L’année écoulée a vu passer bon nombre de campagnes de presse à propos d’écoles catholiques ayant licencié des professeurs, enseignantes célibataires enceintes ou professeurs gays. Je m’abstiens de tout commentaire sur ces affaires.
En fait, le problème des commentaires sur ce genre d’affaires est dû à un manque d’informations susceptibles d’apporter un éclairage raisonnable. Tout comme les affaires difficiles engendrent de mauvaises lois, la connaissance insuffisante des détails empêche d’émettre un avis sensé. De sages jugements ont besoin d’une meilleure connaissance du contexte que ce qu’on peut retenir des informations publiées.
Par exemple, il faudrait savoir (ce qu’on ignore généralement) si l’enseignante enceinte célibataire en question avait une attitude fermement hostile à l’enseignement de l’Église. Une femme enceinte célibataire (enseignante ou étudiante) pourrait bien, dans certains cas, être source de bonnes leçons pour la communauté. Et en de tels cas, les sentences devraient tenir compte du risque couru par les écoles catholiques soutenant les forces du mal qui pousseraient des mères célibataires vers l’avortement.
J’ai eu connaissance de trop nombreux cas de jeunes filles de familles catholiques, pieuses, conservatrices, choisissant d’avorter simplement pour éviter la trop grande honte d’avouer la vérité à leurs parents. Bien souvent, des parents ou membres de la famille en façade « bons » catholiques regardaient ailleurs quand un soupçon d’avortement venait à l’horizon. « Problème » résolu, scandale évité. Pas besoin de se présenter devant la communauté paroissiale en parents ayant élevé une fille enceinte hors mariage.
Quant aux catholiques, parents de garçons ayant engrossé des filles, pas besoin seulement d’en parler. Réponse simple: on le garde à l’école, et on fait comme si de rien n’était, on n’est pas responsable.
Pour ces raisons, et pour bien d’autres, mettre à la porte de l’école une femme enceinte, enseignante ou étudiante, me semble une très mauvaise idée.
Pourtant, si j’étais un père peu fortuné essayant d’aider mes enfants à sortir de la pauvreté dans l’espoir d’un meilleur avenir, j’imagine que je ne me sentirais pas très à l’aise en envoyant ma fille dans une école où des douzaines de filles ont été enceintes hors mariage et où, pour diverses raisons, la grossesse dans le célibat est devenue « socialement acceptable » — une espèce d’initiation. Premier baiser, premier rendez-vous, premier bal, et désormais, premier bébé hors mariage. Ceci pose problème. Mais problème aussi pour une école rejetant les filles tombant enceintes sans tenter d’impliquer les jeunes garçons face à leur responsabilité. Le contexte de prise de telles décisions est crucial.
Dans le même ordre d’idées, considérer une personne vivant chastement contre ses désirs de même sexe, enseignant dans un établissement catholique, n’a rien de commun avec l’attitude qu’on peut avoir envers une personne désobéissant ouvertement aux règles de l’Église.
Mais là encore, c’est valable pour tous au sein d’une école catholique. Une école catholique qui liceneierait un homosexuel chaste fidèle à l’enseignement de l’Église, ou une femme célibataire enceinte, mais ne réagirait pas à des propos hostiles au Magistère tenus sans cesse par une nonne ferait preuve d’une grave mauvaise foi. Une grossesse hors mariage, ou l’aveu de désirs homosexuels sont-ils le seul motif pour licencier un enseignant? Si oui, il y a un problème.
Il ne serait pas plus anormal qu’une personne aux penchants homosexuels menant une existence de lutte dans la fidélité au Magistère de l’Église enseigne dans un établissement catholique qu’une personne se débattant pour rester fidèle à l’enseignement de l’Église cotre les tentations de pornographie, de luxure, d’avarice, de colère, ou tous autres penchants, vices et péchés. Si les établissements catholiques ne pouvaient engager que du personnel sans péché, les écoles seraient vides, et je serais au chômage.
Je connais plusieurs personnes, hommes et femmes, très directs à propos de leurs penchants homosexuels, ayant décrit avec éloquence leur vie de fidélité à l’enseignement de l’Église. L’un d’eux est marié, il a une épouse et trois enfants magnifiques. Je serais fier de compter l’un d’eux parmi mes collègues dans mon Université catholique. En fait, n’importe lequel vaudrait mieux que certains collègues qui cochent la case « Catholique » mais exècrent l’enseignement du Magistère avec la hargne d’un sale gosse qui déteste ses parents. L’engagement en Université catholique de tels personnages est pour moi un vrai mystère.
Les établissements d’enseignement devraient s’inquiéter moins des candidats se disant « catholiques » et bien plus de ce qu’on entend par « apte à la fonction » : ceux qui adhèrent honnêtement et consciencieusement à la mission de l’établissement. Quant au licenciement de personnes simplement susceptibles de « faire scandale » (véritable voie ouverte à l’hypocrisie), rappelons-nous qu’actuellement le simple fait d’être catholique est assez scandaleux [aux USA]. Selon les mœurs en vigueur, une école authentiquement catholique n’est tout simplement qu’un scandale. Il en a souvent été ainsi au cours des âges.
Dans la plupart de ces conflits il faut faire la part des choses. Certains « bons » objectifs doivent être poursuivis, certains « défauts » doivent être évités. Quand des affaires paraissent dans le grand spectacle des grands médias, on se précipite trop fréquemment pour porter des jugements, un camp condamnant les dirigeants des écoles en tant que bigots pleins de hargne, l’autre camp volant au secours de l’école comme pour défendre notre Mère l’Église.
Saint Paul nous met en garde, rester actifs sans s’agiter. Il condamne ceux qui, inactifs, vont de porte en porte répandre des commérages et de l’agitation, tout en prétendant qu’il ne faudrait pas.
Les médias font leurs affaires en agitant les polémiques. Patience et prudence, frères catholiques. Nous devons protéger nos brebis sans nous joindre aux loups hurlant de l’autre côté de la clôture.
– 3 janvier 2015.
Source : Of Scandal and Catholic Schools
Tableau : Jeunesse, par William-Adolphe Bouguereau – 1893.
Pour aller plus loin :
- Sauver les écoles catholiques
- La paternité-maternité spirituelle en vie monastique est-elle menacée en Occident ?
- Tronc Commun : pas pour les écoles catholiques
- Les écoles catholiques et la révolution woke
- Communiqué de presse sur les déclarations du ministre Jean-Michel Blanquer sur les écoles indépendantes