Seconde Lettre de Pierre : de la périphérie vers le centre - France Catholique
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« Ô Marie conçue sans péché »
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Seconde Lettre de Pierre : de la périphérie vers le centre

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Le lectionnaire nous a récemment offert deux passages de la Seconde Lettre de Pierre – certainement l’un des livres les moins connus du Nouveau Testament. De vrai, il semble avoir intégré tardivement le canon du Nouveau Testament, et de justesse. Certains érudits crédibles le datent aussi tard que l’année 130 de notre ère, bien que d’autres le situent vers la fin du premier siècle. Donc, aussi bien en terme d’histoire, d’usage dans le lectionnaire et d’impact sur le clergé et les laïcs, il semble décidément périphérique.

Ce qui est regrettable – spécialement de nos jours. Car je suis convaincu que nous avons d’urgence besoin d’écouter son message. Qui est ? Il est heureux que vous le demandiez !

La Seconde Lettre de Pierre se présente comme le témoignage de l’apôtre Pierre aux communautés menacées par de « faux enseignants » qui font circuler « des hérésies destructrices » allant jusqu’à « renier le Maître qui les a rachetés » (2 Pierre 2:1). L’auteur est particulièrement préoccupé de leur négation du cœur eschatologique du message chrétien. Jésus-Christ reviendra comme Seigneur et Juge des vivants et des morts.

En outre, cette négation a des conséquences actuelles. Une conviction essentielle de l’auteur est que le comportement dérive de la doctrine. Changez la doctrine et des comportements entêtés, tant adultères que avides, s’ensuivront.

Par conséquence, le mot « rappelez-vous » sert de leitmotiv dans cette lettre. L’auteur, parlant au nom de la tradition pétrinienne, incite ardemment à se rappeler la vraie doctrine, reçue des Apôtres, le juste chemin de vie dans l’attente de la parousie, de la venue du Seigneur. Son retard apparent est dû à la patience et à la miséricorde de Dieu, non en raison d’un changement dans le plan salvateur et la promesse divine (3:9).

La profonde christologie de la Seconde Lettre de Pierre est remarquable et trop peu appréciée. La salutation d’ouverture unit « Simon Pierre, esclave et apôtre de Jésus-Christ » avec tous ceux qui partagent la foi « dans la rectitude de notre Dieu et Sauveur Jésus-Christ » (1:1) – l’un des rares passages du Nouveau Testament qui désignent explicitement Jésus comme « Dieu ».

Aucun doute, l’objet de l’enseignement de la lettre est d’affirmer la certitude de la venue eschatologique du Seigneur et du jour décisif du jugement universel. Comme chacun le sait, la Seconde Lettre de Pierre annonce la transformation de toute la réalité créée et la promesse « d’un ciel nouveau et d’une terre nouvelle où habitera la justice » (3:13)

Pourtant, une lecture attentive révèle également des indices d’une « eschatologie réalisée ». Pas seulement celle encore à venir mais celle déjà présente. Le mot grec ‘parousia’ (parousie) suggère à la fois la présence et la venue. Celui qui vient est également Celui qui est réellement présent parmi les fidèles, la source de leur vie et de leur espérance.

A cet égard, il vaut la peine de noter que la Seconde Lettre de Pierre fait mémoire de la Transfiguration du Seigneur – la seule référence explicite, à l’exception des évangiles synoptiques. Il écrit : « nous n’avons pas imaginé des fables habilement concoctées quand nous vous avons fait connaître la puissance et la parousie de notre Seigneur Jésus-Christ. Car nous étions avec Lui sur la montagne quand Il a reçu honneur et gloire de Dieu le Père, et nous avons entendu la voix venue du ciel ; ‘celui-ci est mon Fils, le Bien-Aimé, en qui je me réjouis’. » (1:16-18)

La Transfiguration témoigne de la présence puissante du Seigneur, préfiguration et gage de l’épiphanie finale du Christ.

Ce qui était en jeu dans la Seconde Lettre de Pierre n’était rien moins que la croyance principale du christianisme. Pierre se préoccupe d’eschatologie parce que l’Evangile proclame que Jésus-Christ est Lui-même le ‘eschatos’ : la Parole définitive de Dieu, la présence révélatrice de Dieu parmi nous. Cette présence sera pleinement accomplie à la fin des temps, mais elle est déjà opérante dans ces présents jours de grâce. Dieu n’a pas d’autre Parole de grâce et de jugement que Son Fils Bien-Aimé.

Pour le Nouveau Testament, Jésus-Christ est le nouveau paradigme de l’humanité, qu’Il soit reconnu comme « Fils de l’Homme », « nouvel Adam » ou « Verbe fait chair ». La Seconde Lettre de Pierre a finalement été acceptée dans le canon parce qu’elle correspond à cette mesure christologique.

D’un bout à l’autre, la Lettre exhorte ses lecteurs à « la connaissance du Seigneur ». Une telle connaissance et le mode de vie qu’elle inspire guident les croyants pour « devenir participants à la nature divine » (1:4). Cette affirmation audacieuse, si fondamentale dans la spiritualité orthodoxe de ‘theosis’, ou divinisation, a corrompu la Seconde Lettre de Pierre aux yeux des exégètes et théologiens protestants libéraux.

Car malgré l’insistance de la lettre sur « une vie sainte » (3:11), le prophète de la Transfiguration est davantage mystique que moraliste. Bien sûr, vivre saintement est important ; mais c’est toujours vivre selon le dessein du Très-Haut.

Vers la fin de la Lettre, l’auteur parle de « attendre et hâter la parousie du jour du Seigneur » (3:12). Ce n’est pas une attente passive. On pourrait alors demander : « comment quelqu’un peut-il hâter la venue du Seigneur , » Et la réponse semble être : « en grandissant dans la grâce et la connaissance de notre Seigneur et Sauveur, Jésus-Christ » (3:18). Pour l’auteur de la Lettre, la divinisation est la christification.

Le don de vie de Jésus-Christ venant dans notre présent et notre conformité croissante avec Lui présage et prépare sa future ‘parousia’. Il débute la création nouvelle maintenant.

Jean Calvin émettait des réserves quant à l’attribution de la Lettre à l’apôtre Pierre. Cependant il s’exclamait : « je redoute de la rejeter ». Nous aussi, nous devrions craindre de la rejeter. Bien plutôt, nous devrions nous donner beaucoup de peine pour ne pas la reléguer à la périphérie de notre discernement spirituel. Elle représente un témoignage sans prix envers le centre christique de notre foi.

Robert P. Imbelli est un prêtre de l’archidiocèse de New-York. Il est professeur émérite de théologie à Boston College.

Illustration : « Saint Pierre prêchant à Jérusalem » par Charles Poërson, 1642 [musée d’art du comté de Los Angeles]

Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/06/10/second-peter-from-periphery-to-center/