Retour sur photo - France Catholique
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100 ans. Donner des racines au futur
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Retour sur photo

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Faut-il revenir sur la photo insoutenable d’un petit garçon, Aylan Kurdi, qui a fait sans doute le tour de la Terre ? Il est possible qu’elle reste dans les annales à l’instar de certaines photos qui suffisent à illustrer une page d’histoire, telle celle de l’enfant du ghetto de Varsovie. Mais j’ai sous les yeux deux argumentations contradictoires, l’une émanant d’un sociologue que j’estime beaucoup, Jean-Pierre Le Goff interrogé par Le Figaro, l’autre de Benoît Hopquin qui explique dans Le Monde, pourquoi son journal a décidé de publier la photo à la une. Nous nous trouvons devant deux logiques contradictoires qu’il est intéressant de mettre en vis-à-vis. D’un côté, Jean-Pierre Le Goff proteste contre un chantage émotionnel qui « suscite moins une prise de conscience – qui suppose précisément la capacité d’un recul réflexif – qu’un sentiment d’impuissance et de culpabilité malsaine ». De l’autre, Benoît Hopquin démontre exactement la thèse inverse. Il s’agirait de réveiller la conscience d’une France résolument sourde aux réalités tragiques et ne voulant rien voir de la détresse « de ces gamins et ces gamines ballotés sur les routes de l’exode, ces corps exténués, traînés par leurs parents, ces minuscules tas dormant à même le sol d’une gare ou le fond d’un bateau ». J’avoue qu’entre les deux interprétations je balance, sans être sûr de trouver le juste équilibre.

Oui, il est dangereux de jouer sur l’émotionnel pur. Oui, il est périlleux de jouer sur la corde de la culpabilisation. Qui est coupable dans la mort du petit garçon ? Mais par ailleurs, il est parfois nécessaire de frapper un grand coup, non pour manipuler les esprits, mais les éveiller. Les éveiller en suscitant une réflexion. Je crains qu’une nouvelle fois on aboutisse au face-à-face des incompréhensions et des reproches mutuels. Reste l’hypothèse d’un débat public où l’on pourrait reprendre de fond en comble les causes et les origines du chaos du Proche Orient, en envisageant les conséquences proches et lointaines d’une catastrophe qui nous concerne tous. Réveiller les consciences oui, pour plus de lucidité !

Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 8 septembre 2015.