Dans une des premières scènes de la magnifique pièce de Robert Bolt, Un homme pour l’éternité, Thomas More, juriste catholique respecté se trouve debout face au truculent cardinal Wolsey, lui-même assis. Ce n’est pas par accident que Sir Thomas a été convoqué en présence du cardinal à une heure si tardive. Les sommations arrivaient comme une manière d’exercer le pouvoir, et de punir avec méchanceté. Pourquoi ? Parce que Thomas n’était pas d’accord avec les tentatives du cardinal pour obtenir du pape sa bénédiction pour le cas du divorce cynique d’Henry VIII.
C’était une initiative pour masser et manipuler les vérités de l’Eglise dans le but d’atteindre une fin politique « satisfaisante » : le roi divorce, se remarie par amour, et a des enfants pour continuer la dynastie. Mais Thomas More, homme intègre, a vu clair dans cette tentative rusée de satisfaire des appétits aux dépens de la loi de Dieu. Et dans son irritation, le cardinal a soufflé :
Thomas, tu es pour moi un regret constant. Si tu pouvais juste voir les faits tels qu’ils sont, sans cette horrible strabisme moral ; avec juste un peu de bon sens, tu aurais pu être un homme d’État.
Thomas a répondu :
Je suis convaincu que lorsque les hommes d’état trahissent leur propre conscience privée pour le compte des devoirs publics…ils conduisent leur pays par le plus court chemin vers le chaos.
Cet échange m’a amené à penser à « cet horrible strabisme moral ». Qu’est-il devenu ?
De nos jours, nous assistons dans l’Eglise catholique, à la crise la plus profonde des temps modernes. C’est la perte du strabisme moral. Des descriptions de vile débauche, de manipulations cyniques et de sacrilège éhonté ont éclaboussé les journaux, les sites internet et les bandeaux déroulants sur le câble.
Dans un seul état, (et même pas dans la totalité de ses diocèses) on a découvert que des centaines de prêtres avaient abusé sexuellement plus d’un millier d’enfants depuis des dizaines d’années. En même temps, on a révélé un « secret de polichinelle » : un cardinal avait abusé de séminaristes pendant des années tandis qu’il s’élevait dans la hiérarchie et prenait de l’influence. Et nous avons vu un certain type d’évêques de plus en plus inquiétant, déplacer un auteur de sévices ici, obscurcir là, et finalement se cacher derrière un vernis de respectabilité et de démenti plausible.
Le résultat ? Violations de la confiance et du bien-être physique des enfants, des jeunes hommes, et des futurs prêtres. Violations du vœu de célibat. Violations de l’appel aux prêtres ou aux évêques à être la serviteurs des serviteurs de Dieu.
Vous pouvez faire la grimace devant l’approche malléable de la Vérité du cardinal Wosley, mais vous devriez être écœuré par cette manière moderne crue et diabolique d’assouvir les appétits. Ces « hommes de Dieu » ont perdu leur strabisme moral.
Mais qu’est-ce qu’un « strabisme moral » ? C’est une vision du monde qui ne met pas seulement le Christ au sommet de la liste des priorités. Plutôt, il fait du Christ LA Priorité, ou plutôt, les lentilles à travers lesquelles on regarde toutes les priorités. C’est l’essence de la Lorica de Saint Patrick :
Le Christ avec moi, le Christ devant moi, le Christ derrière moi, le Christ en moi, le Christ au-dessous de moi, le christ au-dessus de moi, le Christ à ma droite, le Christ à ma gauche, le Christ quand je me couche, le Christ quand je m’assieds, le Christ au cœur de tout homme qui pense à moi, le Christ dans la bouche de tout homme qui parle de moi, le Christ dans l’œil qui me voit, le Christ dans l’oreille qui m’entend.
Immergé dans le Christ, nos désirs égoïstes et nos projets mesquins se dissolvent. Nos prêtres, nos évêques et nos cardinaux, notre pape – et nous-mêmes – sommes appelés, (requis) à cultiver le strabisme moral.
Sir Thomas More n’a fait que cela. Dans sa jeunesse, il a choisi la piété médiévale car il priait régulièrement avec les moines de la Chartreuse de Londres. Les rigueurs de la prière et du jeune ont concentré son esprit sur les manifestations de la Volonté de Dieu dans sa vie. Mais en même temps, cela lui a rappelé ses devoirs.
Après avoir dans la prière délibéré s’il était appelé à la prêtrise, il décida que ce n’était pas le cas. Comme me l’a dit un jour un de mes amis prêtres, « il y a deux appels essentiels pour devenir prêtre : l’appel au ministère, et l’appel au célibat. On ne peut pas être prêtre sans répondre « oui » aux deux. » Et comme l’a remarqué un jour Erasme de Rotterdam, ami de Sir Thomas, « Thomas a choisi d’être un mari chaste plutôt qu’un prêtre impur. »
Face au cabotinage cynique d’un cardinal dans son église, de prêtres dans son diocèse, et du monde séculier autour de lui, Sir Thomas ne pouvait pas abandonner son strabisme moral. Il a refusé de compromettre sa conscience au nom du plaisir, de l’opportunisme ou du succès mondain.
Comme son ami Lord Norfolk l’implorait « fais comme moi , fais un compromis (en approuvant l’annulation du mariage du roi, et son accession à la tête autoproclamée de l’église d’Angleterre.) et viens avec ses amis « par esprit de camaraderie », Thomas a répondu laconiquement, « Et quand nous nous tiendrons devant Dieu, et que vous serez envoyés au paradis pour avoir agi selon votre conscience, et que je serai damné pour n’avoir pas agi selon la mienne, viendrez-vous avec moi par esprit de camaraderie ? »
Au nom de la conscience et de son éclairage qui nous guide, la Vérité – avec l’aide de son strabisme moral – Sir Thomas aura perdu son titre honoré de lord chancelier, ses moyens d’existence, sa maison, l’accès à sa famille, sa santé, sa liberté et sa vie. Un strabisme moral est ce qui a fait de Thomas More un saint. Il est mort « bon serviteur du roi, mais de Dieu d’abord. »
Dernièrement, dans notre Eglise, certains ont perdu leur strabisme moral.
Terriblement.
Maintenant il est temps de reprendre notre croix et de le retrouver.
Maintenant, c’est un temps pour les saints.
Maintenant, c’est le moment.
https://www.thecatholicthing.org/2018/09/12/st-thomas-more-can-guide-us-now/