« A élections régionales, conséquences régionales » avait indiqué le Président de la République avant les élections régionales de mars dernier. Observation plutôt logique que son auteur s’est pourtant empressé de ne pas appliquer à la suite du scrutin au regard de la défaite subie par sa majorité. La première victime de se retournement aura été la taxe carbone, déjà sanctionnée par le Conseil constitutionnel et contestée par une partie des parlementaires de la majorité présidentielle, renvoyée à un examen ultérieur dans l’attente d’une harmonisation européenne, c’est-à-dire aux calendes grecques, référence peu rassurante aujourd’hui compte tenu des relations dégradées entre la fourmi européenne et la cigale hellénique.
Cette décision, inattendue dans sa soudaineté, a entraîné la « désespérance » de Chantal Jouanno, secrétaire d’Etat à l’écologie, qui a bien failli perdre son portefeuille. Sa déception était compréhensible, d’autant qu’elle ne pouvait oublier que quelques semaines plus tôt, au Salon de l’Agriculture où il savait qu’il ne comptait pas que des amis, le Président de la République avait cru devoir, pour séduire ses auditeurs, critiquer la place trop importante accordée aujourd’hui à la défense de l’environnement. Dès lors, un autre soutien de poids est venu manquer à l’appel, en la personne de Nicolas Hulot, le médiatique président de la fondation éponyme, la personnalité en laquelle les Français font le plus confiance pour la conservation de la planète, qui a déclaré suspendre sa participation aux travaux du Grenelle de l’environnement.
C’en était trop car le Grenelle de l’environnement a été et reste encore l’une des actions phares du quinquennat, qui avait surpris les opposants et irrité les écologistes de se voir débordés là où ils ne l’attendaient pas. C’en était trop aussi, sans doute, pour Jean-Louis Borloo, l’emblématique ministre en charge de l’écologie et du développement durable qui avait bâti sa popularité sur cette action. C’est la raison pour laquelle, depuis quelques jours, il ne cesse de multiplier les communiqués pour la défense et l’illustration de la politique de son ministère et surtout pour assurer que le Grenelle de l’environnement n’est pas enterré comme l’a été, il y a peu, le débat sur l’identité nationale.
Le ministre d’Etat vient ainsi de rappeler que « sur les 273 engagements pris collectivement en octobre 2007, dans le cadre du Grenelle de l’environnement, la grande majorité est aujourd’hui entrée en application ou en cours de mise en place ». Et de citer, à l ‘appui de son plaidoyer, une longue liste de mesures : « nouvelles normes pour le bâtiment, bonus-malus automobile, préservation de la biodiversité par la mise en place d’aires protégées, eaux résiduaires urbaines, réforme des institutions pour l’entrée des acteurs environnementalistes, paquet énergie-climat au niveau européen, préservation des forêts primaires, régulation de la publicité environnementale, nombreuses conventions sectorielles, … », sans oublier non plus la discussion qui va reprendre au Parlement sur la loi d’engagement dite Grenelle II.
Sur la taxe carbone, rappelant que le Grenelle de l’environnement n’avait évoqué qu’une étude à son sujet, le ministre s’est plu à souligner que la France est désormais la championne d’Europe de la baisse d’émissions de CO2 pour les véhicules neufs, avec 132,8 g par kilomètre, en précisant que « le dispositif de bonus-malus, issu du Grenelle de l’environnement, a ainsi fait la preuve de son efficacité, tant écologique qu’économique, (et qu’il) illustre formidablement les avantages de la fiscalité environnementale que nous mettons en place maintenant depuis plus de deux ans », ajoutant « la fiscalité écologique est et restera une priorité absolue de l’action gouvernementale ».
Dans cette opération de reprise en main, il ne restait plus qu’à retrouver la confiance de l’auteur du Pacte écologique, ce pour quoi Jean-Louis Borloo s’emploie assidûment : en l’associant à l’action passée (« Comme le reconnaît la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme, les avancées concrètes sont nombreuses ») et en l’invitant à l’action future (« Je verrai bien entendu prochainement les responsables de la Fondation Nicolas Hulot. C’est plus encore quand les difficultés apparaissent qu’il est urgent de se concerter et d’éviter les simplifications excessives »). L’intéressé reste prudent mais a néanmoins fait savoir que le dialogue n’était pas rompu.
Du moins jusqu’aux prochaines échéances électorales où plusieurs des acteurs concernés risquent de se retrouver en concurrence sur ce terrain attractif mais miné.
Fabrice de CHANCEUIL