Emmanuel Macron a repris contact hier avec Vladimir Poutine. C’est donc qu’il n’a pas renoncé à la voie diplomatique en dépit de la solidarité qui demeure celle de la politique française à l’égard de l’Ukraine. On pouvait se demander si la révélation des crimes de guerre accomplis par l’armée russe n’avait pas eu raison de l’attitude de notre président, soucieux de garder une fenêtre ouverte avec Moscou. Mais on est bien obligé de constater que si les contacts étaient rompus, nous nous dirigerions vers une guerre ouverte, avec toutes les conséquences qui s’en suivraient.
Je sais bien que certains défendent l’option d’une victoire de l’Ukraine et rejettent tout compromis. J’ai même d’excellents amis qui sont de cet avis. Et je comprends certains de leurs arguments. Toute négociation avec l’adversaire déboucherait sur des concessions humiliantes pour les ukrainiens qui devraient abandonner une partie de leur territoire, et le maître du Kremlin serait conforté dans sa volonté de toute puissance. Mais il y a de la part de ces amis un pari redoutable : quel prix paieront les Ukrainiens si la guerre continue et même s’amplifie ?
Nous risquons cette montée aux extrêmes que René Girard avait détectée dans son essai Achever Clausewitz. Cette montée aux extrêmes est d’autant plus plausible que les Américains apparaissent de plus en plus engagés dans un bras de fer avec les Russes. Et si les buts de Washington consistent à affaiblir au maximum l’armée russe, et même visent le renversement de Poutine, nous entrons dans un processus de surenchère auquel Moscou se prête d’autant plus qu’il agite déjà les pires menaces. Est-ce pour desserrer l’étau qu’Emmanuel Macron a repris son dialogue, certes difficile, avec son homologue du Kremlin ? Cela pourrait expliquer aussi l’attitude du pape qui préférerait aller directement à Moscou, plutôt que de se rendre préalablement à Kiev. François n’accomplirait nullement cette démarche pour ménager le patriarche Kirill, mais pour sauver simplement la paix du monde.