Richard Millet : Racisme littéraire - France Catholique
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Richard Millet : Racisme littéraire

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Anders Breivik qui, le 22 juillet 2011, avait massacré 77 personnes à Oslo et sur l’île d’Utøya, a été déclaré sain d’esprit et condamné le 24 août dernier. Les juges norvégiens ont pris ses thèses au sérieux. C’est un changement important et, à mon avis, positif dans l’histoire de l’antiracisme qui a souvent traité le racisme par l’absurde, comme une réaction primaire sinon une maladie mentale. Ce qui était la conclusion qui semblait naturelle quand on avait démonté ses bases scientifiques. Or le racisme n’est jamais si fort que lorsqu’il est à la limite un sujet sans objet, le racisme sans races. Richard Millet écrivait dans un essai paru antérieurement à l’attentat d’Oslo, Fatigue du Sens : « Un racisme sans races : tel est le destin de l’idéologie antiraciste qui, ayant condamné le mot, n’a pas réussi à évacuer les catégories ni à faire en sorte que les barrières ethnico-raciales ne se recomposent à mesure qu’elle les prétend abolies. Un mot qui se mord la queue » (Pierre-Guillaume de Roux éditeur, 2011).

Millet, important éditeur chez Gallimard, est aujourd’hui sous le feu de la critique de l’intelligentsia parisienne pour avoir poussé le raisonnement au-delà de toute limite en faisant « l’éloge littéraire d’Anders Breivik », dans un nouvel essai Langue fantôme, et en publiant un second pamphlet chez P.-G. de Roux : De l’antiracisme comme terreur littéraire.

L’aspect littéraire, comme chez Viktor Klemperer qui avait démonté la langue du Troisième Reich, ou Orwell avec la Novlangue, consiste en ce que le mot race ayant été banni, il s’est déguisé sous d’autres vocables, le premier étant celui de culture — d’où le multiculturalisme qui hérisse —, mais aussi de religion — car en réalité on ne parle dans ces pamphlets que de l‘Islam qui est multiracial —, ou de civilisation — à rebours de Huntington, puisque les mêmes qui s’en prennent à l’islam dénoncent systématiquement un complot islamo-américain. L’inconvénient des littéraires, c’est qu’ils semblent tomber dans leurs propres pièges et commettre les méfaits qu’ils dénoncent.

Ainsi la phobie du métissage n’existe que par rapport à une réalité totalement mythique, « idéologique » dit Millet, propagée par les grands moyens de communication de masse néo-libéraux. Millet et ses semblables ne réagissent pas à une réalité quantifiée, mais à un discours idéologique, ou à l’inverse, à des peurs épidermiques par exemple dans le métro. On est très très loin d’une analyse. De surcroît Millet ne semble pas voir que le discours sur le métissage est lui-même raciste dans son origine : pour que des races se croisent, il faut admettre qu’elles existent comme telles ; et surtout dans sa fin : car il répond à une politique délibérée d’assimilation par le gène blanc considéré dominant ; contrairement à la tradition nord-américaine selon laquelle c’est la goutte de sang noir qui fait le noir, les Métis sont de plus en plus assimilés par les Blancs démographiquement en voie de marginalisation rapide. Et à l’échelle du monde et de l’Histoire, on peut avancer que l’avenir du Blanc c’est le Jaune, ce qui renverse complètement la phobie du « péril jaune ».

Appeler un chat un chat et un Blanc un Blanc ou un Noir un Noir, serait le commencement du détricotage du discours idéologique fabriqué. La vieille Europe et en son sein la Norvège, les Pays-Bas, ou notre cher vieux pays sont moins en cause ici que l’ordre du monde, non pas le nouvel Ordre Moral libéral-islamo-protestant et tout ce que vous voulez l’appeler par des mots vides de sens, mais celui bien réel de la politique internationale (mon ouvrage, Couleurs, éditions Galode).


http://www.lexpress.fr/culture/livre/richard-millet-va-t-il-devoir-quitter-gallimard_1154155.html

http://fiches.lexpress.fr/livre/langue-fantome-suivi-d-eloge-litteraire-d-anders-breivik_1075203