Septième jour du synode : une nouvelle étape commence. - France Catholique
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La justice de Dieu
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Septième jour du synode : une nouvelle étape commence.

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Durant l’une des messes de ce dimanche à Saint-Pierre, un homéliste s’est aventuré en territoire disputé. Il a évoqué plusieurs passages de l’évangile du jour (Matthieu 22:1-14) – la parabole du roi qui invite de nombreuses personnes à un grand festin pour les noces de son fils et reçoit des réponses décevantes, véritablement insultantes. Après avoir réglé ses comptes et invité des étrangers, le roi en rejette finalement un qui n’a pas revêtu le vêtement de noce, ordonnant qu’il soit jeté dans les ténèbres extérieures, où il y aura des pleurs et des grincements de dents.

J’ai passé suffisamment de temps à Rome pour savoir que l’Eglise ne coordonne pas les choses à la manière dont la Maison Blanche mène une campagne. Mais pour quelqu’un suivant le synode sur la famille, cela pouvait sembler prémédité. Le prêtre en vint à dire que si vous avez péché et ne vous êtes pas confessé, vous ne pouvez pas communier : « l’enseignement n’a pas changé ». Mais nous devriez quand même venir à la messe, et plutôt que commettre un sacrilège, vous montrer respectueux du Saint Sacrement : vous asseoir quand les autres s’avancent pour le recevoir.

Il est utile parfois que la main droite ignore ce que fait la main gauche.

Rome est divine cette semaine, une température d’environ 26 degrés, et pas du tout humide ni étouffante comme vous pouvez l’avoir connue lors de vacances d’été. J’y étais l’an passé à peu près à la même époque pour enseigner à l’université du Latran et il il avait une pluie torrentielle chaque jour. Mais quels que soient les autres défis qu’affonte le synode, Rome n’offre que la plus séduisante part d’elle-même ces jours-ci.

Les Italiens ont une belle expression pour les ciels dégagés : sereno, serein. Et vous entendez souvent les fonctionnaires de l’Eglise recommander à quelqu’un d’être « serein ». J’ai longtemps pensé que c’était plus un vestige de l’époque des altesses sérénissimes plutôt qu’une position réellement philosophique. Et au moment où il fait son chemin jusqu’aux gens des relations publiques, il commence à devenir un demi mensonge -une mauvaise chose pour une Eglise qui a attiré de nombreux esprits supérieurs ces dernières années parce qu’ils la voyaient comme « une institution disant la vérité ».

Le pauvre père Frederico Lombardi, par exemple, le porte-parole du Vatican, a exposé ce qu’il appelle les principaux courants qui ont émergé et – comme un attaché de presse de la Maison Blanche sachant ses interlocuteurs au courant que les différents camps sont à couteaux tirés – a observé « nous devons résister à la tentation d’opposer ces deux pôles ; le synode fait son chemin et je trouve que tous les interventions ont été hautement appréciées. »

Etant donné ce que nous avons vu quand les « deux pôles » ont été présentés en public, c’est une façon inhabituelle d’estimer la situation. Mais les catholiques croient aux miracles et il est possible, j’imagine, que ce qui semblait être une dispute acerbe, même en présence de témoins, ait tourné en privé en une discussion respectueuse. Les lecteurs auront à juger par eux-mêmes.

Pour rester plus concret, aujourd’hui à midi (heure de Rome), le Vatican va rendre publique la « relatio », un résumé de la première semaine de travail du synode. Elle sera suivie d’une conférence de presse à 13 h. (Nous y serons et espérons pouvoir vous en faire un compte-rendu peu après l’événement. Revenez voir sur le site. Si pour une raison ou une autre ce n’est pas possible, nous le ferons dans l’article de demain.)

Bien sûr, il n’y a pas moyen de savoir exactement ce que la relatio va dire, ni si elle va guider le travail ultérieur du synode. Cette semaine, les participants sont supposés se réunir en petits groupes linguistiques, circuli minores comme on dit en latin. Un groupe d’anglophones a choisi le cardinal Burke comme chef – à la surprise de beaucoup qui connaissent son départ imminent de la Signature Apostolique.

D’après le peu d’information dont nous disposons, il semble que chaque groupe se verra assigner une tâche particulière et fera ensuite un compte-rendu à l’ensemble.

Mais juste avant le début du week-end, le pape François (qui nous a-t-on dit, était resté complètement silencieux depuis son allocution d’ouverture aux participants) a fait quelque chose de révélateur : il a nommé six cardinaux pour l’aider à préparer la relatio de ce lundi. Le cardinal Donald Wuerl en fait partie. John Thavis, un observateur fiable et de longue date du Vatican, a décrit ainsi ce groupe : « au risque de simplifier à l’extrême, ils semblent tous sur la longueur d’onde du pape en ce qui concerne le développement de la pastorale de la miséricorde. »

La pastorale de la miséricorde a étalé suffisamment d’ambivalence dans le synode ces jours derniers pour qu’il soit difficile de dire si cela signifie l’acceptation générale des divorcés remariés à la communion, l’option du cardinal Kasper, ou une rupture moins radicale avec la tradition. L’archevêque Joseph Kurtz de Louisville, président de la conférence des évêques des Etats-Unis, est généralement vu comme dans la ligne libérale du cardinal Bernadin. Mais il a déclaré vendredi dans un interview que les évêques américains dans leur ensemble étaient « prudents » quant à autoriser les divorcés remariés à communier.

A y bien penser, ce ne semble pas tout à fait surprenant, puisque nombre d’entre eux ont été nommés par Jean-Paul II et Benoît XVI. Mais nous verrons dans les deux prochaines années si cette optique l’emporte à Rome et en Amérique. L’Amérique est un peu aberrante dans ce domaine, parce que nous avons des tribunaux qui fonctionnent, pour la plus grande partie, selon le droit canon. Ce n’est pas le cas dans une bonne part du reste du monde. Et même si les Américains représentent un grand pourcentage des reconnaissances de nullité, ce peut être moins à cause d’un abus du procédé qu’en raison d’une réalité américaine : nous suivons plus les règles, séculières ou du droit canon, que beaucoup d’autre peuples.

Juste pour que nous ne voyions pas cela comme un match interne à l’Eglise, deux intellectuels de poids ont influé sur le projet de François en Italie ce week-end.

Dario Fo, un vieil anti-catholique notoire, auteur dramatique communiste, a félicité François pour son courage à tenter de changer l’institution – bien qu’il ne veuille toujours pas devenir catholique et que, comme nombre de personnages de l’intelligentsia italienne entichés de conspirationnisme, il craigne pour la vie de François et croient la mort de Jean-Paul I due à un meurtre, peut-être de la Mafia. (C’est l’Italie où la dietrologie -la logique de ce qui doit obligatoirement se trouver derrière les apparences – porte un nom). Savoir si être admiré par un personnage déplaisant comme Fo est positif ou négatif pour un pape, c’est difficile à dire – mais c’est ainsi.

Par opposition, Mario Vargas Llosa ( le prix Nobel de littérature légèrement plus centre droit) a félicité le pape et voit les valeurs de l’Occident chrétien comme un rempart contre le totalitarisme et le fondamentalisme islamique. Nos élites sont corrompues et cupides, dit-il, et c’est pour cela que l’Occident est faible face à ses ennemis. Mais pas François – même s’il devrait laisser les questions économiques aux gens qui s’y connaissent.

Pensez à revenir voir plus tard s’il y a des nouvelles de la relatio papale et de la nouvelle étape de travail.

De Rome, en Italie, le 13 octobre.


Robert Royal est rédacteur en chef de The Catholic Thing.

illustration : le père Lombardi

Source : http://www.thecatholicthing.org/synod_report/synod_report/synod-day-7–a-new-phase-begins.html