La victoire de Scott Walker cette semaine dans la lutte pour demeurer gouverneur du Wisconsin a remonté le moral des Républicains et autres conservateurs. [Scott Walker avait été mis au défi (référendum d’initiative populaire) par une coalition Parti démocrate – Syndicats suite à ses décisions de faire rentrer dans le rang les syndicats de fonctionnaires de l’État qui tentaient d’en infléchir illégalement la politique — avec le soutien de Barack Hussein Obama]. Les catholiques conservateurs se sont réjouis récemment des sondages montrant qu’une majorité d’Américains se disent désormais « pro-vie ». La Cour suprême pourrait prochainement retoquer partiellement ou totalement le projet du président Obama de sécurité sociale comportant des clauses anti-catholiques.
Après tout, tout n’est peut-être pas désespéré dans la vie politique et spirituelle de notre République. Mais les véritables soucis parmi les catholiques — et parmi tous ceux qui prennent au sérieux les questions de conscience — sont plus sérieux qu’un résultat de vote ou qu’un sondage.
On peut penser qu’une nation qui saute de Bush à Obama, qui rejette un parti en 2008 pour le remettre en selle en 2010 [le Parti républicain est redevenu majoritaire au Congrès après les élections de mi-mandat en 2010] arrive à se redresser avec le temps. C’est ce qu’on dit des Démocraties, particulièrement aux États-Unis. On peut aussi croire que les opinions se faufilent entre les contraintes du moment, mal informées des principes qui guident ses politiciens.
Ainsi, la question reste posée après que la « Une » des journaux de cette semaine ait remplacé celle de la semaine dernière. Jusqu’où les gens de bonne foi iront-ils avant de songer à refuser leur participation aux institutions politiques de la nation ?
Plusieurs articles sur ce site ont posé la question. Deux articles ont spécialement tapé du poing sur la table: du Père James Schall « Politique : vers la démission ? » (22/02/2012) et de Robert Royal, « Une question qu’on ne peut évacuer » (03/04/2012).
Dans ce dernier article, Robert Royal cite le célèbre professeur de Princeton Robert George, qui écrivait voici soixante ans : « Les hommes de bonne volonté — quelle que soit leur foi religieuse — qui sont disposés à écouter l’enseignement de « Evangelium Vitae » ne peuvent s’empêcher, sobrement et les yeux grands ouverts, de se demander si notre régime est en train de devenir un « État tyran démocratique » contre lequel il nous met en garde.»
Ces articles, tous deux inspirés par l’obligation de « Obama Care » de couvrir le contrôle des naissances et le viol par ce texte des fondements de la liberté de religion, ont rouvert le débat, vieux comme la notion de gouvernement proprement dite: « quand participer aux institutions politiques, et quand s’abstenir ? »
C’est bien plus qu’une polémique sur le projet du président Obama, aussi important ou éphémère soit-il, bien plus que les hauts et bas dans les hypothèses sur ce qu’aurait été en ce cas un projet du président Reagan, ou sur ce qui en découlerait.
C’est un débat sur l’attitude convenant à ceux qui n’ont jamais cru qu’une personne dont la conscience est guidée par l’enseignement de l’Église catholique (ou d’obédiences protestantes solides, ou orthodoxes, ou juives) et citoyen américain loyal s’opposerait, et que le conflit serait imminent.
Plusieurs commentateurs de l’article du Père Shall sur la « Démission politique » ont plaidé contre l’abandon du combat. Un oubli : la question n’est pas de combattre ou non pour la vérité, mais de combattre de la meilleure manière. Nos institutions ont-elles tant perdu de légitimité, se sont-elles tant éloignées du projet des Pères fondateurs, qu’il soit impossible de les soutenir en toute bonne foi ?
S’il en est ainsi, participer à de telles institutions ne ferait que prolonger l’injustice en prolongeant un système incorrigible. Mais si, en y participant, on peut redresser la barre et revenir vers plus de justice, alors, c’est notre devoir.
La décision d’adopter l’une de ces deux attitudes ne dépend pas de l’ambiance politique du jour. Elle dépend d’une analyse fine, existe-t-il encore aux États-Unis un consensus moral sur les questions fondamentales telles que la nature de la personne humaine, le rôle de l’état et les risques qui en résultent, et l’équilibre entre droits et devoirs? Un tel consensus est indispensable en vue de prudentes décisions politiques moralement acceptables.
Le retrait de la politique au sens de cet article ne signifierait pas un exil au désert. Il ne signifierait pas non plus « laisser tomber », ou se taire. Ce serait identifier certaines circonstances appelant certaines réponses (d’importance variable selon les individus) — un repli tactique, mais pas une reddition.
La question n’est pas nouvelle dans l’Histoire du christianisme, ni dans l’Histoire tout court. Le Christ a appelé Matthieu à laisser tomber la Recette des impôts et à Le suivre (je suis toujours frappé en pensant que la cathédrale de Washington est dédiée à Saint Matthieu).
Les chrétiens ont subi les persécutions de Rome. Saint Augustin a abandonné sa carrière politique lors de sa conversion. Bœthius, Saint Thomas More, se sont posé la question; la réponse leur a été apportée par le bourreau. Les exemples foisonnent en tous temps et en tous lieux, et non seulement pour les chrétiens, mais pour tous ceux qui furent confrontés à des gouvernements puissants et injustes (y-compris des gouvernements parfois et en certains pays soutenus par les autorités religieuses).
Au cours des dernières décennies l’Église a encouragé la participation à la vie politique, et le catéchisme situe bien la légitimité du pouvoir temporel. Mais elle souligne d’importantes conditions et mises en garde. Dans l’immédiat, voici l’avertissement le plus approprié: «les régimes dont la nature est contraire à la loi naturelle, à l’ordre public, et aux droits fondamentaux des personnes ne peuvent servir au bien des nations sur lesquelles ils ont été instaurés. »
Le Catéchisme poursuit en citant Thomas d’Aquin:
« Une loi humaine est une loi dans la mesure où elle est en accord avec la juste raison, et donc dépend de la loi éternelle. Pour peu qu’elle dérive de la juste raison, on en dira que c’est une loi injuste, qui n’a pas le caractère d’une loi naturelle, mais d’une sorte de violence.»
J’ai toujours été partisan de servir nos institutions gouvernementales ne serait-ce que parce que, lorsque les bons s’en vont, les mauvais s’emparent du pouvoir. Mais la question est plus aiguë que jamais dans l’Histoire Américaine. Les sondages de cette semaine n’y répondront pas.
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Joseph R. Wood ancien attaché à la Maison Blanche (Service Étranger), a travaillé en particulier en liaison avec le Vatican.
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Photo : Jean-Paul II et Ronald Reagan
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Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/political-withdrawal-reconsidered.html
Pour aller plus loin :
- La paternité-maternité spirituelle en vie monastique est-elle menacée en Occident ?
- Affaire Ulrich KOCH contre Allemagne : la Cour franchit une nouvelle étape dans la création d’un droit individuel au suicide assisté.
- Vieillir et se retirer.
- Syndicalisme et catholicisme
- Retour sur 1984 : l'archevêque O'Connor contre le gouverneur Cuomo.