Retour au Bataclan - France Catholique
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100 ans. Donner des racines au futur
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Retour au Bataclan

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Au lendemain de la tragédie du 13 novembre dernier, je m’étais interrogé sur le concept de « génération Bataclan », en reconnaissant qu’il pouvait être pertinent, à condition de le situer à sa place, dans la sociologie de la jeunesse française. Depuis lors, la presse s’est intéressée à ces jeunes gens, à leurs biographies, à leurs singularités. Notre confrère Le Monde a même, au long des jours, publié les portraits de la plupart des victimes, à l’exception de celles dont les familles n’ont pas souhaité confier leurs souvenirs. Au terme de cette publication, Sylvie Kauffmann et Aline Leclerc ont confié leurs sentiments, dominés par l’extrême empathie éprouvée à l’égard de ces personnes, pour la plupart jeunes. « Leurs familles, disent-elles, sont devenues nos familles. » Et de fait, à lire chaque colonne dévolue à chacun des disparus de la terrible soirée, on ne peut se défendre d’une forte impression : quel mystère qu’une vie ! Ces jeunes gens, ces jeunes femmes auraient pu être nos proches, nos amis.

Je ne voudrais ici ranimer aucune querelle. Mais une telle enquête incite à se méfier des jugements à l’emporte-pièces, notamment à propos d’une culture commune, justifiable d’une appréciation négative. Tout ce qu’on a su depuis, notamment à propos des musiciens du Bataclan, invite à la circonspection. Certes, il y a quelque chose de troublant dans cette psychologie blessée, susceptible de dérives, mais aussi de réactions paradoxales. Il est hasardeux, en même temps, de conclure qu’il y avait osmose totale entre musiciens et spectateurs. Certes, j’admets parfaitement qu’on s’interroge sur cette culture heurtée, sur sa symbolique limite, à condition que cela conduise à la réflexion et non à l’anathème. D’autant plus que nous n’avons aucune autorité pour juger qui que ce soit et que chaque conscience est un sanctuaire à respecter.

Les portraits du Monde révèlent aussi beaucoup de générosité, des trésors de dévouement. Moins que jamais, ce que Bernanos nommait une « curiosité sans amour » ne doit s’appliquer à autrui. Cela ne doit pas obérer un juste discernement, mais surtout il s’agit d’éviter que l’esprit meurtrier ne finisse par gagner, en établissant des barrières et en propageant l’incompréhension.

Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 23 décembre 2015.