« Savoir(-)Faire du lien » avec Dieu - France Catholique
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Marie dans le plan de Dieu
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« Savoir(-)Faire du lien » avec Dieu

Bruno de Maistre a choisi le métier d’ébéniste d’art après une carrière dans la publicité. Dans son atelier d’Auffargis, près de Rambouillet, il a notamment créé un autel, un ambon, une croix de chœur et un tabernacle « sous le regard de Joseph et de Jésus, qui sont du métier ». Un projet inspiré par l’apostrophe du pape Jean-Paul II : « Si vous devenez ce que vous devez être, vous mettrez le feu au monde. » L’œuvre des Ateliers BdM propose en effet un décor en marqueterie en forme de brasier. Cette création du mobilier liturgique de l’oratoire du centre Saint-Jean-Paul-II à Colombes (Hauts-de-Seine) lui a valu le prix de la Création Chantiers du Cardinal – grand prix Pèlerin du patrimoine en novembre dernier. Nous sommes allés l'interroger sur son parcours et son métier à l'occasion des Journées européennes des métiers d'art qui se déroulent pour la onzième fois du 31 mars au 2 avril, sur le thème « Savoir(-)Faire du lien ». Un lien qui peut être envisagé de nombreuses manières : liens culturels, sociaux, économiques… Entre le maître et l'apprenti, entre le producteur et l'acheteur, entre les différents interlocuteurs d'un projet, etc. La riche programmation de ces Journées l'abordera de mille manières.
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Qu’est-ce qui vous a lancé dans l’ébénisterie ? Bruno de Maistre : Avant, j’étais dans la pub, en création et des choses me manquaient. Assez rapidement je me suis aperçu qu’il me fallait un travail manuel, j’avais besoin de faire quelque chose avec mes mains, c’est par mes mains que j’arrivais à réfléchir, à sentir les choses, plus que dans la pub où il fallait réfléchir de manière intellectuelle sur des sujets éphémères. J’ai besoin de réfléchir sur du concret, des constructions. Qu’est-ce qui vous avait amené à la publicité ? Je voulais faire une école d’art, de création graphique et dans les métiers qui étaient ouverts par ces études-là. La publicité, la communication, la création graphique étaient des choses qui m’intéressaient beaucoup. Dès que je peux en faire un petit peu, pour des amis ou même pour moi je continue d’en faire. Mais il me manquait ce côté concret, manuel, la matière. Il y a une continuité, la création, mais on ne part pas des mêmes matériaux, l’un est plus de la fumée éphémère et l’autre est de la vraie matière qui reste dans le temps. J’ai fait une formation de deux ans à l’école Boulle avec le GRETA, organisme de formation continue pour les adultes. En école d’art j’avais fait surtout du dessin et de la peinture. [|Colombes_Mobilier-SjpII-21_cr_BdM.jpg|] Pourquoi le bois ? C’est une matière qui m’attirait et en même temps je me suis dit qu’en apprenant à maîtriser le bois, qui est une matière compliquée – ce n’est pas une matière rectiligne, il y a le sens des fibres à prendre en compte, il y a des nœuds… la question du séchage, du mouvement du bois –, je pourrais plus facilement transposer mes connaissances sur d’autres matières qui comportent moins de paramètres. Il y a des choses à apprendre différentes du bois, mais moins nombreuses. Dès le début je voulais apprendre à travailler avec toutes les matières. C’est toujours le cas mais je suis rattrapé par une autre réalité, c’est que pour apprivoiser une matière il faut quand même du temps et je ne l’ai pas forcément. En ce moment par exemple, nous faisons un projet tout en pierre pour une chapelle pour laquelle j’ai dessiné les courbes de cet ensemble liturgique. J’aurais aimé pouvoir commencer à apprendre aussi à travailler cette matière. Un jour peut-être ! Vous vous êtes lancé seul après votre formation ? Je suis passé par des ateliers, l’atelier Saint-Joseph et chez Rinck, pendant quelques mois pour des stages pendant la formation et ensuite j’ai trouvé assez rapidement des clients dans l’Église qui m’a été d’une grande aide. Ma première commande historique était un ambon pour l’église Saint-Joseph-de-Buzenval, à Rueil, et ma première grosse commande c’était également pour une église, tout le mobilier du chœur, une estrade, le tabernacle, l’autel… Avec ma femme nous étions foyer d’accueil. Nous étions en mission dans une paroisse de Rueil-Malmaison et logions dans le presbytère. La paroisse m’a prêté un local inutilisé pour y faire mon atelier, cela a été une grosse aide pour le démarrage. Vous avez fait des choses très différentes… Oui, je m’adapte à la commande et je préfère ne pas refaire la même chose plusieurs fois. Par exemple, un client est venu me voir récemment et m’a dit : « Vous êtes ébéniste, très bien. On veut évidemment quelque chose en verre. » Cela m’a fait rire et en même temps le challenge m’intéresse, de nouvelles matières à apprendre à travailler, c’est ce que je cherche, des choses que je ne sais pas faire à découvrir. Depuis combien de temps êtes-vous dans ce grand atelier ? On est installé depuis janvier 2016. J’ai monté mon atelier il y a cinq ans, à Rueil donc. Nous sommes venus à Rambouillet avec ma femme et mes enfants pour nous éloigner de Paris et nous agrandir. J’ai trouvé cet atelier en forêt de Rambouillet. Il y a huit mois, j’étais encore seul, aujourd’hui nous sommes six. De qui est composée votre équipe ? Il y a ma femme qui, outre son soutien depuis le début de l’aventure, me décharge en gérant tout l’aspect administratif et financier, Camille qui est designer et modélise en 3D les dessins et les esquisses. Dans l’atelier travaillent également quatre autres ébénistes dont Florian, ébéniste/menuisier, Julie, apprentie ébéniste et Joseph qui a plusieurs casquettes en tant qu’ébéniste, sculpteur mais aussi tapissier… [|equipe-dec-2016-1.jpg|] Revenons au cœur, en quoi consiste le métier d’ébéniste ? Cette question me gêne un peu parce que le cœur de métier de l’atelier BdM et le cœur du métier d’ébéniste n’est pas le même. Une définition de l’ébéniste pourrait être : fabriquer des meubles en bois avec des plaquages de bois précieux. Et notre cœur de métier, même si nous sommes tous formés dans le bois qui est une matière que nous maîtrisons et que nous aimons, ce serait le dessin, la création de meubles et leur fabrication sur toutes matières. Pour le projet en pierre que j’évoquais nous travaillons avec des tailleurs de pierre, pour d’autres projets, qui utilisent la résine, le métal, nous faisons tout nous-mêmes, sauf pour du verre que nous avons dû commander. Nous essayons de faire le maximum de choses en interne et si nous ne pouvons pas, on sous-traite. Au lieu de dire que je suis ébéniste, je pourrais utiliser le terme d’architecte mobilier. Mais nous faisons aussi de la sculpture et on va du meuble à l’objet d’art, de l’estrade de chœur à la petit boîte ou à la table de jeux d’échecs sur mesure, montée sur pistons. Une grande partie de vos productions concerne du mobilier liturgique. Abordez-vous de manière différente ce type de création ? Le dernier bilan, en 2016, c’est 50-50, mobilier liturgique/meubles d’exception presque au centime près. Et chaque année, sans avoir de stratégie en ce sens, c’est ce qui se passe. Ce sont les mêmes mécanismes de création. C’est-à-dire qu’il y a un lieu, des personnes, un besoin et il faut y répondre en créant quelque chose de beau et de fonctionnel. Aussi bien pour des particuliers, des professionnels que pour une église, il y a des paramètres, des contraintes à respecter, et là-dedans il faut créer. Quand on crée un meuble pour un particulier ou pour un professionnel, on cherche à avoir une émotion que l’on cherche aussi dans le mobilier liturgique, peu de choses changent dans ma démarche. Si ce n’est, mais c’est propre à moi – nous avons des employés croyants et d’autres pour lesquels je ne sais pas –, qu’à chaque fois je me demande comment amener quelqu’un qui est hors de l’Église, soit parce qu’il ne croit pas, parce qu’il s’est mis en retrait ou qu’il a été rejeté, comment lui donner envie de se mettre en chemin, en prière. Je ne me dis pas ça quand je fais un bureau pour un avocat. J’ai toujours ça en tête en me disant que je ne m’adresse pas vraiment aux catholiques, mais à ceux qui peuvent être en contact avec un objet pour susciter quelque chose chez ces personnes. L’autre démarche que j’ai mais qui s’applique à toutes mes créations – je le fais de moins en moins parce que quand je suis devant l’ordinateur ce n’est pas la même chose –, quand je fabrique des choses je prie toujours pour la personne qui va utiliser l’objet ou être en contact avec lui. Je prie aussi bien pour les avocats qui vont travailler sur un bureau ou une table de réunion que pour les prêtres qui vont célébrer sur l’autel ou la communauté qui va être en présence du mobilier. Il y a donc assez peu de différences, à part ce côté évangélisation que je n’arrive pas à appliquer à du mobilier profane. [|Main.jpg|] Le thème des Journées européennes des métiers d’art cette année est le lien. N’y a-t-il pas un lien supplémentaire à évoquer quand on fabrique du mobilier liturgique, qui est le lien avec Dieu ? Nous avons toujours une exigence de qualité au niveau de notre travail dans tout ce que nous faisons, mais il y a parfois des éléments du meuble qui ne sont pas vus, où l’on sait que cela ne va pas changer la solidité du meuble, on peut être tenté de laisser passer. Quand je fais un mobilier liturgique mon client c’est aussi Dieu et du coup je me dis que Lui le voit, il faut que je le fasse parfaitement. Et il va voir jusqu’à l’intention que j’ai mise dans le geste, il y a donc bien un lien avec Dieu, ce n’est pas n’importe quel objet et on ne peut pas faire n’importe quoi. Il faut que l’intention soit bonne et porte tout le travail. Il y a quelque chose de quasi monastique dans votre approche du travail. Un moine de Saint-Wandrille nous disait récemment qu’un travail bien fait était une prière en lui-même. Tout à fait. Tout artiste même très loin de l’Église, de Dieu ou de la foi exprime quelque chose de sacré, quelque chose du divin, dans la création et le geste artistique. L’art c’est dire quelque chose de Dieu. Pendant quatre ans, j’étais seul dans mon atelier et il y avait une solitude que j’aimais et du coup une certaine vie de prière dans le travail. Aujourd’hui c’est un peu plus compliqué ; j’aimerais parfois bien retrouver une vie plus monastique. Là, toutes les dix minutes il y a quelqu’un qui vient me parler. Il me faut être créatif pour continuer à prier autrement ! Je ne peux pas continuer une tâche sans être interrompu. Qu’est-ce qui vous a poussé à embaucher ? J’ai beaucoup été limité par ma capacité de production, seul avec mes deux mains et en même temps je ne pouvais pas embaucher parce que la capacité de mon local ne le permettait pas vraiment et je savais que je n’allais pas y rester. Quand j’ai déménagé, j’ai embauché une personne pour subvenir au besoin de production supérieur à ce que je pouvais assurer, puis une deuxième à laquelle j’avais d’abord sous-loué l’atelier, et comme nous avions toujours besoin de main-d’œuvre je l’ai recrutée. Ensuite, je n’avais pas le temps de modéliser tous les dessins des meubles, alors j’ai cherché une personne qui pourrait les mettre en 3D, je me suis ainsi libéré du temps et des capacités de développement. Cela se passe bien. Nous avons la chance d’être invités au salon Révélations au Grand Palais à Paris du 3 au 8 mai prochain, un salon international des métiers d’arts et de la création très renommé. Récemment une maison française de luxe dont je ne peux dire le nom est venue me voir pour étudier comment est-ce que l’Atelier BdM pourrait travailler pour elle. Il y a de belles choses qui se mettent en place en 2017. Nous en profitons pour répondre également à des concours de mobiliers liturgiques, comme celui pour l’aumônerie de Nanterre, la cathédrale de Strasbourg ou une paroisse pour Puteaux. D’autres créations sont en cours pour d’autres projets… Jusqu’ici, je n’avais répondu qu’au concours des Chantiers du Cardinal pour lequel j’ai eu le prix de la Création. Un résultat encourageant pour toute l’équipe ! Dieu veille ! Affaire à suivre !
—  Retrouvez toutes les créations de l’Atelier sur www.bdm.paris et la programmation des Journées européennes des métiers d’art ici : http://www.journeesdesmetiersdart.fr/