L’importance qu’avait acquise la figure de la religieuse de Calcutta dans le monde entier, véritable icône du christianisme, confère à sa canonisation dimanche dernier à Rome, une signification particulière. Il était courant, de son vivant, de l’associer au pape Jean-Paul II, comme son répondant symétrique dans l’imaginaire contemporain, ce qui était d’ailleurs conforme à la symbolique la plus profonde de l’Église : le ministère de la charité associé au ministère pétrinien. À l’inverse du préjugé à l’encontre du catholicisme, qui voudrait que tout s’ordonne autour d’un centre hiérarchique dominé par l’évêque de Rome, la présence de Mère Teresa renvoyait à une perception plus exacte d’une réalité singulièrement plus riche, associant le charisme de la vérité à celui de la charité. Et même si la charité n’est pas le bien exclusif des femmes, elle est associée de façon indélébile à leur génie propre qui consiste d’abord à donner la vie, le plus gratuitement du monde.
Sainte Mère Teresa était attachée plus que quiconque au ministère pétrinien. Sa foi était la source de la charité et l’attachement à Pierre le signe décisif de l’appartenance au corps ecclésial. Saint Ignace d’Antioche, aux origines du christianisme, professait déjà que l’évêque de Rome présidait à la charité. On se souvient sans doute qu’accourant à Rome après l’attentat de la place Saint-Pierre du 13 mai 1981, la religieuse, avec son bouquet de fleurs, avait voulu manifester toute son affection à Jean-Paul II. Elle qui était accueillante aux hommes et aux femmes d’appartenances religieuses les plus diverses, n’était en rien relativiste. Son respect pour les convictions du plus pauvre des pauvres la gardait de tout prosélytisme indiscret, mais il n’y avait dans son esprit nulle confusion. Sa foi était incompatible avec un quelconque syncrétisme. De plus, elle n’acceptait aucun accommodement avec les idéologies contemporaines, lorsqu’elles s’éloignaient de la rectitude de l’Évangile et de la fidélité à ses prescriptions.
Certains ne lui ont pas pardonné son discours, lorsqu’elle reçut le prix Nobel de la paix, le 10 décembre 1979 à Oslo, où elle rappela que l’avortement était une atteinte à la source de la vie : « Le plus grand destructeur de la paix aujourd’hui est le crime commis contre l’innocent enfant à naître. Si une mère peut tuer son propre enfant, dans son propre sein, qu’est-ce qui nous empêche, à vous et à moi, de nous entretuer les uns les autres ? » Paroles dures à entendre ? Mais Mère Teresa n’exprimait pas ses convictions pour faire mal. Elle entendait réveiller au cœur de tous l’instinct divin de l’amour inconditionné pour le plus humble des petits. Elle ne pouvait transiger avec la cohérence intérieure qu’expliquait le seul commandement de la charité : « Même si une mère pouvait oublier son enfant, moi, ton Dieu, je ne t’oublierai pas. » Que notre sainte Mère Teresa nous ait en son éternelle affection.