui veut faire l’ange fait la bête » disait Pascal. (Cf. Bertrand Souchard, « La distinction du corps et de l’esprit est-elle rendue stérile par l’unité de la personne humaine ? » in Dieu et la science en questions, 2010, pp. 331-356).

Certes, la sexualité est une construction sociale et individuelle, mais n’est-elle que cela ? On commence par critiquer l’erreur du naturalisme qui réduit la sexualité à un déterminisme biologique pour affirmer un pur culturalisme. Mais le débat ne doit pas se réduire à une opposition binaire entre les deux erreurs du naturalisme et du culturalisme : chacun légitimant sa position par la caricature supposée de l’autre. Nous n’avons pas à choisir entre rien d’inné ou tout est inné.

Il est vrai qu’en un sens tout est culturel en l’homme. Il n’est pas possible de séparer les actes physiques et biologiques des actes spirituels. Prenons un acte physique, comme la marche, qui a d’abord pour signification concrète le besoin d’un déplacement, le changement d’un lieu à un autre. Eh bien, il est possible de reconnaître quelqu’un au son de ses pas ou à sa démarche. Et le dragueur roule des mécaniques, tandis que le top-modèle marche différemment quand elle défile ou quand elle se déplace dans son appartement. La péripatéticienne est une prostituée, tandis que le péripatéticien est un disciple d’Aristote, qui philosophe en marchant. Le vocabulaire est certes sexiste, mais les deux marchent en tournant autour selon l’étymologie grecque. Les marches sociales ont aussi leur spécificité. à la place du défilé militaire du 14 juillet, certains préfèrent battre le pavé dans les manifestations, tandis que d’autres font des pèlerinages. Bref toute marche physique est aussi culturelle. Mais la dimension culturelle n’annule pas la dimension physique de déplacement. Nous pourrions faire la même analyse pour la nutrition. Cf. Bertrand Souchard, 42 questions sur Dieu, 2007, « Se nourrir, un processus biologique et un acte culturel », pp. 258-261). Ajoutons que la nature n’est pas que biologique. Cette dimension culturelle est l’expression particulière d’une dimension universelle, des désirs naturels de l’esprit, du vrai, du bien, du beau. Le péripatéticien chemine vers la vérité. La péripatéticienne et ses clients sont des vagabonds de « l’amour ». Les militaires et les manifestants marchent chacun à leur manière pour plus de liberté et justice, tandis que les top-modèles défilent pour des concours de beauté. (Cf. Bertrand Souchard, « L’homme, un être culturel sans nature ? » in Dieu et la science en questions, 2010, pp. 357-370).

La sexualité est à la fois naturelle et culturelle, biologique et sociale. La distinction s’appuie sur une articulation. La différence des sexes et l’engendrement sont un appel à l’altérité, au don et à la communion. L’acte du don intègre dans la personne le donné naturel et le construit culturel.
Finalement, les études sur le genre qui soutiennent une dissociation entre le sexe biologique et le sexe social, les défenseurs de l’homoparentalité opèrent de nombreuses dissociations : dissociation entre la liberté et son conditionnement physique et psychique, dissociation entre le père et la mère, entre les parents biologiques et les enfants, dissociation entre le corps et l’esprit, entre la nature et la culture, dissociation de l’enfant avec sa propre histoire, de la sexualité et de la filiation. Ces dissociations, ces fractionnements de l’esprit lui-même, ou de l’esprit avec le réel s’appellent en grec schizophrénie.