Aujourd’hui, c’est le 450e anniversaire de la mort de saint Pie V à Rome le 1 mai 1572, six mois après la grande victoire des forces chrétiennes sur les turcs à Lépante. Au centre des préoccupations de Pie V pendant les derniers mois de sa vie, il y eut la défense du christianisme contre l’Islam. Lépante ne fut pas pour lui une fin, mais le commencement d’une reconquête possible de l’orient chrétien.
Il a voulu immortaliser la grande bataille navale au Vatican, dans la Sala Regia, où les souverains et les ambassadeurs sont reçus, et confia le travail au grand Giorgio Vasari. Sur le mur ouest de la Sala Regia dans l’espace entre la porte qui conduit à la chapelle Sixtine et celle qui ouvre sur la Sala Regia, Vasari a peint la phase préparatoire de la bataille de Lépante. Sur le même mur, entre la porte qui conduit à la sacristie pontificale et celle qui conduit à la Sala Regia, le peintre a peint la rencontre entre les flottes chrétienne et ottomane. On montre aussi la bataille se déroulant au ciel, avec le Christ muni d’un éclair, suivi de Saint Pierre et Saint Paul.
Vers la fin de l’année 1571, la maladie chronique de la vessie et des reins qui affligeait Pie V s’est intensifiée. Au milieu de Mars 1572, la souffrance est devenue torturante, mais le pape préféra souffrir davantage, plutôt que d’être opéré.
C’est pendant ces jours là que le Seigneur lui révéla le jour et l’heure de sa mort. De violentes douleurs le tourmentaient, mais le pape voulait endurer ces souffrances pour accroître les mérites de sa patience. On l’entendait souvent soupirer, gisant prostré devant son Jésus crucifié, l’embrassant et le regardant avec amour, et lui disant : « Seigneur, augmente mes souffrances si tu le veux, mais augmente aussi ma patience. »
L’historien Ludwig von Pastor se souvient que, en plus de ses souffrances physiques, Pie V a subi de grandes souffrances spirituelles, due par-dessus tout au comportement des puissances catholiques, qui n’avaient pas accepté son exhortation à s’unir une fois de plus contre les turcs. Pie V avait espéré voir de son vivant la destruction de l’empire ottoman, mais maintenant, au travers des mystérieux desseins de Dieu, il voyait l’heure du triomphe s’éloigner alors qu’il avait cru qu’elle s’approchait.
En dépit de ses souffrances, le 21 avril, avec un dernier sursaut de ses forces, le Saint Père fit savoir son désir de rendre visite aux sept basiliques de Rome. En vain, les cardinaux, les médecins, les membres de sa famille essayèrent de l’en dissuader. Il sortit à pied, soutenu par deux serviteurs, si pâle et faible que le prince Marco Colonna, le rencontrant dans la rue, le supplia de retourne au Vatican sur une litière. Pie refusa poliment et continua sa marche. Quand il arriva à la Scala Santa (près de la basilique Saint Jean de Latran), il baisa la dernière marche trois fois.
Afin de mourir comme un simple religieux, il revêtit l’habit de Saint Dominique, et demanda à l’évêque Giuseppe Pamfili, sacristain de la basilique Saint Pierre, de lui administrer l’extrême onction.
Aux autres prélats qui l’assistaient, Pie V dit :
« Mes fils bien aimés, l’heure est venue de payer ma dette finale à la nature en tant qu’homme, au moyen de la mort, pour que ma chair retourne à la poussière de laquelle il fut formé, et que mon âme retourne à Dieu qui l’a créée. Si vous avez aimé ma vie mortelle, pleine d’un nombre infini de misères, vous devriez aimer encore plus la vie immuable et bienheureuse que la miséricorde de Dieu, je l’espère, m’accordera bientôt au ciel, parmi les anges et les saints. »
Mais même en ces heures finales, il n’oublia pas ce qui menaçait la chrétienté, et l’avenir de l’Église.
Vous savez avec quel zèle j’ai œuvré pour l’heureux succès des armadas chrétiennes mises en branle par la victoire de Lépante… mais mes péchés ne m’ont pas rendu digne de voir ce triomphe, et me privent de la grande consolation que j’aurais éprouvée à voir la religion restaurée en ces lieux d’où elle a été bannie. Humblement, j’adore les jugements divins et j’accepte la volonté du Seigneur. Toutefois, je vous recommande la sainte Eglise que j’ai tant aimée. Faites de votre mieux pour élire après moi un successeur zélé, qui ne cherchera que la gloire du Sauveur et qui n’aura pas d’autre désir que le bien de l’Église et l’honneur du Siège apostolique.
Sur son lit de mort, jetant un dernier regard vers l’Église de la terre qu’il quittait pour l’Église du Ciel, il récita d’une voix tremblante le verset d’un des hymnes du temps pascal : « Créateur des hommes, permets que pendant ces jours pleins de la joie pascale, tu puisses préserver ton peuple de tous les assauts de la mort. » Finalement, il étendit les mains en formant une croix, et, dans un dernier souffle, rendit doucement son âme au Créateur.
C’était le soir du premier mai 1572. Pie V avait atteint l’âge de soixante huit ans et avait occupé la chaire de Saint Pierre pendant six ans, sept mois et vingt trois jours. Ce même jour, Thérèse d’Avila eut une vision du pape, qui, du haut du ciel, l’encourageait à continuer son œuvre, lui promettant qu’il l’assisterait.
Pie V fut béatifié par Clément X le 1 mai 1672, et canonisé par Clément XI le 22 mai 1712. Aujourd’hui, ses restes reposent dans la chapelle Sixtine de Saint Marie Majeure. Dans cette chapelle, une messe solennelle à sa mémoire fut célébrée hier par Monseigneur Marco Agostini, dans l’ancien rite romain qu’il avait restauré par la bulle Quo primum du 14 juillet 1570.