Mon intervention d’hier est-elle déjà dépassée ? Je tentais en quelques mots d’expliquer pourquoi la France et l’Allemagne n’étaient pas dans les mêmes dispositions face à l’afflux des migrants. J’avais aussi, auparavant, mis l’accent sur la personnalité d’Angela Merkel, incontestablement touchée par la misère de ces gens en détresse. Je ne retire d’ailleurs aucun mot, j’ajoute même que la chancelière, révulsée par une vague de xénophobie, avec des actes racistes violents, avait voulu montrer qu’elle incarnait une toute autre Allemagne. Mais voilà, à peine écrit mon texte d’hier, j’apprenais que le gouvernement allemand venait de rétablir les contrôles à la frontière avec l’Autriche. C’est qu’on avait dépassé la limite acceptable. Munich, la capitale de la Bavière, était saturée, et on parlait même du chaos qui se serait installé dans plusieurs autres villes.
Faudrait-il donc revoir sérieusement le grand discours de la générosité, largement déployé non seulement en Allemagne, mais aussi chez nous, avec des couvertures flatteuses, à l’unisson de l’hebdomadaire Der Spiegel, exaltant une nation arc-en-ciel et illustrant enfin l’humanisme de Goethe, le plus illustre de ses poètes ? Déjà certains se moquent : qui veut faire l’ange fait la bête. Non, l’Allemagne ne peut pas accueillir toute la misère du monde, et pour ce qui est de l’actuelle vague migratoire, elle réclame que les réfugiés soient justement répartis entre tous les pays d’Europe. Ce que plusieurs d’entre eux contestent. Thomas de Maizière, ministre de l’Intérieur, rappelle que l’Allemagne n’est pas responsable « pour la plus grande partie de ceux qui demandent protection ». Il rappelle également que les demandeurs d’asile « doivent accepter qu’ils ne peuvent pas choisir le pays européen auquel ils demandent protection ».
On devine la désillusion de tous ceux qui pensaient que la patrie de Goethe était vraiment l’eldorado, où ils seraient reçus à bras ouverts et où ils trouveraient rapidement l’emploi qu’ils convoitaient. Non, l’Allemagne seule ne peut pas faire face. Elle en appelle à l’Europe. Une Europe elle-même indécise devant ce défi qui la remet en cause profondément et pour longtemps.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 15 septembre 2015.