La grotte de Lourdes
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Lourdes, Fatima, Guadalupe. Alors que j’étais converti depuis peu au Catholicisme, j’avoue ma perplexité devant ces affaires relatives aux apparitions mariales. C’est le genre de choses peu familières pour un jeune blanc, anglo-saxon, protestant, ambitionnant des études universitaires et la réussite dans une vie de culture Américaine. Et cependant un de mes plus chers souvenirs de « catholique-tout-neuf » se trouve à Lourdes, assis sur les marches de la basilique, regardant la procession eucharistique quotidienne.
Des centaines et des centaines de malades en chaise roulante ou sur des brancards se faisaient pousser, sortant sous un soleil éclatant sur la vaste esplanade (plusieurs terrains de foot) à mes pieds. Encore plus fabuleux, les centaines de bénévoles s’activant auprès de chaque malade, allant entre chaises roulantes et brancards pour répondre aux besoins de chacun.
J’ai appris qu’ils étaient des centaines à passer leurs deux à trois semaines de congés à Lourdes à assurer le déplacement des malades — pas de salaire, pas d’aide (ils devaient assurer leur propre hébergement), juste pour le bonheur de se dévouer.
« Je ne connais nulle part un hôpital, me disais-je, (j’ai travaillé dans des hôpitaux plutôt bien nantis) ayant les ressources, les moyens pour assurer plusieurs fois par jour, en toute sécurité, la sortie et le retour dans leurs chambres de tous ces malades.» Dans notre société séculière on parle souvent d’action « humanitaire », mais il faut aller dans cet étrange petit village des Pyrénées Françaises, où une jeune fille a dit sa vision de la Vierge Marie, pour assister à ce spectacle grandiose dans toute sa gloire.
Je songeais à cela l’autre jour en lisant le nouveau texte remarquable du Pape Benoît XVI Verbum Domini: Exhortation apostolique sur la Parole de Dieu dans la vie et dans la mission de l’Eglise. Ce document est long, mais il mérite d’être lu, et il contient un véritable mini-catéchisme sur de nombreux éléments à la base de la foi catholique. Un petit passage intéressant, calé au cœur du document, établit la distinction importante entre « révélation au monde », telle qu’énoncée dans les Saintes Écritures, et « révélation individuelle », telle que donnée à une personne depuis l’époque des apôtres — par exemple à Bernadette à Lourdes. Saisir cette nuance est plus important qu’on ne croirait. On me demande tout le temps, à moi, professeur de théologie, si les Catholiques « doivent croire » aux apparitions de Marie ? (Une brève réponse: dans des circonstances appropriées, les croyants peuvent adhérer prudemment, mais n’y sont nullement obligés.)
La question est traitée par le Pape Benoît XVI dans Verbum Domini en termes quasi-identiques à ceux qu’il a exprimés en Juin 2000 dans « Le message de Fatima » alors qu’il était encore Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Dans les deux documents il affirme que la « Révélation au monde » diffère des « révélations individuelles » non seulement « en importance, mais aussi en essence ». Non que les Écritures aient davantage de poids que les messages de Fatima ou de Lourdes (quoiqu’ils en aient); mais les deux cas sont différents par nature.
Il est fondamental à cet égard de comprendre que « révélation » (au sens donné par l’Église) n’est pas en soi communication d’une information, mais plutôt mise en compréhension de la Divine Trinité qui nous invite à une union plus intime, une communion plus profonde (telle que T.S.Eliot la décrit) avec Elle.
La « révélation au monde », déclare le Pape, concerne l’action de révélation directe de Dieu à tous les hommes, telle qu’exprimée littéralement par l’Ancien et le Nouveau Testaments. Cette révélation « garde sa signification en tous temps et a été accomplie par la vie, la mort et la résurrection de Jésus Christ ». « Dieu a tout dit en Jésus Christ, il s’est révélé pleinement par l’accomplissement du mystère du Christ ».
Les « Révélations individuelles » n’ajoutent ni ne complètent rien à la révélation totale de Dieu par le Christ, mais ont pour objet d’aider les croyants à vivre davantage selon l’Évangile « à certaines périodes de l’histoire de l’humanité ». L’authenticité d’une révélation individuelle est jugée précisément selon son orientation vers le Christ lui-même. Si elle nous écarte de Lui, alors elle ne provient pas de l’Esprit Saint, qui nous guide plus profondément dans la connaissance de l’Évangile, et ne nous en éloigne certes pas. La révélation individuelle est un auxiliaire de la foi, et démontre sa crédibilité précisément en faisant référence à l’unique révélation au monde. « De tels messages peuvent être d’un grand secours pour comprendre l’Évangile et le vivre mieux à une certaine époque ». Il ne faut donc « pas les ignorer… ils peuvent aider, mais nul n’est obligé d’en tenir compte ».
Il cite ce merveilleux passage de Saint Jean de la Croix: « En nous donnant Son Fils unique, son Verbe (il n’e a nul autre), Il nous a tout dit immédiatement par Son Verbe unique — et Il n’a rien de plus à nous dire… car ce qu’Il a précédemment dit par bribes aux prophètes, Il l’a maintenant tout dit en nous donnant TOUT, Son Fils. Quiconque douterait de Dieu ou désirerait obtenir une vision ou une révélation, serait coupable d’un comportement insensé, mais aussi d’offense à Dieu en ne portant pas uniquement son regard sur le Christ, et en vivant dans l’espoir de quelque nouvel évènement.»
Ainsi, quand mes étudiants me demandent « que se passe-t-il lors de ces apparitions Mariales ? Quels mystères sont révélés ? Quels secrets? » je réponds que le message ultime est simple. Marie donne toujours un seul message : priez mon Fils. Ce message, vous pouvez l’entendre dans n’importe quelle église, tous les dimanches.
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2011/revelations-public-and-private.htm