Sur la plus petite colline de Rome, le Capitole, se dresse aujourd’hui une basilique au nom latin évocateur : Sancta Maria in Aracoeli, « Sainte Marie sur l’autel du Ciel ». En pénétrant dans la basilique, on y découvre, à gauche de l’abside, un autel dédié à l’impératrice sainte Hélène, dont il conserve la relique de la tête. Il surmonte un autel plus ancien, partiellement visible par une grille, dont l’inscription latine nous indique l’histoire : « Cette chapelle appelée Ara Coeli, est, selon la tradition, bâtie au lieu même où l’on croit que la Très Sainte Vierge, mère de Dieu, tenant son Fils entre ses bras, se fit voir à l’empereur Auguste, dans le ciel, au milieu d’un cercle d’or. »
La vision d’Octave
L’événement auquel l’autel fait référence se tient au premier siècle avant Jésus-Christ. On raconte en effet qu’Auguste (63 av. J.-C.-14 ap. J.-C.) – qui s’appelle alors simplement Octave – se rend à Tibur (actuelle Tivoli, à l’est de Rome) aux alentours de 40 av. J.-C., pour y consulter la Sibylle et lui demander s’il pouvait prétendre au titre de divus, c’est-à-dire de « divin ». Selon le Mirabilia Urbis Romae, texte médiéval écrit au XIIe siècle, la Sibylle attend trois jours avant de lui faire cette réponse : « Signe du jugement, la terre sera mouillée de sueur : du ciel descendra celui qui sera roi pour les siècles, présent comme en chair pour juger l’univers. » Octave, qui se trouve dans sa chambre, reçoit à ce moment-là une vision de la Sainte Vierge tenant dans ses bras l’Enfant, et il entend une voix disant : « C’est ici l’autel du Fils de Dieu. » Toujours selon le Mirabilia Urbis Romae, Auguste tombe à terre « et aussitôt, […] il l’adora ». C’est à cet emplacement que se dresse l’église de Sainte-Marie d’Aracœli. L’empereur partagera sa vision aux sénateurs, « qui eux aussi furent dans une grande admiration ». Certains auteurs, dont Jean d’Antioche, rapportent, quant à eux, une autre prédiction faite à Octave par l’oracle d’Apollon, la Pythie de Delphes : « Un enfant hébreu, Dieu lui-même et maître des dieux, me force à quitter la place et à rentrer tristement dans l’enfer. » Ainsi, les oracles et visions convergeant, l’empereur décida de se faire appeler non pas « divin » mais « auguste », en 28 avant Jésus-Christ, érigeant cet autel en souvenir du prodige. C’est d’ailleurs à cet épisode que se réfère le pape Sixte V lorsqu’il fait graver, sur le socle de l’obélisque de l’Esquilin, en face de Sainte-Marie-Majeure : « J’adore celui qu’Auguste vivant adora comme devant naître de la Vierge, et dès lors défendit qu’on lui donnât à lui-même le titre de Dieu. »