La communauté des Pallottins œuvre depuis 35 ans dans l’une des régions du globe les plus touchées par les conflits de toutes sortes (ethniques, territoriaux). Une expérience sur ces terres qui « témoigne de l’urgence de la formation des futurs prêtres et des ouvriers apostoliques autochtones. » Une formation jugée plus que prioritaire pour les prêtres de cette communauté fondée à Rome en 1835 par Saint-Vincent Pallotti, d’où leur surnom de « Pallottin » (de son véritable nom : la Société de l’Apostolat Catholique). La congrégation, qui compte actuellement environ 2280 membres, est présente en Europe, en Amérique du Sud, en Australie, en Inde, en Océanie et en Afrique.
Au cœur des Grands Lacs, au Rwanda, la communauté œuvre dans six paroisses de quatre diocèses. Elle assure également le service dans deux centres spirituels très importants, l’un dédié à Jésus Miséricordieux et l’autre à Marie, dans le village de Kibeho. De plus, elle est actuellement responsable de la formation d’une cinquantaine de séminaristes. Comme partout sur le continent africain, les vocations sacerdotales fleurissent. Assurer la formation de tous est un défi de chaque jour, surtout dans cette région.
Car tant au Rwanda qu’en République Démocratique du Congo (RDC), la population vit encore les contrecoups des guerres ethniques ou territoriales. Les jeunes hommes qui se présentent pour entreprendre une formation sacerdotale proviennent de familles appauvries par des années de conflit et d’insécurité. « Et vu la pauvreté galopante que nos pays de mission traversent », indique un père dans une lettre envoyée à l’Aide à l’Église en Détresse (AED), ce « serait comme exiger l’impossible si nous comptions sur la contribution des familles naturelles de nos séminaristes pour la prise en charge du coût de leur formation ».
À Montréal au Québec, des séminaristes ont décidé de poser un geste de partage dans le cadre du carême 2009. Un geste très beau certes, mais qui questionne dans un pays où les vocations sacerdotales se font rares et que l’Église est en pleine gestion de la décroissance. Ne sommes-nous pas, nous aussi, en situation de détresse?
« Est-ce qu’on peut vraiment parler de détresse pour nous en Amérique du Nord? » répond le père Robert Gauthier, p.s.s., professeur, directeur et conseiller du groupe vie intermédiaire, c’est-à-dire, les séminaristes qui ont complété jusqu’à trois ans d’étude. Pour ici, il préfère plutôt parler de « deux sources d’inquiétudes : la première c’est la baisse sérieuse des vocations à la prêtrise; et deuxièmement, c’est la diminution des revenus. » En effet, le budget annuel d’opération du Grand Séminaire a un déficit « énorme ». De plus, le Québec ne fait pas figure d’exception en occident : les vocations sacerdotales y sont en chute libre. Moins de séminaristes, donc, moins de revenus pour la formation.
« Mais je pense que ça ne nous empêche pas d’être sensibles à ce qui peut se passer à l’extérieur », souligne tout de même le père Gauthier. D’ailleurs, la dizaine d’aspirants à la prêtrise qu’il accompagne ont pu voir de leurs yeux la situation difficile de leurs confrères chinois, grâce à la présentation d’un documentaire produit en 2008 pour l’AED. Ils ont été « impressionnés » par leurs confrères de l’Église clandestine qui se lèvent à 4 heures du matin, changent régulièrement d’appartements pour ne pas être repérés et sont formés dans le plus strict secret, loin du regard de l’Association patriotique, entité officielle du parti communiste encadrant la pratique religieuse catholique. Un visionnement qui a confirmé le bien-fondé de la démarche entreprise en début de carême pour venir en aide à leurs confrères de pays où sévit la persécution ou la grande pauvreté.
Ainsi, fidèle au récent message de Benoît XVI pour le carême rappelant les pratiques bibliques du jeûne, de la prière et de l’aumône, mais pas l’une sans l’autre, le père Gauthier indique que ces pratiques se font cette année en communion avec « les frères séminaristes et les frères formateurs » des pays en développement et des anciens pays du bloc communiste. Comment?
« On a décidé de joindre l’utile à l’agréable. On s’est suggéré d’avoir un repas qu’on a qualifié de maigre plutôt que de jeûne, on a diminué les quantités, et diminuant les quantités une fois par semaine, il y a une économie des coûts », souligne le père Gauthier. « Avec l’économie qui est faite, admettons 50$ ou 75$ par semaine, multipliée par 6 (le nombre de semaines de carême), ça peut faire un chèque d’environ 300$ à 400$, qu’on peut envoyer par l’intermédiaire de l’Aide à l’Église en Détresse », indique-t-il.
« Je pense que les séminaristes réalisent qu’il y a des séminaires qui ont autant d’exigences, que ce soit au plan intellectuel, que ce soit au plan pastoral, que ce soit au plan humain, mais dont les moyens pour assurer la subsistance sont pas mal plus humbles et pas mal plus limités que les nôtres », indique encore le directeur.
Une prise de conscience qu’il qualifie de « salutaire » pour des séminaristes « qui sont en occident et qui ont tout ce qu’il faut ». Un carême qui permet de réaliser « qu’il y a d’autres frères qui cheminent vers le même ministère mais qui ont des épreuves », estime le père Gauthier. « Ça peut même conduire à une joie. C’est-à-dire, on fait un tout petit effort, mais ce petit effort rejailli en vie nouvelle, en charité pour des frères qui se destinent vers le même ministère mais qui ont besoin de notre aide. »
En juin l’an dernier, le soutien financier de l’AED a permis d’éviter la fermeture du séminaire de Makurdi au centre du Nigeria, durement touché par la crise de la vie chère qui a touché les pays en développement, suite à la hausse du prix du pétrole. La situation demeure d’ailleurs toujours précaire. En 2008, un séminariste sur six dans le monde a été soutenu par l’AED, ce qui représente environ 14 500 d’entre eux.
La vocation sacerdotale représente encore aujourd’hui un défi original au cœur de ce monde industrialisé qui désire ardemment être aimé, pour être de nouveau humanisé. Être prêtre demande de grandes exigences morales, bien sûr. Par contre, c’est la présentation par le prêtre d’un Dieu rempli de miséricorde que les fidèles attendent toujours impatiemment. D’où une nécessaire formation humaine et spirituelle qui doit être de très grande qualité, et doit contenir en elle tous les dons de l’Évangile : joie, compassion, pardon, amour fraternel. D’où le soutien nécessaire que priorise l’AED sur tous les continents.