Patron des travailleurs et des pères de famille, saint Joseph apparaît de prime abord comme le type même de l’homme ayant embrassé la vie active – par opposition à une vie de contemplation. Si, comme disait saint Grégoire, « la vie active consiste essentiellement à donner du pain à ceux qui ont faim et à enseigner les ignorants », il semble que ce fut la vocation propre de saint Joseph auprès de l’Enfant-Jésus : se démener pour le protéger, le nourrir et l’éduquer. Voilà qui peut remplir une vie.
Mais, dans le même temps, à la Renaissance, saint Joseph a aussi été pris comme exemple de la vie contemplative la plus accomplie, susceptible de servir de référence à l’adoration silencieuse des carmélites. Ainsi Thérèse d’Avila a-t-elle écrit que « les âmes d’oraison, en particulier, doivent à Saint Joseph un culte tout filial ». Une question simple se pose : ces divers patronages sont-ils bien cohérents ? La discrétion de l’Évangile sur le personnage de saint Joseph n’a-t-elle pas favorisé la fabrication d’un arlequin quelque peu contradictoire, chacun cherchant à tirer la couverture à soi ?
Faut-il choisir ?
Car enfin, dirons-nous, la vie active et la vie contemplative ne semblent pas compatibles : il faut choisir. « Il y a des hommes qui s’adonnent principalement à la contemplation de la vérité, tandis que d’autres font leur occupation préférée des actions extérieures » (Somme Théologique II-II, 179, 1 c). Or, il n’est pas possible, quand on a charge de famille, et que l’on exerce une profession d’artisan, de consacrer ses journées à la prière, à la méditation, à la réflexion théologique, à l’étude des choses de Dieu.
Sans doute. À moins que… l’on prie tout le temps ! Là est sans doute la solution à notre énigme. Creusons un peu cette idée. Tout d’abord, même si la distinction entre vie contemplative et vie active est utile, il ne faut pas la durcir ; elle vient de la philosophie grecque, et reflétait aussi une conception hiérarchique de l’humanité, impliquant une séparation stricte entre la classe des actifs et celle… des philosophes. Le christianisme est venu assouplir progressivement cette séparation. Ensuite, il ne faut pas se représenter la vie contemplative comme une vie purement intellective, froide, technique et dépourvue d’affectivité : l’essentiel dans la contemplation n’est pas le maniement de concepts, l’enchaînement des syllogismes, ni même la récitation de prières, mais le fait de goûter, gratuitement et pour elle-même, la beauté et la bonté de Dieu.
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