Bienheureuse exception française que celle de l’existence d’une classe de philosophie ! Bienheureuse exception française que celle de la dissertation au bac ? Je ne serais pas loin de le penser, en laissant toutefois de côté la question du bac lui-même, que Jacques Julliard, dans son éditorial de Marianne cette semaine, voudrait supprimer. Hier, tous les sujets proposés en philo étaient annoncés dans les médias, commentés parfois même par de bons spécialistes, si toutefois il faut appeler ainsi les experts préposés aux sujets les plus généraux. Faut-il être supérieurement cultivé en philosophie pour répondre à la question : « Vivons-nous pour être heureux ? » Certes, la culture, amie de la mémoire, est d’un grand secours pour inspirer et approfondir la réflexion. Mais c’est l’affaire de tout un chacun d’apporter sa réponse la plus personnelle à une interrogation aussi intime.
Je n’ai nulle envie de rédiger ma propre copie pour la donner en modèle aux candidats d’hier. Bien que l’apprentissage de la dissertation ait été pour moi une initiation précieuse à ma profession de journaliste, l’exercice trop scolaire me rebuterait aujourd’hui. Tout de même, comment ne pas remarquer que l’idée même de bonheur est comme consubstantielle à une civilisation qui reste souvent, souterrainement, éclairée par les béatitudes évangéliques ? Certes, le bonheur annoncé par le Christ n’a rien d’une promesse facile. Il se distingue des paradis permissifs, qui se paient souvent des addictions les plus contraires à notre paix intérieure et à notre liberté. Surtout, il récuse toute recherche égoïste, il s’identifie à un bien partagé, à une communion qui se tisse de proche en proche et trouve son accomplissement dans une beauté hors de prise : « Bien tard je t’ai aimée, (dit l’Augustin des Confessions) ô beauté si ancienne et si nouvelle. » Cette beauté qui était en lui-même et qu’il recherchait vainement hors de lui-même. Saint Augustin, un auteur pas interdit au bac, me semble-t-il…