Une « flamme haute et pure ». Par ces mots saisissants, le fameux historien de l’Église Daniel-Rops résumait l’apport de saint Paul à la civilisation d’alors, et plus largement au christianisme depuis 2000 ans. Une flamme qui fait songer à ces paroles du psaume : « Le zèle de ta maison me dévore » (Ps 69), et qui a conduit l’apôtre des nations jusqu’aux confins du monde civilisé de l’époque, la Méditerranée, pour évangéliser les païens.
Non que Paul soit le fondateur de cette religion naissante, comme certains le croient encore, mais l’ennemi qu’il était est devenu après sa conversion le « conquérant du Christ ». Et il a donné à l’Église son orientation décisive, en direction de ceux qui étaient considérés comme hors de la sphère du peuple élu.
Redécouverte de la soif de Dieu
Aujourd’hui encore, il est fondamental de tenir cette orientation, car l’urgence de notre temps est de répondre à un monde déchristianisé qui redécouvre la soif de Dieu, après la fin des idéologies. Déjà Gustave Thibon avait mis au jour cette soif, en recommandant, en 1970, de « dénuder la soif » pour « montrer la source ». Cinquante ans plus tard, cette soif affleure désormais au grand jour, par petits ruisseaux, certes, pour le moment. Le prouvent l’augmentation des baptisés adultes à Pâques, la jeunesse des pèlerins de Chartres, dont la moitié ne sont pas des habitués du monde « tradi », ou encore la large audience qu’a eue l’acte courageux d’Henri, le pèlerin d’Annecy, pour s’opposer à la barbarie.
Que dirait donc saint Paul aujourd’hui, sur la manière de s’adresser au monde sans s’aplatir devant lui ? Dans les nombreuses représentations de lui à Rome, où il est mort martyr et où il figure toujours en compagnie de saint Pierre, Paul porte un glaive, celui de la Parole de Dieu, « tranchante comme une épée ». De fait, écrit encore Daniel-Rops, ses épîtres insérées dans la liturgie provoquent toujours, par-delà les siècles, un « choc direct » : face à la grande trahison de l’homme, à l’oubli de Dieu et à son reniement qui caractérise notre modernité, il oppose, « avec une force de persuasion unique », la réalité d’une présence, par-delà les philosophies.
Au désespoir de l’homme, qui jamais comme au XXe siècle n’a fait vaciller la foi, saint Paul répond encore avec l’espérance chrétienne de la rédemption et de la gloire future : « Mort, où est ta victoire ? »
Ainsi, le non-croyant, le païen, est-il en quelque sorte devenu nécessaire au chrétien, comme son prochain, son double, un empêcheur de prier en rond… C’est Peppone, le maire communiste de Don Camillo, qui reconnaît au fond combien il a besoin de son curé, ne serait-ce que pour éduquer ses propres enfants, quand bien même il le combat politiquement et intellectuellement.
Dans la même veine, Virgil Gheorghiu, qui était orthodoxe, écrivait en 1975 qu’avec Dieu à côté d’eux, les non-croyants sont en sécurité : « Ils pouvaient foudroyer l’Église avec leur incroyance. Ils savaient que l’Église était inébranlable. » Alors que sans l’Église, ajoutait-il, manquerait au monde son « épine dorsale » pour en assurer l’équilibre.
Il revient ainsi aux croyants d’aujourd’hui, redevenus minoritaires comme au temps de saint Paul, de retrouver la flamme qui l’animait pour embraser le monde.