« Sauver un monde en feu » - France Catholique
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Pâques. La foi des convertis
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« Sauver un monde en feu »

Bouleversée par les guerres de Religion, Thérèse d’Avila connaît un désir très intense de réforme, qui est d’abord intérieur. L'éclairage de Frère Baptiste de l’Assomption, carme, rédacteur en chef de la revue Carmel.
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Effrayé par l’avancée des calvinistes en France, Philippe II, roi d’Espagne, envoie en 1560 – non sans arrière-pensées politiques –, une missive à tous les monastères de son royaume demandant de multiplier prières, pénitences et processions afin de supplier « Dieu, notre Seigneur, pour l’union de ladite religion [catholique] ». Nul doute que beaucoup de consacrés ont répondu à cet appel. Dans le cœur de sainte Thérèse, cependant, il a retenti avec une force telle que sa réponse a bouleversé le cours de l’histoire, et notamment celle de notre pays. Sous la houlette de Bérulle, en effet, l’arrivée des carmélites déchaussées en France, quarante ans plus tard, a été le fer de lance de cette « conquête mystique » dont a parlé Henri Bremond après les guerres de Religion et qui a fait du XVIIe siècle un siècle de saints. Qu’y avait-il donc de si singulier dans la réponse de Thérèse pour qu’elle obtienne des effets si puissants ?

La pauvreté et l’oraison

Lorsque Thérèse prit connaissance des « malheurs de la France » (Chemin de perfection, I, 2), elle décida d’y répondre en faisant « le tout petit peu qui était à sa portée » pour y remédier. L’épreuve que traversait la chrétienté, blessée par le schisme de Luther, l’a poussée à « suivre les conseils évangéliques aussi parfaitement que possible ». C’est-à-dire, d’une manière concrète, à choisir de fonder un monastère sans rentes, vivant ainsi le vœu de pauvreté avec une plus grande radicalité.

Une autre question se pose donc : quel est le lien entre la décision de Thérèse, somme toute assez isolée, de vivre pauvrement et l’impact que cette décision a produit dans le cours de l’histoire ? La réponse se trouve dans les premiers chapitres de son Chemin de perfection.

C’est par la fidélité à l’oraison, cet entretien intime et fréquent avec le Christ dont elle se savait aimée (Vie 8,5 ; CEC 2709), que Thérèse a pu saisir la portée véritable de la crise que traversait l’Église. Ce qu’elle comprenait, par une connaissance intérieure, dans le silence de la prière, c’est que les guerres qui déchiraient la France et l’Europe n’avaient pas pour seule conséquence les centaines de milliers de morts, les atrocités perpétrées dans les deux camps, l’instabilité géopolitique, l’affaiblissement de la chrétienté, ces malheurs et bien d’autres que tous déploraient déjà.

Ce que Thérèse saisissait également, en lisant ces événements avec les yeux de la foi, c’est que les chrétiens qui s’entredéchiraient étaient aussi en train de « remettre Jésus sur la Croix » (CP 1,2) : « Qu’en est-il maintenant des chrétiens ? Faut-il toujours que ceux qui vous doivent le plus vous affligent ? […] Ne sont-ils pas rassasiés des tourments que vous avez subis pour eux ? » (CP 1,3.)

Thérèse comprenait que les fautes des chrétiens de son temps meurtrissaient véritablement Jésus en sa Passion. Elle percevait cette blessure profonde du Christ causée par l’ingratitude de ceux qui auraient dû être ses amis et qui, encore de son temps, le trahissaient : « Le monde est en feu, on veut condamner à nouveau le Christ […] on veut jeter à terre son Église. » Le mal qui ravageait les chrétiens d’Europe, avant d’être sociologique ou politique, était théologal : il consistait en une blessure infligée au Cœur de celui qui les aimait tant.

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