Révélation, tradition sacrée, et Magistère - France Catholique
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Révélation, tradition sacrée, et Magistère

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Mardi dernier 13 septembre j’ai enseigné pour la première fois à une classe de catéchumènes adultes au Cercle des étudiants catholiques St. Peter à l’Université Baylor. Bien qu’enseignant la philosophie en Université depuis vingt-cinq ans j’étais un brin nerveux. Heureusement je n’ai qu’un rôle mineur, une session ce semestre et peut-être une ou deux au printemps. Notre équipe de catéchèse pour adultes est constituée de plusieurs paroissiens chevronnés, sous la houlette du Père Anthony Odiong, aumonier « de précision » à St. Peter.

Mon exposé a porté sur la Révélation, la tradition sacrée, et le Magistère, centré sur la façon dont je vins à accepter la position de l’Église sur le sujet lors de mon itinéraire-retour de l’Évangélisme vers l’Église (mon retour à la bergerie).

Philosophe chrétien, j’avais toujours porté un vif intérêt à l’interaction de la foi et de la raison et à sa signification dans la vie intellectuelle comme dans notre cheminement avec le Christ. Parmi mes nombreuses lectures de livres et d’articles sur ces sujets, d’auteurs catholiques comme protestants, ceux qui me paraissaient les plus sensés avaient, comme je le découvrirais plus tard, un esprit et une approche plus « catholiques » que « protestants ».
Ainsi, bien qu’évangélique à l’époque, j’ai lu avec grand intérêt l’Encyclique de Jean-Paul II « Fides et Ratio – la foi et la raison » peu après sa parution en septembre 1998. L’ayant lue, je trouvai que les plus importantes leçons que les évangéliques peuvent retenir de ce document se trouvent dans l’intuition du Pape, selon laquelle certaines philosophies, à cause de leur logique intrinsèque, sapent la confiance en la vérité du message des Évangiles.
Le souci de Jean-Paul II était le salut des âmes et il comprenait que la mauvaise philosophie, si elle n’était pas confrontée à une saine philosophie, rendrait plus difficile la mission de l’Église, qui est le salut des âmes. Bien qu’il remarque l’inexistence d’une philosophie chrétienne officielle, une philosophie peut jusqu’à un certain point aider à éclairer la vérité chrétienne. Par exemple, un penseur chrétien ne peut inclure le matérialisme scientifique, le déconstructionnisme, ou le relativisme moral à la théologie chrétienne sans dommages aux vérités fondamentales sur l’ordre et la nature des choses tels qu’enseignés par l’Écriture et la Tradition sacrée.
Ceci veut dire que les spécialistes de la Bible et les théologiens proprement dits qui s’imaginent pouvoir tirer la doctrine de l’Écriture sans l’aide de l’analyse philosophique se trompent lourdement et ne rendent pas service à l’Église. Voilà pourquoi, pour Jean-Paul II, un interprète de l’Écriture doit, avec conscience, s’assurer qu’il aborde le texte selon de solides principes philosophiques.

Protestant attaché à la règle « sola scriptura » je ne me sentais pas trop à l’aise avec la critique du Pape à l’encontre du « Biblicisme », qu’il définissait comme un point de vue selon lequel la lecture et l’exégèse des Écritures sacrées constituaient le seul critère de vérité. Si je ressentais une gêne face à l’appel du défunt Pape à suivre le Magistère de l’Église comme l’interprète autorisé de l’Écriture, j’adhérais au principe énoncé par lui, selon lequel l’Écriture ne pouvait à elle seule être la source de connaissance théologique, sans l’aide de la réflexion philosophique.

Alors m’apparut l’évidence que les principales controverses doctrinales au cours des six premiers siècles d’existence de l’Église n’auraient pu être résolues par la simple citation de versets de la Bible. Il fallait plutôt une interaction élégante et appuyée par la raison entre le texte de l’Écriture et certaines formes de philosophie.

Prenons deux exemples. Le premier Concile de Nicée (325) proclame que l’Église croit « en un seul Seigneur Jésus Christ, fils unique du Père, de même nature (ἐκ τῆς οὐσίας) que le Père ». Le Concile de Chalcédoine (451) affirme que Jésus Christ est « la perfection même en divinité et en humanité, vrai Dieu et vrai homme en esprit et en chair; de même nature que le Père quant à sa divinité, de même nature que nous quant à son humanité » et « sans confusion, sans mutation, sans division, sans séparation, la différence des natures n’étant nullement supprimée par l’union, mais plutôt les propriétés de chacune étant sauvegardées et réunies en une seule personne et un être unique ».

Les deux Conciles emploient, en fait, le même vocabulaire philosophique — « substance », « esprit », « consubstantiel », « nature », « sauvegardé », et « parfait ». — fournissant un cadre conceptuel qui nous aide à mieux saisir la description du Christ dans l’Écriture.

De même que les règles grammaticales sont essentielles pour lire les Écritures (bien que ces règles n’émanent pas de l’Écriture), les catégories philosophiques inhérentes aux croyances sont essentielles pour tirer la théologie des Écritures, bien que n’en découlant pas.

Mais partant de cette idée — nul ne peut pratiquer la théologie sans philosophie — je ne pouvais brûler l’étape suivante, qui m’a amené sur les rives du Tibre. Bien qu’ayant saisi que l’Église faisait appel à la fois aux Écritures et à la philosophie pour mettre à plat les controverses de Nicée et de Chalcédoine, j’ai mis près de dix ans à voir nettement qu’elles étaient vraiment réglées ecclésiastiquement quand un Concile de l’Église, investi d’une véritable autorité contraignante, affirmait qu’un parti était orthodoxe, et l’autre, hérétique.

C’est pourquoi l’Église catholique croit — et j’ai été amené à croire de même — que les sentences conciliaires ne peuvent être de simples théories théologiques ni plus ni moins qu’un nouveau souffle contre lequel St. Paul nous met en garde « ne nous laissons plus balloter et emporter à tout vent de la doctrine » (Éph. 4:14). J’ai ainsi été amené à la conclusion que rien ne justifierait un rejet: ce sont les attendus du Magistère de l’Église, dans son rôle d’interprète des Écritures, guidé par l’Esprit Saint et agissant en tant qu’arbitre investi de l’autorité dans le domaine de la doctrine.

Francis J. Beckwith est professeur de philosophie et des relations entre État et Église à l’Université de Baylor (Texas). Il relate son itinéraire du catholicisme au protestantisme et le retour au catholicisme dans son ouvrage « Return to Rome: confession of an Evangelical catholic » (Retour à Rome: confession d’un évangélique catholique).

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Photo : Rome, notre foyer.

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2011/revelation-sacred-tradition-and-the-magisterium.html