Des représentants des évêques américains ont à présent rencontré le pape François pour discuter de l’enquête indispensable sur l’affaire McCarrick. C’est compréhensible puisque toute procédure qui met en cause l’ex-cardinal et d’autres prélats requiert la permission du pape. Cependant, sachant ce que nous savons, c’est une chose de demander le soutien du pape pour une enquête, et une toute autre chose de faire confiance aux fonctionnaires du Vatican pour la mettre en œuvre.
Parce que maintenant, nous savons – par l’ancien évêque de Metuchen P.G. Bootoski et par le cardinal Leo Sandri – que le Secrétariat d’Etat du Vatican avait reçu des allégations dignes de foi contre McCarrick il y a plus de 10 ans. Pourtant, le Vatican ne l’a pas privé d’accès aux séminaristes ni aux prêtres. C’est pourquoi, une enquête concentrée sur McCarrick et sur les évêques américains risque de passer sous silence le rôle pivot des fonctionnaires de haut rang à Rome.
Bootoski a récemment reconnu qu’en décembre 2005 il a informé le nonce des Etats Unis, l’archevêque Gabriel Montalvo, de trois plaintes contre McCarrick. Les accusations concernaient des attouchements inappropriés avec un prêtre, ainsi que des attouchements sexuels envers des séminaristes. Deux de ces trois accusations ont abouti à un règlement financier.
Une lettre d’octobre 2006 a été découverte, dans laquelle Sandri, qui travaillait directement sous les ordres du cardinal secrétaire d’Etat, faisait référence à « des affaires graves » mettant en cause des séminaristes à Seton Hall, affaires qui avaient été rapportées à Montalvo par le père Boniface Ramsay en 2000. Ramsey a affirmé à plusieurs reprises qu’il avait informé le nonce d’allégations comme quoi McCarrick harcelait les séminaristes et les prenant dans son lit dans sa maison au bord de la mer.
Ainsi, le Secrétariat d’Etat a reçu des informations dignes de foi en 2000 et en 2005 sur le fait que McCarrick harcelait et « tripotait » des prêtres et des séminaristes, et abusait sexuellement ces derniers. Si Rome avait fait une enquête, elle devrait maintenant en communiquer les résultats et nous éviter l’inconvénient de recommencer leur travail. S’il n’y a pas eu d’enquête, il faut que les responsables rendent compte de leur défaillance à protéger les séminaristes et les prêtres.
Même si Rome a effectivement enquêté, cela soulève une autre question cruciale : les diocèses ont-ils été informés des accusations et de la possibilité pour leurs séminaristes et leurs prêtres d’être victimes d’abus sexuels ? Ceci devrait concerner tous les diocèses dont les séminaristes fréquentaient McCarrick, en particulier les séminaires où il a résidé après 2005. Des mineurs pouvaient être en danger puisque les séminaristes qui entrent au collège peuvent avoir moins de 18 ans.
Le cardinal Wuerl insiste sur le fait que ni lui, ni l’archidiocèse de Washington n’étaient au courant de ces allégations. Ce qui voudrait dire que Rome n’a rien dit. Pour confirmer le silence de Rome, les catholiques et les journalistes devraient demander au cardinal Dolan si lui ou l’archidiocèse de New York avaient été informés.
Remarquez que ni la déclaration de Bootoski, ni la lettre de Sandri n’ont été écrites pour soutenir le récent témoignage de l’archevêque Vigano. En fait celui-ci les a accusés tous les deux de dissimulation. A la différence de Vigano, leurs témoignages pour porter les accusations à la connaissance de Rome n’étaient pas destinées à suggérer que le Vatican était complice dans l’affaire McCarrick.
Quoiqu’il en soit de l’intention de départ, la lettre de Sandri constitue maintenant un document portant preuve que Ramsay a parlé à Montalvo en 2000. La lettre implique également que le Secrétariat d’Etat a estimé ces affaires dignes de foi pas plus tard qu’en 2006.
De plus, la déclaration de Bootoski prouve que les allégations ont été jugées crédibles puisqu’on a procédé à des paiements basés sur ces faits. Malheureusement sa déclaration ne fournit qu’un résumé du mémoire qu’il a envoyé au nonce en 2005, car celui-ci a probablement été envoyé au Secrétariat d’Etat.
La raison fournie pour justifier le fait qu’on ne présente qu’un simple résumé est que « les plaignants n’ont pas donné au diocèse leur permission » de publier des allégations détaillées. Peut-être le diocèse, ou les journalistes pourraient-ils demander aux plaignants d’autoriser qu’on publie le mémoire, en expurgeant tous les passages que les plaignants souhaiteraient garder confidentiels. De cette manière, le public pourrait voir un document portant preuve du rapport de Bootoski au Vatican.
A moins que Sandri n’ait protégé McCarrick, il a dû notifier promptement au Secrétaire d’Etat, le cardinal Angelo Sodano, les allégations de Ramsay et de Bootoski transmises par le nonce . Au moment où Sandri a écrit la lettre de 2006, il avait dû mettre au courant le nouveau secrétaire d’Etat le cardinal Tarcisio Bertone.
Nous n’avons pas la preuve que les allégations de 2000 ou de 2005 aient jamais atteint Jean Paul II, Benoit XVI ou,- avant les révélations récentes – François. Cependant, si les papes n’étaient pas au courant, il est évident qu’on ne peut pas faire confiance aux fonctionnaires du Vatican pour superviser l’enquête à venir.
La défaillance du Secrétariat d’Etat à enquêter sur la question ou à transmettre les allégations aux diocèses concernés, en tant que faisant partie de l’enquête, montrerait un mépris total de la sécurité et du bien-être des prêtres et des séminaristes, dont certains étaient mineurs.
Un évêque sui abuse des séminaristes et des prêtres pour son propre plaisir est un outrage qui crie vers le ciel. Comment le Secrétariat d’Etat a-t-il pu s’en désintéresser ? Et est-ce qu’aucun autre bureau du Vatican n’a reçu de rapport ? Y avait-il des raisons légitimes de ne pas ouvrir une enquête, ou que celle-ci ne s’avère pas concluante ? Après des dizaines d’années de scandales d’abus sexuels, comment les fonctionnaires n’ont-ils pas perçu la gravité des accusations ? Ou est-ce que certains d’entre eux étaient désireux de tolérer ces monstruosités ?
Les catholiques de partout, pas seulement d’Amérique, ont un besoin vital de réponses et de reddition de comptes. Au Chili, les cris des catholiques ont été ignorés ou niées par Rome de façon répétée. Finalement, les évêques du Chili ont offert leur démission, mais aucun fonctionnaire du Vatican n’a suivi leur exemple. Le scénario ne doit pas se répéter. Ces circonstances rendent impossible pour le Vatican de se constituer garant de la révision à venir de l’affaire McCarrick. On a besoin de l’accord du pape et de sa coopération, mais puisque les évêques américains et les fonctionnaires du Vatican sont maintenant sous surveillance, le processus d’investigation doit être indépendant des deux. Pour que l’enquête soit efficace, il faudra que le pape coopère en libérant les fonctionnaires de l’Eglise du secret pontifical et en leur ordonnant de répondre aux questions légitimes des enquêteurs.
La révision devrait être transparente et surveillée par un conseil comprenant des laïcs, des religieux, des diacres, des prêtres et des évêques. Ainsi l’Eglise entière serait représentée dans l’évaluation des problèmes et des remèdes à y apporter. Cela devrait permettre d’exonérer les innocents, de punir les coupables, de réparer le mal qui a été fait, et de changer les structures administratives et les politiques. Un tel conseil devrait devenir un modèle pour gérer d’autres défaillances d’évêques ou du Vatican.
Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/09/20/rome-failed-on-mccarrick-and-needs-to-change/