Le mouvement de révolte des peuples continue donc de façon irrépressible dans le monde arabe. La Libye est en ce moment la plus touchée et la plus ensanglantée du fait d’affrontements impitoyables et du caractère particulier du système Kadhafi qui ne ressemble ni au modèle tunisien, ni au modèle égyptien. Même si on s’interroge toujours sur l’aboutissement de ce mouvement et ses traductions politiques concrètes, on ne peut nier la profondeur d’un phénomène massif, qui concerne toute une civilisation.
Certes ce phénomène est complexe, et il est difficile de le réduire à un seul concept idéologique, celui d’une explosion démocratique. Il s’agit bien du peuple, il s’agit bien d’une revendication populaire de liberté et de dignité. Mais il y a aussi des raisons économiques à cette colère de gens qui n’en peuvent plus de misères, de privations, d’absence de perspective de changements pour leur condition.
Comment ne pas s’interroger aussi sur la dimension religieuse qui affecte nécessairement les terres d’islam? La crainte de voir des fondamentalistes s’emparer du mouvement était justifié par des précédents qui remontent à la révolution iranienne et à la guerre civile algérienne. Mais il semble bien qu’une évolution s’est produite depuis. La meilleure preuve en est ce qui se passe au pays des ayatollahs, où le régime s’oppose férocement à des opposants qui revendiquent un authentique soutien populaire. Il semble bien qu’en Iran, il y ait deux camps et que la guerre civile est possible entre partisans du statut quo et militants pour un autre type de société. L’islam, la civilisation musulmane s’interroge à travers les mouvements sismiques qui l’ébranlent, sur son devenir et sur les mutations radicales qui s’imposent.
En France nous sommes tributaires de cette grande interrogation, à l’heure où Nicolas Sarkozy voudrait que la question de l’islam soit posée à travers le débat national. D’évidence, les jeux ne sont pas faits. Il y a de l’extrémisme ici aussi, des pratiques tenaces contre la liberté de conscience, des menaces pour la cohérence nationale. Mais il y a aussi des possibilités d’ouverture. A Lyon nos évêques se sont interrogés sur le sujet en tendant la main aux musulmans de bonne volonté. Entre aveuglement et hostilité systématique, il devrait y avoir une troisième voie à inventer.
Chronique lue le 22 février à Radio Notre-Dame