Au terme d’un long entretien qu’elle a accordé à Eugénie Bastié pour Le Figaro, Hélène Carrère d’Encausse résume en quelques mots l’enjeu des retrouvailles entre la France d’Emmanuel Macron et la Russie de Vladimir Poutine : « La Russie et l’Occident ont une civilisation commune fondée sur un quadruple héritage judéo-chrétien, grec, romain et byzantin enrichi au fil des siècles par la rencontre avec d’autres religions et traditions. » Ce rappel lapidaire de l’héritage met en perspective nos relations avec une Russie qui nous fascine et nous fait peur. En même temps, dirait notre président de la République. Comment renier tout ce que nous devons à la culture russe, singulièrement avec les grands écrivains du XIXe siècle et même du XXe, dominé par le grand Soljenitsyne ? Mais il y a aussi l’immensité d’un pays qui nous paraît démesuré, sans compter la parenthèse tragique du soviétisme.
Vladimir Poutine est l’héritier du passé récent, et il nous semble encore loin de l’idéal et des pratiques d’un État de droit, garant de la sécurité et des libertés des citoyens. Mais il n’est pas simple d’assumer la transition après des décennies de totalitarisme et la période d’extrême désordre qui a suivi.
Il y a aussi le contentieux à propos de l’Ukraine et du Proche-Orient, qui a conduit à un affrontement qui n’est pas seulement diplomatique. Mais qui ne voit la nécessité vitale des retrouvailles pour l’équilibre du monde et celui de l’Europe ? C’est pourquoi la rencontre de Versailles entre les présidents Macron et Poutine est bienvenue, et judicieux le choix de la médiation par la culture. Catherine Pégard, présidente du domaine de Versailles, a eu une heureuse initiative en organisant cette exposition sur le tsar Pierre le Grand et sa visite au palais, il y a trois siècles, avec le régent et Louis XV encore enfant. Depuis lors, la Russie a tourné ses regards vers l’Occident et fait le choix de l’Europe. Vladimir Poutine est particulièrement touché par le souvenir du tsar qui fonda Saint-Pétersbourg.
La dimension confessionnelle de ces retrouvailles n’est pas à dédaigner. Le président russe s’est aussi rendu à la nouvelle cathédrale construite au bord de la Seine et qui incarne la part la plus précieuse du legs de la Sainte Russie. Il s’était associé, il y a quelques jours, à la vénération des reliques de saint Nicolas, venues de Bari en Italie, à l’initiative du pape François. La rencontre de l’orthodoxie et du catholicisme est primordiale pour l’avenir du dialogue entre chrétiens et elle ne peut se passer de la collaboration active du patriarcat de Moscou.