Commençant à lire le nouvel ouvrage de Thomas J. Craughwell, « Les ossements de St. Pierre: comment les reliques du premier pape furent égarées et retrouvées ….puis perdues et retrouvées à nouveau. » j’ai réalisé que saisir la vérité est plus que jamais difficile à l’Âge des Médias. Il nous parvient tant d’informations qu’il est très compliqué de filtrer le bruit de fond et de faire le tri pour tirer ce qu’on pourrait appeler la vérité.
C’est ainsi que je dois laisser de côté des tas de sujets qui m’intéressent pour la simple raison que je n’ai pas le temps de m’y consacrer. Alors, quel plaisir de découvrir une brève approche historique, archéologique et spirituelle par l’histoire des pérégrinations post mortem du premier Chef du Catholicisme.
Le livre arrive à point en ce sens que le Pape François a décidé pour la fin de l’Année de la Foi d’exposer pour nous tous les reliques de St. Pierre. Rappelons pour nos frères non catholiques que vénérer, c’est se raccorder davantage à l’histoire de l’Église, à ses souffrances et à son triomphe.
Pierre, je le crois de longue date, doit être vénéré car il était si profondément humain dans son comportement familier, pour tous, et, cependant, malgré ses chutes répétées, il atteignit la sainteté par sa foi envers le Maître. Nous tenons tous de lui l’espérance en héritage.
Sautons les siècles jusqu’à la papauté de Pie XII et sa décision de restaurer les souterrains du Vatican, les catacombes sous la Basilique Saint Pierre. Petite entorse faite à l’Histoire, la déclaration du pape: les travaux archéologiques pouvant être effectués sous l’immense église seraient exclus dans la zone à l’aplomb du Maître-Autel — où on pensait que gisait le corps de St. Pierre — zone d’accès interdit.
Dès le début des fouilles les archéologues furent récompensés, découverte après découverte, beaucoup tout-à-fait inattendues, mais ce n’était guère surprenant car Saint Pierre a été édifiée sur une succession de couches attachées à l’histoire de la Rome antique, au cours des millénaires.
M. Craughwell ponctue son récit des découvertes avec des rappels historiques, par exemple la mise à mort du grand Pêcheur d’Hommes — détails atroces — et la montée du sentiment anti-chrétien après le grand incendie (en l’an 64) qui fit tant de dégâts à Rome sous le règne impérial de Néron; ce fut le prétexte à des persécutions tuant tant de chrétiens, et Pierre parmi eux. L’auteur signale le repère le plus visible sur la Place Saint Pierre, l’obélisque de granit rose importé d’Égypte en l’an 37, borne dans l’ancien Cirque de Caligula et Néron — que Pierre vit dans l’arène le dernier jour de sa vie.
Mais revenons à ces catacombes du Vatican ; les archéologues et les « sampietrini » (personnel d’entretien du Vatican, plutôt plus experts que le bedeau de votre paroisse) poursuivaient leurs découvertes, y-compris (en 1943) la sépulture d’un chrétien près de laquelle figurait cette inscription: « Pierre, priez Jésus Christ / pour les saints chrétiens / inhumés près de votre corps.» (Cette inscription, protégée par le sol la recouvrant pendant plus de 1600 ans, s’est effacée, et est désormais invisible).
Le pape accepta de revenir sur l’interdiction de fouilles sous le Maître-Autel, à la condition expresse qu’elles soient entreprises dans le plus grand secret. Il ne voulait aucune annonce de la découverte imminente du lieu de sépulture de Pierre, dans la crainte que rien ne fût trouvé par la suite.
Une complication supplémentaire aux fouilles en cours était la tendance des générations successives à traiter chaque découverte comme méritant une préservation particulière par une construction protectrice ; on a ainsi une version archéologique de poupée russe, de matriochka. Ouvrant un mur, les sampietrini en trouvaient un autre, puis, derrière, un troisième, un quatrième. Bizarrement, impression sentie à l’époque des fouilles, plus on approchait de Pierre et plus rares étaient les inscriptions s’y référant sur les parois des sarcophages.
Je ne m’attarderai pas sur les fouilles ou leurs résultats, qui sont connus, mais relevons au passage quelques détails surprenants, presque négligeables, par exemple la découverte sur le sol d’une crypte d’une pièce de monnaie du Duché d’Aquitaine frappée avant l’an 900.
Les trésors du Vatican sont d’une telle richesse que des découvertes inestimables se font sous la poussière — une pièce égarée par quelqu’un occupé à déplacer une relique lors d’une restauration voici plus de mille ans.
L’immense héros de cette aventure est en fait une héroïne, Mme le Professeur Margherita Guarducci (1902 – 1999). Ses travaux de déchiffrage épigraphique dans et autour du tombeau de Pierre ont apporté des preuves flagrantes permettant l’identification des restes découverts dans la tombe comme étant ceux de Pierre ; un récit annoncé par le sous-titre de l’ouvrage de M. Craughwell — « perdus et retrouvés à nouveau ».
Naturellement des doutes ont été émis à chaque étape, par des gens qui faisaient appel non seulement à l’archéologie, mais à la théologie, l’histoire, la martyrologie. Et dans un domaine où la question de la provenance est si essentielle, de tels doutes, de telles questions, sont inévitables. Pour conclure son ouvrage M. Craughwell donne une citation fort pertinente de George Wegel : « L’archéologie n’est pas de l’algèbre ; elle propose des probabilités plutôt que des certitudes.»
Et en conclusion, toutes les probabilités nous font affirmer que les ossements de Saint Pierre sont exactement là où vous penseriez les trouver.
Source : St. Peter, Lost and Found : http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/st-peter-lost-and-found.html