S'oublier soi-même dans le Carême - France Catholique
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« Ô Marie conçue sans péché »
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S’oublier soi-même dans le Carême

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Le temps d’humiliation qui précède Pâques dure quarante jours, en mémoire du long jeûne de Notre Seigneur dans le désert… Nous jeûnons par pénitence et en vue de maîtriser la chair. Notre Sauveur n’avait pas besoin de jeûner, que ce soit dans l’un ou l’autre but. Son jeûne était différent du nôtre, tant dans son intensité que dans son objet. Et pourtant, quand nous commençons à jeûner, Son modèle est devant nous, et nous continuons le temps de jeûne jusqu’à ce que nous égalions Son nombre de jours de jeûne.

Il y a une raison pour cela ; en vérité, nous ne devrions rien faire sans Le garder en vue. Ce n’est que par Lui que nous avons le pouvoir de faire de bonnes choses, donc si nous ne le faisons pas pour Lui, ce n’est pas bon. Notre obéissance vient de Lui, elle doit regarder vers Lui. Il dit : « sans moi, vous ne pouvez rien faire » (Jean 15:5). Aucune œuvre n’est bonne sans la grâce et l’amour.

Saint Paul renonce à toutes choses « pour être trouvé avec le Christ, n’ayant pas sa propre justice acquise par la pratique de la Loi, mais la justice venant de Dieu qui s’obtient par la foi » (Philippiens 3:9). Alors nos œuvres de justice sont uniquement acceptables quand elles sont faites, non par légalisme, mais par la foi dans le Christ. Toutes les œuvres de la Loi sont vaines, parce qu’elles ne sont pas accompagnées par la puissance de l’Esprit. Elles ne sont que les simples tentatives de la nature livrée à elle-même pour accomplir ce qu’effectivement elle doit faire mais n’est pas capable de faire.

Personne en dehors de l’aveugle et du charnel ou de ceux dans une profonde ignorance ne peut trouver en elles quelque chose pour se réjouir. Qu’étaient toutes les œuvres de justice de la Loi, ses actions, même sortant de l’ordinaire, ses aumônes et ses jeûnes, ses visages défigurés et ses âmes affligées ; qu’était tout cela si ce n’est de la poussière et de l’écume, un pitoyable service terrestre, une misérable pénitence sans espoir tant que la grâce et la présence du Christ étaient absentes ?

Et c’est singulièrement maintenant le cas de chrétiens qui s’efforcent d’imiter le Christ ; et il serait bon qu’ils le sachent, car autrement ils seront découragés quand ils pratique l’abstinence. Il est dit généralement que le jeûne est destiné à nous rendre meilleurs chrétiens, nous rendre plus sobres et nous amener plus entièrement aux pieds du Christ, dans la foi et l’humilité. Cela est vrai, si l’on regarde dans l’ensemble. Dans l’ensemble et en définitive, cet effet se produira, mais il n’est pas du tout certain que ce sera immédiatement.

A l’inverse, de telles mortifications ont sur le coup des effets très différents sur différentes personnes et doivent être observés, non depuis les bénéfices visibles mais depuis la foi dans le Verbe de Dieu. Certains hommes, c’est vrai, sont adoucis par le jeûne et amenés immédiatement plus près de Dieu ; mais d’autres le trouvent, même léger, comme guère plus qu’une occasion de tentation. Par exemple, il est parfois même fait objection au jeûne, comme si c’était une raison de ne pas le pratiquer, parce que cela rend un homme irritable et grincheux. Je reconnais que cela peut souvent agir ainsi.

Ou encore, la faiblesse du corps l’empêche de fixer son esprit sur ses prières au lieu de le faire prier avec plus de ferveur : ou encore la faiblesse du corps est souvent couplée à de la langueur et de l’apathie, et donne une furieuse envie de paresser.

Pourtant, je n’ai pas mentionné l’effet le plus éprouvant qui puisse survenir suite à une pratique même modérée de ce grand devoir chrétien. C’est indéniablement un vecteur de tentation, et je le dis, de peur que des personnes soient surprises et découragées en le découvrant. Et le Seigneur miséricordieux le sait d’expérience ; et qu’Il l’ait expérimenté et le connaisse, comme l’Ecriture le rapporte, est pour nous une pensée pleine de réconfort.

Je ne veux pas dire, Dieu m’en garde, que quelque infirmité pécheresse souillait Son âme immaculée ; mais l’Histoire Sainte rend évident que, dans Son cas comme dans le nôtre, le jeûne a ouvert la voie à la tentation. Et c’est peut-être l’intention a plus vraie de tels exercices, que d’une façon inconnue et merveilleuse, ils nous ouvrent le monde à venir, avec le bien et le mal, et sont une introduction à un extraordinaire conflit avec les forces du mal.

Il circule nombre d’histoires (qu’elles soient vraies ou non importe peu, elles montrent ce que la voix de l’humanité pense être vrai) d’ermites vivant dans le désert et étant attaqués par Satan d’étrange manière, et qui résistent pourtant au Mauvais, le chassant en prenant exemple sur Notre Seigneur et revêtus de Sa force ; et, je suppose, si nous connaissions l’histoire secrète de l’âme des hommes à travers les âges, nous finirions par trouver ceci (du moins je pense, je n’élabore pas une théorie), à savoir une remarquable union dans le cas de ceux qui, par la grâce de Dieu, ont progressé dans les choses saintes (quel que puisse être le cas des autres), une union d’un côté des tentations offertes à l’esprit, et de l’autre une union de l’esprit n’étant pas affecté par ces tentations, n’y consentant pas, même dans des actes passagers de la volonté, et simplement les haïssant et n’étant pas blessé par elles.

Que les chrétiens ne se laissent donc pas ébranler, même quand ils se trouvent exposés à des pensées qu’ils considèrent avec horreur et effroi. Qu’une telle épreuve présente à leurs pensées quelque chose de vivifiant et de différent, la condescendance du Fils de Dieu. Car si c’est une épreuve pour nous, créatures pécheresses, d’avoir des pensées étrangères à nos cœurs, quelle a dû être la souffrance du Verbe Eternel, Dieu né de Dieu, Lumière née de la Lumière, Saint et Vrai, d’avoir été ainsi soumis à Satan qui pouvait Lui infliger tous les malheurs à moins de pécher ?

Ceci est alors peut-être une vision plus vraie des conséquences du jeûne que celle communément admise. Bien sûr, c’est toujours, par la grâce de Dieu, finalement un bénéfice spirituel pour nos cœurs, cela les affermit, grâce à Dieu qui y travaille ; et c’est souvent pour nous un bénéfice visible immédiat. Pourtant, il en est souvent autrement ; le jeûne ne fait qu’augmenter l’excitabilité et la susceptibilité de nos cœurs ; dans tous les cas cela doit être vu principalement comme une approche de Dieu, une approche des puissances des cieux, et des pouvoirs de l’enfer.

Et ceci est un autre point qui demande d’être noté à part dans l’histoire du jeûne et de la tentation de notre Sauveur, à savoir la victoire qui en découlait. Il a eu trois tentations, et trois fois Il a vaincu, et la dernière fois Il a dit « passe derrière moi, Satan », sur ce, « le diable L’a quitté ». Ce conflit et cette victoire dans le monde invisible se laisse entendre dans d’autres passages de l’Ecriture.

Le plus remarquable d’entre eux est ce que dit notre Seigneur en référence au possédé que Ses Apôtres n’avaient pas pu soigner. Il venait de descendre de la Montagne de la Transfiguration, où, remarquons-le, Il semble être allé avec ses Apôtres préférés pour passer la nuit en prières. Il est redescendu après sa communion avec le monde invisible, il a chassé l’esprit impur et a dit ensuite : « cette sorte d’esprit ne se chasse que par la prière et le jeûne » (marc 9:29) ce qui n’est rien moins qu’une claire déclaration que ce genre d’exercice donne à l’âme pouvoir sur le monde invisible ; il n’y a donc aucune raison valable de le confiner aux premiers âges de l’Evangile.

« Il donnera pour Toi à Ses anges l’ordre de veiller sur Toi dans tous Tes chemins » (Psaume 91:11). Le démon a connaissance de cette promesse, car il l’a utilisée justement dans cette heure de tentation. Il sait très bien ce qu’est notre pouvoir et ce qu’est sa propre faiblesse. Donc nous n’avons rien à craindre si nous demeurons à l’ombre du trône du Tout-Puissant. « Un millier tomberont devant Toi, et dix mille à Ta droite, mais rien ne s’approchera de Toi ». Quand nous sommes dans le Christ, nous partageons Sa sécurité. Il a brisé le pouvoir de Satan ; Il a marché « contre le lion et la vipère, Il a foulé aux pieds le jeune lion et le dragon » et de ce fait les esprits mauvais, au lieu d’avoir pouvoir sur nous, tremblent et sont effrayés devant tout vrai chrétien.

Donc, mes frères, ne soyons pas « ignorants de leurs manigances », et, les connaissant, restons en éveil, jeûnons, prions, demeurons sous les ailes du Tout-Puissant afin qu’Il soit notre bouclier et notre rempart. Prions-le afin qu’Il nous fasse connaître Sa volonté, nous montre nos fautes, qu’Il ôte de nous ce qui L’offense et qu’Il nous conduise sur le chemin de la vie éternelle.

Et durant ce temps béni, regardons-nous comme si nous étions avec Lui sur la Montagne – au sein de la nuée – caché avec Lui – non pas séparé de Lui dont la présence seule est vie, mais avec et en Lui – apprenant Sa Loi avec Moïse, Ses caractéristiques avec Elie, Ses conseils avec Daniel – apprenant à nous repentir, à nous confesser et à nous amender – apprenant l’amour et la crainte de Dieu – nous oubliant et grandissant vers Lui qui est notre Tête.

John Henry Newman (1801-1890) a été fait cardinal par Léon XII en 1879 et béatifié par Benoît XVI en 2010. Il fait partie des plus importants écrivains catholiques des derniers siècles. Le 13 février 2019, le pape François a approuvé la canonisation du cardinal Newman qui se fera en cours d’année.

Illustration : « Nature morte au crâne » par Paul Cézanne, vers 1897 [fondation Barnes, Philadelphie, Pennsylvanie)

Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/03/06/unlearning-ourselves-in-lent/